Rechercher

Jean-Pierre Sergent

FR | EN

Presse 2021-Présent

Facebook Twitter LinkedIn

Jean-Pierre sergent, RADIO INTERVIEW WITH THIERRY EME "LES GENS D'ICI" FOR FRANCE BLEU BESANÇON | JANUARY 10, 2025


INTERVIEW RADIO AVEC THIERRY EME, ÉMISSION "LES GENS D'ICI", POUR FRANCE BLEU BESANÇON LE 10 JANVIER 2025 [14 mn] (écouter l'émission)

Les Gens d'Ici, c'est le nom de cette nouvelle émission que vous propose chaque matin Thierry Eme, qui part à la rencontre des gens de Franche-Comté. Et ce matin, Thierry, vous avez mis de l'Art sur votre palette de rencontre ?


Thierry Eme : Parmi les gens d'ici, on est avec un artiste plasticien qui est bisontin, qui a exposé en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, en Iran et qui expose en ce moment à Besançon. Il ne faut pas le rater parce que, il expose en plus dans une nouvelle galerie, la Galerie Keller. Bonjour Jean-Pierre Sergent !

Jean-Pierre Sergent : Bonjour cher Thierry et bonjour à tous les auditeurs. C'est un vrai plaisir d'être avec vous.

TE : C'est quoi cette galerie ? C'est la succursale d'une galerie de Zurich ?

JPS : Non, pas du tout. Mon amie Heidi Suter, n'a pas trouvé d'espace à  louer à Zurich, parce que les loyers deviennent vraiment trop chers. Et donc, elle a décidé de déménager ici, à Besançon, pour ouvrir ce nouvel espace d'exposition, parce qu'on se connaissait depuis plus de dix ans déjà ; oui, cela fait dix ans que l'on travaille ensemble. On a fait les foires de Lugano ensemble (Wopart), on est partenaire et pour une première expo, on a décidé d'ouvrir avec cette exposition "Erotica, œuvres sur papier" dans ce lieu et l'exposition durera trois mois, le temps qu'on essuie un peu les plâtres, si tu veux, afin que les gens connaissent et découvrent la galerie.

TE : Tu es plus connu internationalement, qu'ici localement, Jean-Pierre, quand même, c'est un nom connu quand même Jean-Pierre Sergent, aujourd'hui dans l'Art ?

JPS : Oui, c'est vrai que je suis connu parce que je fais beaucoup de travail à l'atelier ainsi que sur les réseaux sociaux aussi, bien sûr.

TE : Alors ce travail, c'est quoi ? Quelle serait la dominante s'il y en avait une. On parle de cosmogonie, de choses comme ça ? Il faut nous éclairer un peu stp ?

JPS : Oui, c'est une nouvelle série qui s'appelle "Karma-Kali, Sexual Dreams & Paradoxes". Donc le karma, c'est toutes les choses qui nous arrivent dans la vie et Kali, c'est une déesse indienne de la vie, de la mort et de la sexualité. Donc il y a beaucoup d'images érotiques dans mon travail mais également beaucoup de dimension spirituelle que je représente par les patterns ou par le vide. Là, on voit une peinture qui est sur notre gauche et qui représente le Vide, l'état cosmique des hindous, la pure conscience, le vide meta-cosmique. A côté, on trouvera un plexiglass qui a la même thématique aussi.

TE : On parle de pattern. C'est quoi ? Ce sont des figures à répétition, c'est ça, dans le principe ?

JPS : Oui, le pattern, c'est une figure géométrique dans laquelle le motif se répète. Et il y a un très beau livre sur les patterns qui s'appelle Patterns That Connect: Social Symbolism in Ancient & Tribal Art de Carl Schuster, qui est un ethnologue qui a fait des études sur toutes les tribus premières (entre guillemets). Il réfléchissait sur la signification de tous ces dessins. Pourquoi les motifs se répétait ainsi et qu'est-ce que ça montrait ou représentait ? Et souvent, ça représente des interconnexions génétiques. Et donc, ça, c'est le père, la mère, la fille, le fils. L'exemple le plus probant de ça, ce sont les totems Asmats de Nouvelle-Guinée. Ce sont des pôles comme ça, qui font trois ou quatre mètres de haut et donc on voit les générations qui se succèdent et les patterns, en général ont une signification que nous avons perdu. Nous voyons ça comme œuvre décorative mais pour eux, ça avait une signification profonde et humaine, spirituelle et intergénérationnelle. 

TE : Huit nouvelles œuvres sur papier, c'est principalement de la peinture acrylique, c'est ça, qui est sérigraphiée ?

JPS : Oui, tout à fait. Maintenant, j'ai trouvé un nouveau système de travail. Je mets toujours de l'encre de Chine avant ou après avoir imprimé les images et ça se superpose. Pour moi, c'est important de travailler un peu dans la confusion, comme ça, parce que je pense qu'une seule image ne décrit pas la diversité de la Vie. Donc là, on a plusieurs couches imprimées successivement, plusieurs couches qui s'interpénètrent.

TE : En résonance, en interaction ?

JPS : Et surtout en mélange avec beaucoup de différentes Cultures car je n'aime pas vivre dans une seule Culture uniquement.

TE : Alors tu es exposé dans bon nombre d'endroits dans le Monde quand même. C'était quelque chose que tu aurais imaginé un jour, ça, plus jeune ?

JPS : Non absolument jamais. Tu sais, j'avais une ferme à Charquemont où j'avais dix-sept chevaux et j'ai trouvé une galerie au Canada qui voulait bosser avec moi à Toronto. Et ils m'ont dit : mais il faut que tu viennes vivre au Canada ! J'ai dit : attends, j'ai dix-sept chevaux, ça va être un big move ! Et finalement, ça s'est fait comme ça. J'ai pris mes deux ou trois sacs à dos, j'ai déménagé à Montréal et depuis Montréal, je suis allé à New York où je suis resté dix ans. Et c'est vraiment là où j'ai appris le vrai métier d'être artiste.

TE : Au contact de gens, d'artistes sur place, là bas, des plasticiens ?

JPS : Oui, tout à fait. Il y a une dynamique, un niveau d'énergie à New York qu'on ne retrouve nulle part ailleurs.

T. E. : C'étaient les années Charlélie Couture. ? Il était là-bas lui aussi ?

J-P.S. : Oui, je l'ai rencontré une fois dans la rue. Oui mais lui, il avait beaucoup plus de moyens que moi, parce qu'il avait un gros budget annuel. À New York, c'est dur mais ce sont des années qui comptent double ou triple ou quadruple, parce qu'on rencontre tellement de gens passionnés, des pointures, des gens très intéressants et on arrive à se débrouiller en tant qu'artiste. C'est là où j'ai vraiment appris ce métier d'artiste !

