L’ORANGERIE DE SAUVIGNEY-LÈS-GRAY ORGANISE UNE EXPOSITION DÉDIÉE À JEAN-PIERRE SERGENT, INTITULÉE « POLYPHONIES : ARTS, CULTURES ET CIVILISATIONS », JUSQU’AU 6 JUIN Est Républicain, Haute-Saône, 5 mai 2022
Venir voir une exposition à l’Orangerie de Sauvigney-lès-Gray est une expérience qui invite à prendre le temps, celui pris pour se rendre dans un lieu qui en soit vaut le détour, mais aussi pour y contempler des œuvres contemporaines. Jusqu’au 6 juin, le lieu accueille des peintures de Jean-Pierre Sergent. Originaire de la région où il a fait les Beaux-Arts après une école d’architecture à Strasbourg, il s’est envolé à Montréal puis New York pour y déployer durant une dizaine d’années son imaginaire sur les toiles. Revenu à Besançon, il a exposé son travail à travers le monde. Son exposition à l’Orangerie est un bon complément à sa présence depuis 2019 au musée des Beaux-Arts de Besançon avec une fresque de 72 peintures en plexiglas. À l’Orangerie, une vingtaine de peintures sont mises en avant, originaires de différentes séries qui ont comme point commun de montrer sous un regard nouveau différentes civilisations, cultures et spiritualités. Inde, Mexique, monde Maya, les configurations sont multiples mais avec toujours en fil conducteur « une spiritualité qui relie à la terre. » Il y a une dimension de sacralité cosmique dans son approche, remplie de multiples références qui apparaissent en scrutant le moindre détail d’une œuvre. Le trait est précis, la profondeur des couleurs également. « Ce qui m’intéresse, c’est de montrer de la joie, la diversité du monde et aussi de cultures qui disparaissent même si on n’en parle pas. L’art guérit et la création procure de l’énergie », assure l’artiste. Exposition Jean-Pierre Sergent à la galerie de l’Orangerie à Sauvigney-lès-Gray au 32 Grande rue. Horaires : samedis et dimanches de 10 à 19 h, en semaine sur rendez-vous. Conférence le dimanche 15 mai à 16 h 30 (sur réservation). Rencontre avec l’artiste le samedi 28 mai à 15 h.
Par Dominique BOLOPION
JEAN-PIERRE SERGENT: ARTIST OF THE ECSTATIC SOUL, PAR AVA BARIA & SOONI GANDER POUR HAPPY ALI MAGAZINE, HONG KONG | 20 avril 2022
Jean-Pierre Sergent est un artiste franco-new-yorkais, qui vit et travaille actuellement à Besançon, en France. Ses œuvres ont été exposées à l'international depuis les années 1990 : aux États-Unis, en Europe, en Iran et en Chine. En 2019, une fresque monumentale de 72 peintures sur plexiglas, de 80 mètres carrés, Les Quatre Piliers du Ciel, a été installée au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon où elle demeure. Jean-Pierre Sergent
Présentée au public, lors de cette exposition particulière est une sélection de 20 petits formats de la série Shakti-Yoni : Ecstatic Cosmic Dances de 2016 à 2020, 25 x 25 cm ; quatre œuvres sur papier de la série : Beauty Is Energy, 2003 et Sky Umbilicus, 2006, 76 x 56 cm ; ainsi qu'une grande peinture sur plexiglas Ladies Of The Ants, 1,40 x 1,40 m, 2015, issue de la série Mayan Diary.
Depuis les œuvres que Sergent a réalisées à New York après ses voyages au Mexique, et surtout après les attentats du 11/11, il y a une énergie et ce que l'artiste décrit comme " Une violence esthétique, karmique, sexuelle... qui est présente, et qui jaillit de la profondeur, des temps archaïques et lointains : puissante, vraie, indispensable, sauvage, consubstantielle et fusionnelle de la vie.