TE : Vraiment comment as-tu fait le chemin, ton parcours? Il part de quoi finalement ? La première toile peut être ? Ta formation, L'École des Beaux-Arts ? C'est parti de quoi ton aventure?

JPS : Tout à fait. Mais c'est plutôt parti de l'enfance. Parce que moi, quand j'étais enfant, je souffrais de fortes crises d'asthme donc je ne pouvais pas bouger. J'étais à la maison et j'avais le grand livre des animaux où je recopiais des images au carbone comme ça et je faisais des tableaux comme ça, des petits tableaux sur contreplaqué et je fais, aujourd'hui, en quelque sorte, toujours la même chose. Si tu veux, je recopie des images et je les sérigraphies, c'est plus pratique parce que je peux les imprimer dans n'importe quelle couleur. Voilà, Et ça s'est développé après. Parce que ce qui est important pour nous, êtres humains, c'est de montrer la diversité de la Vie et la beauté quelque part, c'est tellement important la beauté et puis l'inattendu et l'éveil. Il faut avoir un niveau de conscience qui s'éveille. Je pense que l'Art sert à éveiller les consciences.
C'est une façon de sublimer aussi les choses, les actes, les lieux, les cultures aussi et puis de dire voilà, ça, ça existe, je vous le donne en quelque sorte. Et puis réfléchissez-y, c'est un peu ça. Oui, c'est un don. L'Art est un don ! Tout à fait, oui, c'est vraiment un don absolument, c'est un cadeau. Et je suis très fier et honoré d'être artiste. Parce que, autour de moi, je vois mes amis qui commencent à avoir un certain âge et ils se plaignent un peu de leur vie, parce qu'elle n'est pas essentiellement valorisante quelque part. Pour ma part, je ne suis pas valorisé financièrement car, c'est toujours très dur financiérement cette vie d'artiste. Mais je suis vraiment heureux de vivre ça, cette vie incroyable et je travaille toujours énormément.

TE : Il y a des trucs très sexy que j'ai vu là, c'est vraiment chaud !

JPS : Oui, c'est ça. Mais je travaille la sexualité un peu comme on travaillerait une pratique tantrique si tu veux. Systématiquement, j'utilise des images érotiques, peut-être pour casser l'érotisme primaire et entrer dans autre chose, pour transcender une certaine réalité corporelle.

TE : Ok, tu vois autre chose à dire?

JPS : Non mais on peut aller voir Hedi, la Directrice, si tu veux lui parler ?

TE : Oui, on y va.

JPS : Je vais te montrer aussi la peinture sur plexiglas. Voilà, tu vois le beau plexiglas !

TE : Ah oui, effectivement.

JPS : Donc cette peinture fait : 1.40 par 1.40 m.

TE : On pense tout de suite à une étoile juive ? je ne sais pas pourquoi…

JPS : Mais non, pas du tout ! En fait, c'est un yantra hindou, c'est un peu la même chose mais, ici, ce sont des triangles qui s'interpénètrent comme ça... Il y a les triangles masculins et féminins et au milieu, il y a le point Bindu. C'est comme un big bang cosmique, oui, absolument.

TE : Et puis toujours avec ce cadre là, on reconnait bien ton style et ton Art avec les couleurs, les aplats très fort !

JPS : Oui mais autour, j'entoure toujours le plexiglas qui est peint. Donc ça, le centre, c'est peint à la main, ce n'est pas un produit industriel. Le tour, le plexiglass coloré, c'est industriel, donc c'est un peu une confrontation produit industriel versus l'intime, le secret et ça crée une dynamique, comme une dynamique giratoire, comme une signalétique évidente.

TE : C'est le cadre en fait ?

JPS : Oui, c'est le cadre mais c'est plus fort que le cadre. Ça définit un espace sacré et l'on peut appeler ce monde pictural : le centre du Monde (l'axis mundi).

TE : Quel est votre rôle Heidi ? Alors dites-moi votre fonction ?

Heidi Suter : Je suis la galeriste, l'organisatrice !

JPS : Oui mais là, Heidi a un peu mis tout son argent dans ce projet. Et donc oui, on fait cette exposition pendant trois mois, comme je l'ai dit tout à l'heure, pour essuyer les plâtres… Et puis après, nous montrerons des artistes bisontins, des amis à moi, dont Guimbarde, qui est malheureusement décédé ces temps-ci ainsi que quelques autres amis. Et puis après, elle montrera donc des peintres de Zurich. On verra comment ça démarre. Il ne faut préjuger de rien. Mais l'espace est, en fait, magnifique.

TE : C'est une nouvelle aventure.

JPS : Oui, c'est une nouvelle aventure, tout à fait.

TE : On se projette encore plus loin quand on est artiste ?

JPS : Là, je travaille avec une nouvelle galerie à Chypre. On devrait faire une expo cet hiver, on verra ce que ça donne.

TE : À quoi ressemble les clients sans indiscrétion ? Ce sont des passionnés, des collectionneurs, des investisseurs ? Qui sont ils ? Il y a plusieurs niveaux dans l'Art Contemporain ? 

JPS : À mon niveau, ce sont surtout des gens qui ont pas mal voyagé ou même travaillé et vécu à l'étranger et qui flashent sur mon travail. Bon, malheureusement, en France, je sais qu'il n'y a pas une très grande dynamique, ni d'intérêt vis à vis de l'Art ni des artistes. C'est bien dommage. On le regrette vraiment.

TM : On parle de cote aussi. Vous êtes cotés dans quel type d'institutions, d'organismes? Comment ça se passe ça, en fait ?

JPS : Oui, en fait, il y a un site internet qui s'appelle Artprice.com, où tous les artistes, qui vendent en salle des ventes, sont listés chaque année et il y a la somme totale de leurs ventes. Par exemple, Jeff Koons ou Basquiat, il ont vendu pour soixante ou cent millions de dollars par an. Et après, il y a les autres. Le premier artiste français, c'est un ami que je connais, Richard Texier, Il était 170ᵉ dans le classement donc bon, il n'y a plus vraiment d'artistes français connus !

TE : C'est un peu comme le classement ATP du tennis ? 

JPS : Voilà, oui, c'est ça, mais c'est juste les ventes, ça ne veut pas dire l'importance de leurs œuvres. Mais maintenant, ce qui s'est passé dans les dix dernières années ou peut-être les 20 dernières années, c'est que le marché a pris une telle importance que, nous autres artistes peu connus, on ne peut plus y entrer. Parce que cette toile là, ce plexiglas, coûte, par exemple 12 000 €. Si je la vendais à 200 000 Euros, je la vendrait beaucoup plus facilement !

TE : Non mais c'est dingue ça ! 

JPS : Oui et il y avait même un très bel article dans la Gazette des Arts (L'Art Valeur Refuge) où on expliquait que l'Art devenait vraiment une valeur refuge et que les jeunes artistes qui vendaient auparavant leur première vente entre dix mille et quinze mille Euros en salle des ventes, maintenant, ils vendent entre 300 à 500 000 $, leur premier prix de vente en salle des ventes. Donc, si on n'a pas un collectionneur derrière soi, on n'a plus aucune chance de vendre quoi que ce soit.

TM : Oui, parce que c'est les collectionneurs qui font finalement la cote. C'est un peu les premiers qui craquent et qui collectionnent, qui mettent les artistes sur le marché ! 

JPS : Moi, je travaillais avec une galerie a New York qui s'appelle Opéra Gallery et mon ami Eric Allouche, le directeur, avait vendu un Basquiat pour 4,4 millions $. Donc moi si je vends des toiles à 15 000 $, il n'y a aucun intérêt à vendre mon travail parce qu'il perd 100 fois plus de temps pour vendre une de mes peintures qu'en Basquiat et ça ne fonctionne pas comme ça.

TM : C'est dingue. Ça dégoûte un peu, non?

JPS : Oui car on ne sait plus vraiment trop quoi faire et ça s'est vraiment aggravé ces dernières années, bien sûr.

TM : Est-ce que c'est qu'il y a de plus en plus d'artistes, de plus en plus de noms célèbres ?

JPS : Oui mais paradoxalement, Il y a de moins en moins de galeries. Les galeries ferment car elles ne vendent plus rien. La plupart, ce qu'on appelle les galeries moyennes ou les petites galeries ne vendent plus rien du tout !

TM : Ça se passe comment, avec des ventes sur Internet ?

JPS : Oui, en salle des ventes mais sur Internet, je n'y crois pas trop. Mais en salle des ventes, oui !

TM : Les galeries disparaissent bien sûr.

JPS : Par exemple, à Besançon, dans les années 80, il y avait cinq, six, sept ou huit galeries, je ne sais pas ? Par exemple, les galeries Mathieu, il y avait Jean Greset, il y avait plein de gens aux vernissages mais aujourd'hui, les galeries disparaissent petit à petit. Parce que moi aussi, je ne sens plus aucune appétence pour l'Art chez les gens que je côtoie. 

TM : C'est la faute à qui ? À la culture? À l'éducation ? Aux réseaux sociaux ?

JPS : Et bien oui, j'en ai discuté avec une amie française qui a une galerie à Hambourg et je lui ai demandé : mais qu'est ce qui se passe en France ? Car Il y a moins de 1 % des artistes professionnels en France qui peuvent vivre de leur travail. Moins de 1 %. ! Et en Allemagne, j'avais vu un reportage sur Arte, c'était environ 5 %, c'est en fait cinq fois plus. Donc, d'où viennent ces 4 % supplémentaires ? Et cette galeriste de Hambourg m'avait dit  : Jean-Pierre, c'est très simple, les Allemands, ils ont une éducation artistique et dès qu'ils ont un peu d'argent, ils achètent leur appartement et la première chose qu'ils achètent avant le canapé, ils achètent de l'Art ! Donc, c'est intrinsèquement dans la culture allemande de soutenir leurs artistes et aussi de comprendre que les artistes sont des êtres importants pour la société ! Là, je vais citer une phrase de Joseph Beuys qui est un artiste allemand très important et il disait que si jamais l'Art disparaissait, le cerveau humain disparaîtrait également en moins de mille ans. Mais moi, je crois que le cerveau est déjà en train de disparaître aujourd'hui ! Maintenant, on ne voit que des comiques ou des footballeurs, c'est aussi très important. Mais il n'y a plus de Culture et la Culture n'a plus aucune place, aucune importance en quelque sorte.

TM : Disons que le cerveau peut-être, se détourne vers d'autres choses, des choses plus faciles, plus séduisantes ?

JPS : Bien sûr, parce que l'Art, c'est quand même compliqué à comprendre. Il faut toute une culture pour regarder une peinture. Et puis, il faut aussi de la curiosité et de l'amour, un peu d'amour. On ne peut pas regarder une œuvre d'art comme on regarde un truc chez Ikea, ce n'est pas possible. Il y a une dimension vibratoire et très peu de gens ont ou ressentent cette dimension-là.

TM : Merci Jean-Pierre.

JPS : Merci Thierry, c'est moi qui te remercie ! Donc, la galerie est située au 7 de la rue Proudhon, c'est au fond de la cour au rez-de-chaussée et elle est ouverte du mercredi au dimanche de 14 h à 19 h et sur rendez vous. Au plaisir de vous y rencontrer et au revoir à tous et à toutes.





"JEAN-PIERRE SERGENT EXPOSE À LA NOUVELLE GALERIE KELLER"  | CATHERINE CHAILLET | EST REPUBLICAIN DE BESANÇON | 15 JANVIER 2025

Ils travaillent ensemble depuis 10 ans : lui, le peintre bisontin et Heidi Suter, galeriste zurichoise. Ensemble ils ouvrent au 7, rue Proudhon, la Galerie Keller. Jean-Pierre Sergent, y présente jusqu’en mars, "Erotica, œuvres sur papier".
 
Jean-Pierre Sergent expose à la Galerie Keller, tenue par Heidi Suter, venue de Zurich. Photo Arnaud Castagné.

                               Jean-Pierre Sergent expose à la Galerie Keller, tenue par Heidi Suter, venue de Zurich. Photo Arnaud Castagné.

Sur les 566 œuvres sur papier de sa série "Karma-Kali, Sexual Dreams & Paradoxes",  Jean-Pierre Sergent a choisi d’exposer une sélection de huit œuvres sur papier, réalisées entre l’été et l’automne. Le peintre poursuit son chemin, hors des sentiers battus, nourri aux cultures primitives. « Les artistes sont la mémoire du monde. Sans être christique, je montre ce qui existe, ce qui va partir. » Une quête commencée au hasard d’un voyage en Égypte avec son grand-père. Jean-Pierre Sergent, alors étudiant aux Beaux-Arts à Besançon, n’a jamais repris le cours tranquille de ses études : « J’ai saisi, lors de ce voyage une dimension spirituelle que je ne soupçonnais pas et que je n’ai pas retrouvée en France. Je suis sorti du chemin, comme on sort de son corps ». Il voyage alors : New York durant dix ans, le Mexique, les transes chamaniques et garde aujourd’hui dit-il, alors que les voyages ne sont plus que livres, que l’énergie qu’ils ont apportée.