" Les arts et les rituels des anciennes civilisations lui semblent beaucoup plus adaptés, plus complets, concrets et justes, face et vers les réalités complexes de notre moi cosmique et de nos destins humains, individuels et collectifs : naissance-mort de chaque être humain et de chaque civilisation, la sexualité étant évidemment le lien et le point de départ de tout cela. Et la violence aussi, car la vie se nourrit toujours de la vie, même lorsqu'elle est entièrement végétarienne, il ne peut en être autrement."
Pendant des années, alors qu'il était entièrement immergé dans le melting-pot new-yorkais, Sergent a commencé à expérimenter des médias et des images qui choquaient et attiraient son public. Dans ses sérigraphies, il a combiné l'image d'une statue d'un prêtre-chambre aztèque sacrificiel, L'écorché, avec le dessin rituel et hiératique, sur un petit morceau de bois, d'un Indien Selknam de la Terre de Feu, une tribu aujourd'hui complètement disparue.
Un taureau égyptien Apis portant sur son dos la momie du mort (le corps et l'âme, le Ka : élément constitutif de la personne représentant sa force vitale, dans la mythologie égyptienne) dans l'autre monde, juste au-dessus d'un Gaïa-Nout avec le corps d'une femme illustré par une image pornographique contemporaine. Gaïa est bien sûr cette divinité grecque fondamentale (la Terre) qui a donné naissance aux premiers êtres divins et Nout, la déesse égyptienne du ciel, qui symbolise le firmament et est considérée comme la mère de toutes les étoiles.
Sergent dit : "Tout Art et toute création sont à la fois un choix ou un non-choix. Et pour ma part, j'assume ce choix d'ouvrir mon travail au monde, à ses diversités, ses étrangetés, en dérangeant parfois certains.
"Car aujourd'hui, la beauté seule n'est plus une excuse suffisante pour la création artistique. Nous avons besoin de plus de conscience et d'énergies vitales pour créer et recréer de facto, de nouvelles consciences, de nouveaux espoirs, de nouveaux plaisirs... Et bien sûr, en ce jour de 2022, pour insuffler au monde un grand espoir de paix."
EXPOSITION JEAN-PIERRE SERGENT, POLYPHONIES : ARTS, CULTURES & CIVILISATIONS PAR JEAN-PAUL GAVARD-PERRET, 15 AVRIL 2022, LE LITTÉRAIRE
DU PASSÉ AU FUTUR
Prenant comme sorte d’incipit à son exposition la phrase de Hermann Hesse :"Quand vous détestez une personne, vous détestez quelque chose en elle qui fait partie de vous-même. Ce qui ne fait pas partie de nous-même ne nous dérange pas.", Jean-Pierre Sergent crée depuis ses œuvres réalisées à New York, après ses voyages mexicains et l’attentat du 11 septembre 2001, une énergie et ajoute-t-il "une violence esthétique, karmique, sexuelle". Tout semble ressurgir de la profondeur, des temps archaïques, sauvages en fusion avec l’existence.
Face et envers les réalités complexes d’un moi cosmique et des destinées humaines, il ramène au jour arts et rituels des anciennes civilisations là où la sexualité était le lien et le point de départ. L’artiste a donc mélangé plusieurs images tirées du fond des temps afin de créer une nouvelle noce de rituels diversifiés et d’ouvrir le monde en péril et en un moment où dit-il "la beauté uniquement, n’est plus une excuse suffisante à la création artistique."
Entretiens filmés au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon le 2 juillet 2021. Article édité par Agnieszka Kowalczewska et Kamila Krzyzaniak. JEAN-PIERRE SERGENT & THIERRY SAVATIER AT THE BESANÇON FINE ART & ARCHAEOLOGY MUSEUM – INTERVIEW
Transcription of the filmed Interview between Jean-Pierre Sergent and Thierry Savatier (Art Historian and world specialist of Pablo Picasso’s and Gustave Courbet’s works)
PART 1
Jean-Pierre Sergent: Hello everybody. It is July 2nd 2021 at theMuseum of Fine Arts and Archaeology of Besançon, which is one of the oldest museums in France, and I have the great pleasure welcoming my very close friend Thierry Savatier, We have already done several interviews; this will be the fifth one today.