Intimité sur papier

Énergie donnée à voir dans ces huit petits formats sur papier, vision intimiste, d’une proposition bien plus large et un grand format sur Plexiglas, son support de prédilection, dans la dernière salle de la petite galerie qui mêle cosmos et enchevêtrements de formes triangles, de masculin, de féminin. « Rien ne nous oblige à demeurer artiste, c’est un privilège dont je suis conscient, mais je crois que nous sommes dans une période de rupture, dans une société post-culturelle, ce qui avait de l’importance avant n’en a plus, on ne rêve plus d’être Matisse ou Picasso, mais d’être footballeur. La culture prend du temps et les gens n’en ont plus » songe Jean-Pierre Sergent, dont le travail peine à trouver un écho, même si les durant quatre ans Les quatre piliers du ciel, 72 panneaux en couleurs et symboles, ont été accrochés au musée des Beaux-Arts. Il a goûté la reconnaissance institutionnelle mais avoue une déception face à « l’indifférence du public, je n’ai pas reçu un coup de fil ». Le peintre poursuit son œuvre, « parce que c’est la vie, parce que je suis vivant » et propose donc là, jusqu’en mars, d’autres occasions de rencontres. Après lui, Heidi Suter, qui a dirigé successivement deux galeries à Zurich pendant près de quarante ans, ouvrira les portes de la galerie Keller à d’autres artistes bisontins.



L’ORANGERIE DE SAUVIGNEY-LÈS-GRAY ORGANISE UNE EXPOSITION DÉDIÉE À JEAN-PIERRE SERGENT, INTITULÉE « POLYPHONIES : ARTS, CULTURES ET CIVILISATIONS », JUSQU’AU 6 JUIN
Est Républicain, Haute-Saône, 5 mai 2022

Venir voir une exposition à l’Orangerie de Sauvigney-lès-Gray est une expérience qui invite à prendre le temps, celui pris pour se rendre dans un lieu qui en soit vaut le détour, mais aussi pour y contempler des œuvres contemporaines.
Jusqu’au 6 juin, le lieu accueille des peintures de Jean-Pierre Sergent. Originaire de la région où il a fait les Beaux-Arts après une école d’architecture à Strasbourg, il s’est envolé à Montréal puis New York pour y déployer durant une dizaine d’années son imaginaire sur les toiles.
Revenu à Besançon, il a exposé son travail à travers le monde. Son exposition à l’Orangerie est un bon complément à sa présence depuis 2019 au musée des Beaux-Arts de Besançon avec une fresque de 72 peintures en plexiglas.
À l’Orangerie, une vingtaine de peintures sont mises en avant, originaires de différentes séries qui ont comme point commun de montrer sous un regard nouveau différentes civilisations, cultures et spiritualités. Inde, Mexique, monde Maya, les configurations sont multiples mais avec toujours en fil conducteur « une spiritualité qui relie à la terre. »
Il y a une dimension de sacralité cosmique dans son approche, remplie de multiples références qui apparaissent en scrutant le moindre détail d’une œuvre. Le trait est précis, la profondeur des couleurs également. « Ce qui m’intéresse, c’est de montrer de la joie, la diversité du monde et aussi de cultures qui disparaissent même si on n’en parle pas. L’art guérit et la création procure de l’énergie », assure l’artiste.
Exposition Jean-Pierre Sergent à la galerie de l’Orangerie à Sauvigney-lès-Gray au 32 Grande rue. Horaires : samedis et dimanches de 10 à 19 h, en semaine sur rendez-vous. Conférence le dimanche 15 mai à 16 h 30 (sur réservation). Rencontre avec l’artiste le samedi 28 mai à 15 h.

Par Dominique BOLOPION


article Jean-Pierre sergent: artist of the ecstatic soul, by Ava Baria, Sooni Gander in Happy Ali Magazine, exhibition, polyphonies: arts, cultures & civilizations. Happy Ali Magazine, Hong Kong

JEAN-PIERRE SERGENT: ARTIST OF THE ECSTATIC SOUL, PAR AVA BARIA & SOONI GANDER POUR HAPPY ALI MAGAZINE, HONG KONG | 20 AVRIL 2022

Jean-Pierre Sergent est un artiste franco-new-yorkais, qui vit et travaille actuellement à Besançon, en France. Ses œuvres ont été exposées à l'international depuis les années 1990 : aux États-Unis, en Europe, en Iran et en Chine. En 2019, une fresque monumentale de 72 peintures sur plexiglas, de 80 mètres carrés, Les Quatre Piliers du Ciel, a été installée au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon où elle demeure.
Jean-Pierre Sergent

Présentée au public, lors de cette exposition particulière est une sélection de 20 petits formats de la série Shakti-Yoni : Ecstatic Cosmic Dances de 2016 à 2020, 25 x 25 cm ; quatre œuvres sur papier de la série : Beauty Is Energy, 2003 et Sky Umbilicus, 2006, 76 x 56 cm ; ainsi qu'une grande peinture sur plexiglas Ladies Of The Ants, 1,40 x 1,40 m, 2015, issue de la série Mayan Diary.

Depuis les œuvres que Sergent a réalisées à New York après ses voyages au Mexique, et surtout après les attentats du 11/11, il y a une énergie et ce que l'artiste décrit comme " Une violence esthétique, karmique, sexuelle... qui est présente, et qui jaillit de la profondeur, des temps archaïques et lointains : puissante, vraie, indispensable, sauvage, consubstantielle et fusionnelle de la vie.

" Les arts et les rituels des anciennes civilisations lui semblent beaucoup plus adaptés, plus complets, concrets et justes, face et vers les réalités complexes de notre moi cosmique et de nos destins humains, individuels et collectifs : naissance-mort de chaque être humain et de chaque civilisation, la sexualité étant évidemment le lien et le point de départ de tout cela. Et la violence aussi, car la vie se nourrit toujours de la vie, même lorsqu'elle est entièrement végétarienne, il ne peut en être autrement." 

Pendant des années, alors qu'il était entièrement immergé dans le melting-pot new-yorkais, Sergent a commencé à expérimenter des médias et des images qui choquaient et attiraient son public. Dans ses sérigraphies, il a combiné l'image d'une statue d'un prêtre-chambre aztèque sacrificiel, L'écorché, avec le dessin rituel et hiératique, sur un petit morceau de bois, d'un Indien Selknam de la Terre de Feu, une tribu aujourd'hui complètement disparue.

Un taureau égyptien Apis portant sur son dos la momie du mort (le corps et l'âme, le Ka : élément constitutif de la personne représentant sa force vitale, dans la mythologie égyptienne) dans l'autre monde, juste au-dessus d'un Gaïa-Nout avec le corps d'une femme illustré par une image pornographique contemporaine. Gaïa est bien sûr cette divinité grecque fondamentale (la Terre) qui a donné naissance aux premiers êtres divins et Nout, la déesse égyptienne du ciel, qui symbolise le firmament et est considérée comme la mère de toutes les étoiles.

Sergent dit : "Tout Art et toute création sont à la fois un choix ou un non-choix. Et pour ma part, j'assume ce choix d'ouvrir mon travail au monde, à ses diversités, ses étrangetés, en dérangeant parfois certains. 

"Car aujourd'hui, la beauté seule n'est plus une excuse suffisante pour la création artistique. Nous avons besoin de plus de conscience et d'énergies vitales pour créer et recréer de facto, de nouvelles consciences, de nouveaux espoirs, de nouveaux plaisirs... Et bien sûr, en ce jour de 2022, pour insuffler au monde un grand espoir de paix."


EXPOSITION JEAN-PIERRE SERGENT, POLYPHONIES : ARTS, CULTURES & CIVILISATIONS PAR JEAN-PAUL GAVARD-PERRET, 15 AVRIL 2022, LE LITTÉRAIRE

EXPOSITION JEAN-PIERRE SERGENT, POLYPHONIES : ARTS, CULTURES & CIVILISATIONS PAR JEAN-PAUL GAVARD-PERRET, 15 AVRIL 2022, LE LITTÉRAIRE

DU PASSÉ AU FUTUR

Prenant comme sorte d’incipit à son expo­si­tion la phrase de Her­mann Hesse :"Quand vous détes­tez une per­sonne, vous détes­tez quelque chose en elle qui fait par­tie de vous-même. Ce qui ne fait pas par­tie de nous-même ne nous dérange pas.", Jean-Pierre Ser­gent crée depuis ses œuvres réa­li­sées à New York, après ses voyages mexi­cains et l’attentat du 11 sep­tembre 2001, une éner­gie et ajoute-t-il "une vio­lence esthé­tique, kar­mique, sexuelle".
 Tout semble res­sur­gir de la pro­fon­deur, des temps archaïques, sau­vages en fusion avec l’existence.

Face et envers les réa­li­tés com­plexes d’un moi cos­mique et des des­ti­nées humaines, il ramène au jour arts et rituels des anciennes civi­li­sa­tions là où la sexua­lité était le lien et le point de départ.
 L’artiste a donc mélangé plu­sieurs images tirées du fond des temps afin de créer une nou­velle noce de rituels diver­si­fiés et d’ouvrir le monde en péril et en un moment où dit-il "la beauté uni­que­ment, n’est plus une excuse suf­fi­sante à la créa­tion artistique."

Il faut plus et une telle créa­tion le prouve.



 

JEAN-PIERRE SERGENT INTERVIEWED FOR LUXURY SPLASH OF ART, FEBRUARY 13, 2021 BY AGNIESZKA KOWALCZEWSKA

INTERVIEW DE JEAN-PIERRE SERGENT POUR , PAR AGNIESZKA KOWALCZEWSKA | 13 FEVRIER 2021
Download the PDF (Eng)| Télécharger le PDF (fr)
L'Art, comme le sexe, a à voir avec la transcendance de la réalité, des couleurs, du plaisir et de la mort...

 

il nous a raconté que pour devenir artiste : "Tout d'abord, vous devez apprendre beaucoup de choses, lire beaucoup de livres, voir beaucoup de films, visiter beaucoup de musées, vivre beaucoup d'expériences, visiter beaucoup de pays, avoir beaucoup de sexe, peindre beaucoup de tableaux... avant même de savoir vraiment ce que vous voulez et pouvez faire. Et quel sera votre vrai cheminement artistique personnel ?

Luxury Splash of Art : Jean-Pierre c'est un grand plaisir de vous interviewer ; merci de nous avoir accordé du temps pour partager votre histoire de vie artistique.   
Aujourd'hui, je voudrais vous parler de votre travail artistique, de vos projets, de votre inspiration, de votre spiritualité et de votre exposition actuelle les "4 Piliers du Ciel" au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon. Mais avant d'en arriver à ces questions, pouvez-vous nous en dire plus sur vous. Quand votre voyage artistique a-t-il commencé et qu'est-ce qui fait que l'Art vous passionne autant ?
 


JPS :
Bonjour chère Agnieszka et les lecteurs du Luxury Splash of Art, merci pour l'intérêt que vous portez à mon travail et pour vos questions. Être artiste plasticien, c'est embrasser le plus vieux métier du monde, avec tout le respect dû aux prostituées, dont on dit communément qu'elles font le plus vieux métier du monde ! En tout cas, quand on pense aux premières traces de l'humanité, au-delà de tous les squelettes et du matériel génétique découverts par les archéologues comme les squelettes et les déchets trouvés dans les campements troglodytes ou dans les tombes ; les artistes sont à l'origine et ont posé les premiers jalons tangibles de la pensée et des croyances humaines. Ainsi, être artiste professionnel, en tant que métier, en tant que spécialiste de l'image, est sans aucun doute beaucoup plus ancien qu'être prêtre, architecte, guerrier, agriculteur, politicien, assureur ou même banquier ! Et c'est comme si l'on appartenait à une longue lignée, à une grande famille ou à une sorte d'"old souls club". Picasso a dit un jour dans une interview par le célèbre écrivain français et ministre de la culture André Malraux dans Le Miroir des limbes, "Savez-vous ce que je pense, des fois ? Ça m’amuse : je suis superstitieux. Je pense que c’est toujours le même Petit Bonhomme. Depuis les cavernes.
Il revient, comme le Juif errant. Les peintres se réincarnent forcément comme peintres. C’est une race. Comme les chats."


Ainsi, être artiste, c'est faire partie d'une communauté éternelle et en même temps, avoir besoin d'être à l'extérieur, en marge des principaux courants de pensée et des sociétés dominantes dans lesquelles nous vivons, afin de mieux comprendre et d'englober l'ensemble des choses et des problèmes. Il est également utile d'être une espèce de guérisseur, car l'Art est toujours profondément lié à la Mort ; l'Art a toujours gravé dans ses basques et son essence, le filigrane de la Mort ainsi que le poids du souvenir des morts, vraiment assez paradoxalement plus profondément que l'Amour, je crois en tout cas. Comme l'a dit Henry Miller dans Remember to Remember : "La mission de l'homme sur terre est de se souvenir". Sans œuvres d'art, nous ne saurions nullement parler de toutes les existences de tous les Dieux et Déesses historiques, de tous les rituels que les images et les statues ont accompagnés, dépeints et rendus possibles. Ce serait alors un Monde vide, désenchanté et sans mémoire. D'une certaine manière, l'Art est l'incarnation du vivant dans sa présence, son mouvement et sa réalisation. Non seulement il a et il nourrit encore l'inconscient personnel et collectif, mais il est et a été un support pour toutes les pratiques "spirituelles" qui ont commencé il y a très longtemps et qui se poursuivent dans aujourd'hui.


Quant à ce que représente l'Art pour moi : en quelques mots, je peins depuis mon enfance et j'ai continué à le faire dans un processus ininterrompu jusqu'à maintenant. Enfant, j'ai souffert de terribles crises d'asthme alors peindre des images d'animaux et de paysages, m'a donné une merveilleuse façon d'échapper à la souffrance et aux fortes angoisses de la peur de mourir par suffocation. C'est aussi cette dimension importante que je voudrais évoquer ici et qui est le fort pouvoir de guérison de l'Art, pour soi-même et pour les autres. Je crois que aussi l'Art peut être vécu comme une révélation, c'est ce qui m'est arrivé lors de différents voyages en Egypte (dans la tombe de la Reine Néfertari à Louxor) et au Mexique lors de la visite des pyramides sacrées comme Chichén Itzá ou Uxmal. D'une certaine manière, il faut vivre l'Art avec son corps tout entier, non pas seulement avec son esprit, ses connaissances ou avec des reproductions imagées. C'est à la fois une expérience physique (sensuelle) et spirituelle. L'art nous aide à ressentir le flux constant d'énergies vitales, comme le sang, les rivières, les étoiles... Cela relève d'une appartenance à l'Univers et du fait d'être interconnecté d'une certaine manière. À un moment donné, c'est aussi un langage qu'il faut apprendre, auquel il faut s'initier. Pour en revenir à Picasso qui disait : "Quand les gens veulent comprendre le chinois, ils pensent : je dois apprendre le chinois, non ? Pourquoi, ils ne pensent jamais qu’il faut qu’ils apprennent la peinture ?"


LSA : Une fois, vous avez dit que vous vouliez "Making art alive in a society which is spiritually dead.", pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet ? L'Art doit-il toucher l'Ame ou doit-il se vendre ? Peut-être les deux ? Quel est votre point de vue ?

JPS : Oui, exactement, j'aime toujours relire cette phrase là, parce que pour vous dire la vérité, si vous ouvrez vraiment les yeux à notre réalité et cherchez la vérité : nous sommes actuellement confrontés à une situation vraiment difficile, profonde et désespérée, presque apocalyptique. Je vous épargnerai la liste des mauvaises nouvelles pour ne pas trop vous affoler, ni affoler le lecteur mais nous en sommes tous conscients. Et ce qui me frappe le plus émotionnellement, c'est vraiment d'avoir le sentiment de la disparition de la spiritualité ou mêmes des spiritualités, nous conduisant de facto à la disparition de l'âme. Il y a quelques mois de cela, j'ai écrit un petit texte à ce sujet : Au sujet de la disparition de l'âme aujourd'hui, après avoir lu le très beau livre de Maurice Maeterlinck, Le Trésor des humbles, dans lequel il déclare : "Il y a vraiment des siècles où l'âme se rendort et où personne ne s'en inquiète plus" et même le général De Gaule, l'homme le plus connu et respecté du XXe interrogé dans le même livre de Malraux, dit à peu près la même chose : "Et si notre civilisation n'est certainement pas la première à nier l'immortalité de l'âme, c’est bien la première pour laquelle l’âme n’ait pas d’importance."


Ces phrases sont profondément émouvantes pour moi et en tant qu'artiste, je ne peux pas m'imaginer vivre dans un monde totalement sécularisé et privé de toute spiritualité. De fait, ma pratique artistique me permet d'exposer mes œuvres dans des galeries, des foires d'art et des musées et j'ai toujours le sentiment que le public, dans son ensemble ou même les conservateurs ou les critiques d'art, en particulier, n'ont aucune idée, aucun accès à la signification, à la présence des différentes forces spirituelles, fortes et puissantes émanant de mes peintures. Mais encore une fois, pour citer le livre de Malraux : "Le temps de l'Art ne coïncide pas avec celui des vivants". Donc, je dois m'en accoutumer. Ça a été un défi constant pour tous les artistes importants au fil des temps. D'autant plus aujourd'hui, puisque l'Art, par et à travers le Marché de l'Art et son commerce, est devenu un produit manufacturé industriellement et très luxueux, que seuls quelques gens ultra-riches (only a select few!) peuvent se permettre d'acheter et d'exposer. C'est une situation nouvelle à laquelle personne n'avait pensé auparavant. L'Art est maintenant confisqué par les très riches et puissants, cela s'est déjà produit auparavant avec les religions et les pouvoirs politiques mais à cette époque, l'Art était censé éduquer les masses ou les non-croyants alors, il pouvait toujours être vu par tout le monde dans les églises, les temples ou les bâtiments publics. Ce qui n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui où la plupart des œuvres d'art achetées dans les salles de vente aux enchères finissent par être enfermées dans des coffres-forts privés et sécurisés. De surcroit, si par exemple, vous consultez la liste des prix des œuvres d'art sur Artprice, vous pouvez constater par vous-même, que les œuvres d'art se vendent à des millions de dollars mais le côté vraiment sombre de la situation est que personne ne regarde les œuvres d'artistes qui ne vendent pas à ce niveau de prix élevé (à moins de 100 000 dollars américains, vous êtes un moins que rien, un pauvre inconnu) ; ces artistes ne peuvent plus exister, ni exposer, ni survivre d'aucune façon aujourd'hui.


LSA : Merci beaucoup de partager votre point de vue, c'est très intéressant ce que vous dites. La spiritualité est très importante pour vous, c'est que le message que vous voulez faire passer à travers votre art ? Qu'aimeriez-vous que les autres voient dans votre travail ?

JPS : Eh bien, l'Art n'est pas seulement porteur de messages : esthétique, politique, environnemental, idéologique ou même spirituel mais plus précisément et plus fidèlement un vecteur d'énergie pure. C'est quelque chose qui doit vous toucher aux tripes, aux organes génitaux, aux yeux et vous émouvoir. C'est une énergie, comme une batterie nucléaire, une tempête, un vortex, le sexe d'une femme, un flux, comme un défilé, un carnaval, une vraie procession de squelettes (non pas comme la drôle de Parade d'Halloween sur la 6ème avenue à NY) et aussi, simultanément, un papillon tourbillonnant dans un rayon de soleil dans la douce lumière du printemps finalement revenu !
Plus sérieusement, je veux que mon Art atteste, qu'il soit le témoin, le jalon, l'étendard des présences de toutes les myriades de sociétés primitives et des cultures traditionnelles en voie de disparition qui à un certain moment, à certaines périodes, étaient vivantes et florissantes dans le monde entier. Comme l'a récemment déclaré lors d'une interview radiophonique la grande photographe de rue Sabine Weiss : "Tout change ! Mais il est bon d'avoir été photographe pour être témoin de beaucoup de jolies choses qui vont disparaître".


J'éprouve donc une forte et passionnante curiosité envers ces différentes cultures, ces différentes façons de penser, ces différentes façons de faire l'amour, ces approches amoureuses différentes ou ces pratiques rituelles inimaginables afin d'honorer les morts, de régénérer et revitaliser la Vie, notre vie, en quelque sorte, quelque part, car rien n'est gratuit dans ce monde ci. Cela peut être philosophique, comme le bouddhisme, ou l'hindouisme ; ou esthétique, comme presque toutes les œuvres d'art précolombiennes, comme celle de la Reine maya Lady Xoc, effectuant un sacrifice sanguinaire en se passant une corde par un trou dans la langue percée afin d'entrer en transe pour rencontrer dans sa vision, le serpent cosmique Quetzalcoatl. Parfois, j'utilise aussi des images de bondage japonais pour montrer comment un corps enchaîné, peut accéder à l'extase sexuelle, en retournant paradoxalement, l'angoisse corporelle en orgasme sexuel libérateur. L'Art, tout comme le sexe d'ailleurs, a à voir avec les transcendances des réalités, des couleurs, du plaisir et de la mort.

LSA : Certains artistes disent que l'Art et la création sont comme une méditation, qui leur permet de se sentir connecté avec le moi intérieur et l'univers. Qu'en pensez-vous ?

JPS : Oui, c'est tout à fait vrai. Car le processus de travail est long et fastidieux tout du long et l'artiste doit y être pleinement concentré et présent. Vous devez être attentif à ce que vous faites à chaque étape, à chaque moment de ce processus et si vous n'êtes pas présent, vous le raterez. Bien sûr, c'est comme dans tout enseignement spirituel de toutes les parties du monde : Si je suis présent, Dieu (quel qu'il soit et quoi qu'il soit) doit l'être aussi. Comme il est dit dans Les Hymnes Spéculatifs du Véda hindou :
"J'ai embrassé tous les êtres,
afin de voir le fil tendu du sacré,
là où les dieux, ayant atteint l'immortalité,
se sont dirigés vers leur commune demeure." Dans JPS Notes Besançon – 2005-présent


LSA : Où puisez-vous l'inspiration pour vos projets et combien de temps faut-il entre le moment où le processus de création commence dans votre tête et le moment où il est prêt. Vous laissez-vous guider par l'intuition ou préférez-vous que chaque étape soit planifiée ?

JPS : Premièrement, je collecte, rassemble et glane des images. Des images représentant des rituels anciens de différentes sociétés, comme je l'ai dit plus tôt. Lorsque j'étais à New York, je prenais beaucoup de photos dans les musées, mais maintenant je les trouve surtout sur le web et principalement des photos érotiques. Il est un fait qu'environ 50% des images circulant sur le Web sont des images pornographiques et il me semble que certaines d'entre elles, très, très rares et uniques, possèdent une sorte d'aura mystique extatique. C'est principalement ce qui suscite mon intérêt pour certaines œuvres d'art dans l'Histoire de l'Art : son aura, sa présence. On peut la voir dans les œuvres de Vermeer, de Giotto, de Pollock, de Rothko, dans certaines peintures rupestres, dans des graffitis ou dans de nombreuses peintures indiennes Moghols et aussi bien sûr, dans presque toutes les œuvres dites "primitives" etc. Ainsi, en choisissant une pauvre image populaire "vulgaire" (comme l'ont fait les artistes pop de New York dans les années 60), qui n'a pas grande importance ou signification, je la transforme, de part ma pratique, en une sorte d'Icône. Cette "sacralisation" se fait, bien sûr, tout au long du long processus de sélection de l'image, du long processus de la redessiner sur mon ordinateur et de sa sélection au jour J, en fonction de ce que je veux faire au moment où je vais finalement sérigraphier cette image sur ma table d'impression. Bien entendu, le processus de sérigraphie nécessite également une préparation importante, au moment de l'impression des images et surtout au moment du choix de la couleur. Et tout au long de ce processus, j'utilise mon intuition et mon esprit spirituel et mes connections avec l'Art en général, ainsi qu'avec le soleil, l'eau, mes ancêtres, les abeilles, le sol (la terre) ou tous mes désirs sexuels... 

LSA : Dans votre travail artistique, vous utilisez différentes méthodes et supports ; vous créez de grandes installations, vous peignez, vous sculptez, vous faites des croquis, de la scénographie... Quelle est votre méthode préférée pour vous exprimer et pourquoi ? Le processus de création de votre art est-il stimulant, si oui, de quelle manière ?

JPS : Oui, j'aime faire beaucoup de ces choses passionnément et toutes les façons de m'exprimer sont importantes dans le présent et même plus fortement a posteriori, car la vie est toujours en évolution et quelque chose que vous étiez capable de faire il y a quelques années, vous n'êtes plus capable de le faire aujourd'hui, par manque d'argent ou à cause d'autres problèmes à l'atelier, etc. C'est pourquoi j'aime aussi écrire des textes, ce qui ne me coûte rien (surtout pendant certaines années de vaches maigres car je n'ai pas toujours assez d'argent pour acheter des fournitures artistiques !) L'écriture est également importante pour moi, non pas pour me justifier, ni pour expliquer mon œuvre, mais pour dire une chose similaire d'une façon différente. Nous savons tous que pour accéder au centre de la connaissance et de la mémoire dans notre cerveau, chaque canal est valable. Il y a quelques années, j'ai également commencé à filmer des interviews vidéos avec des amis dans mon studio. Je crois que c'est un grand changement de vivre aujourd'hui avec ces nouvelles possibilités technologiques qui nous permettent d'utiliser tous ces différents supports qui peuvent être facilement partagés sur le web. Je ne suis pas sûr que cela ait le même impact que l'expérience physique personelle que l'on peut avoir devant un tableau mais au moins cela peut ouvrir les portes afin que de nouvelles personnes puissent découvrir mon Art.


LSA : J'aimerais vous interroger sur votre exposition actuelle "Les 4 piliers du ciel" au Musée de Besançon. Cette exposition est votre dernier projet rassemblant huit grandes installations. Pouvez-vous m'en dire plus sur ces œuvres d'art ? Qu'est-ce qui vous a inspiré à les créer, comment ont-elles été créées et y a-t-il un message pour le public dans vos œuvres d'art ?

JPS : Oui, depuis septembre 2019, 72 tableaux carrés de peinture sur Plexiglas, mesurant chacun 1,05 x 1,05 m, ont été installés sur huit panneaux entourant les quatre coins des deux énormes escaliers principaux du Musée. Cette installation monumentale Les Quatre Piliers du Ciel, d'une surface de quatre-vingts mètres carrés est, à ce jour, la plus grande que j'ai jamais réalisée. Cette installation m'a été proposée par le Directeur du Musée, M. Nicolas Surlapierre, qui a eu la grande idée d'accrocher cette immense sélection de peintures parmi cette belle architecture historique, dont les origines remontent à 1694 et qui constitue la plus ancienne collection publique française. 
Ce fut un projet très difficile à réaliser, car les techniciens ont travaillé pendant plus d'un mois pour fixer les panneaux de bois sur les vieux murs de pierre qui sont très hauts et les assistants et moi-même avons dû travailler sur des échafaudages à plus de 5 m de hauteur. C'est un grand honneur et un privilège de voir mes œuvres exposées dans ce bel espace où toutes les peintures assemblées et reliées entre elles dégagent vraiment une étonnante énergie et pourraient, espérons-le, amener le spectateur dans un état, une expérience de joie, d'élévation esthétique ou même mystique, souhaitons le. L'exposition durera probablement quelques années et un catalogue d'exposition a été publié. J'ai donné une conférence au Musée et nous avons filmé trois entretiens avec des professionnels de l'Art et amis que vous pouvez voir sur ma page Vidéos - Interviews. Voici un extrait du communiqué de presse :


Je veux que mes peintures et mon Art soient : un art-mur (même une armure si l'on veut ! Peu m'importe !), un art-architecture (comme les tipis indiens), un art-animaux (comme Lascaux), un art-arbre, un art-rivière, un art-vide (comme pour les moines bouddhistes zen), un art-nature, un art-sexe, un art-mort (comme les tombes égyptiennes), un art-plaisir (dionysiaque), un art-présence, un art-âme, un art-joie (comme dans les livres de Jean Giono), un art-corps (comme dans la sexualité) etc.
Donc, il n'y a pas vraiment de message simple et singulier, car mon art est très complexe et ce serait plutôt un conglomérat, une agrégation d'images, une multitude d'informations visuelles et d'impulsions stimulantes comme le déploiement, l'épanouissement, la germination, l'éjaculation d'une vie entière, colorée, multiculturelle et sexuelle !

LSA : Y a-t-il un message que vous aimeriez partager avec les lecteurs de Luxury Splash of Art ?

JPS : Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir lu cet article jusqu'au bout, j'espère que vous l'avez trouvé intéressant et enrichissant. Deuxièmement, je voudrais citer le peintre allemand Emil Nolde : "J’obéissais à un besoin irrésistible de représenter une spiritualité profonde."
Ce qui nous montre profondément comment l'aspiration du sens, les recherches et les quêtes spirituelles sont importantes voire, substantiellement essentielles pour certains artistes, pas pour tous ! Paradoxalement, c'est quelque chose qui semble totalement absent de la production artistique actuelle. Car nous vivons aujourd'hui, dans une société principalement et uniquement basée sur l'argent, qui est la seule valeur suprême adorée comme le veau d'or biblique et cette déspiritualisation est donc plus que normale, car l'argent n'a bien sûr aucune valeur spirituelle intrinsèque !


LSA : Avez-vous des conseils a donner pour des jeunes artistes débutants ?

JPS : Oui absolument, l'Art n'est pas une simple affaire facile et le temps est à la fois notre ami et notre ennemi car on ne peut pas vraiment devenir un artiste important, avant l'âge de sa maturité physique et à quelques rares exceptions près, tous les artistes ont réalisé leurs œuvres importantes pendant leurs années de maturité. Pour cela, il faut donc être extrêmement curieux et profondément patient. Je viens de lire ce matin sur Twitter un article sur la célèbre écrivain-voyageuse suisse Ella Maillart qui dit "J'avais un sac de couchage, quinze jours de provisions sur le dos et je me disais : Il faut aller voir la beauté du monde, en attendant de savoir pourquoi je vis." C'est un fait, une réalité : tout d'abord, il faut apprendre beaucoup de choses, lire beaucoup de livres, voir beaucoup de films, visiter beaucoup de musées, vivre beaucoup d'expériences de vie, visiter beaucoup de pays, baiser beaucoup, peindre beaucoup de tableaux... avant même de savoir vraiment ce que l'on veut et ce que l'on peut faire artistiquement et quel sera votre parcours artistique personnel ? Pour citer une nouvelle fois Picasso, il a dit un jour : "Tu copies, tu copies, et puis un jour tu rates une copie et alors, tu fais une peinture originale."


LSA : Ce fut un grand plaisir de vous parler. Merci de nous avoir accordé un peu de votre temps. Bonne chance pour vos futurs projets. Où pouvons-nous trouver votre travail, veuillez svp partager le lien vers votre site web et les médias sociaux. 


JPS :
Oui, ce fut un grand plaisir d'écrire cet article avec vous, merci beaucoup pour vos questions intéressantes, chère Agnieszka. Mon travail peut être vu au Musée des Beaux-Arts & d'Archéologie de Besançon (quand il rouvrira), dans mon Studio et à la Galerie Keller de Zürich, en Suisse. Vos lecteurs peuvent également me suivre sur divers médias sociaux et je serai très heureux de poursuivre cette discussion avec eux. Je vous souhaite à tous une bonne journée ainsi qu'une belle vie en ces temps difficiles et troublés, avec mes meilleures salutations de France.

Jean-Pierre Sergent, Besançon, France, le 7 février 2021