Thierry Savatier: Yes!
JPS: So, it’s really a great honor to welcome you in this museum and in front of my installations that have been exhibited for almost two years now and this interview will be in collaboration with international art magazine ‘Luxury Splash of Art‘ and we will have some questions from Agnieszka. So Thierry, Agnieszka asked me: “What really attracted you to my work? What really interests you about my art?”
TS: I would say that there are two aspects in this installation that are quite interesting. The first aspect is the title “The Four Pillars of Heaven“; indeed, it invites us to think about verticality, it invites us to think about spirituality which, obviously, is in no way confused with religion, but which is a relationship with what is beyond us; then, we can call it: ‘God’, ‘Great Architect’… whatever you want, it doesn’t really matter. What is important is this notion of relationship with what is beyond us. And, indeed, we have there, as you reminded us, by the staircase that we have to climb, by the look that we will carry on this installation, this invitation to spirituality. And then, there is another aspect of the installation which is interesting, it is that the works are stuck to the wall directly, without frame! The frame, finally, is something that is supposed to embellish but which often limits; whereas here the contact is directly on the wall and it reminds me of what Picasso had wanted for his exhibition at the Palais des Papes in 1971, when he saw the works hung, he had all the frames removed, he wanted the paintings to be directly hanged unframed on the stone walls of the Palais and that had given a quite astonishing effect. I think we have the same thing here. Is it, for you, a reminder of what are, for example, the cave paintings, I think of the prehistoric caves like those of Angles-sur-l’Anglin near Poitiers or Lascaux?
JPS: Yes, absolutely. It was while visiting the Pech Merle cave that I had this revelation; not only about the size of the work but also about the layering of my works… Because, as you can see here, I always work by accumulating several layers of images successively. In general, there are 3 images, but there can be 4 or 5, it is what is called ‘layering’ in English. That is to say, what is important also, is to leave the individual work, unique, made by only one artist to enter a kind of collective work, since we know that cave paintings have been reworked over successive millennia, so it was not necessarily the same individuals or several individuals at the same time, time dilates and expands a little in cave art and I hope that this is what we can also find in my works. I want to dilate time a little bit so that one can access, precisely, this verticality and this “pre-eternity”… it looks pretentious… But yes, I want to make a work that is part of the history of humanity, of course.
TS: This dilation of time, we see it when we observe the works, notably by the superimposition of the layers of different graphics that often belong to different eras, to different cultures, that corresponds completely to the dilation of time. And what struck me, the first time I saw these works and it continues to impress me. I see your new works, I see all this evolution; in order to understand, especially your works on Plexiglas, it is absolutely necessary to forget all the preconceived ideas that we may have and which we have inherited by our education. We are marked in the West by, at the same time, the Platonic philosophy and the Judeo-Christianity with, necessarily, these binary values which forge our judgment thus, good – evil, black – white, the primitive – the civilized, etc… And in fact, one realizes that in order to understand your works, we must above all begin by forgetting all that and apprehend each work with a new look, that requires an effort but that is fascinating.
JPS: Yes, thank you, that’s exactly it, what I want to, is to get out of the norms, obviously. Afterwards, to what extent can the artist, in his personal life, be outside the norms? It does raise a question? It’s true that it’s a bit difficult. I will quote a sentence of André Malraux in The Mirror of Limbo: “The time of Art does not coincide with that of the living.” In a way, the time of the living beings does not fit with that of Art and it is true that being an artist which is trying to make a work a little creative and a little ‘out of the box’, it is a little painful, sometimes, because the public does not follow. There is always this problem of the tricky relationship with the public. Can an artist exist without an audience? Fortunately, my work is shown here, so maybe that will move the lines a bit, but it still creates to me, an uneasiness, because we, artists, are no longer integrated into the flow of our contemporaries life.
TS: Yes, the artist needs a public, it’s true, but the artist is also aware that he is sometimes ahead of his time, when, for example, Picasso painted “The Big Pisser” which is now in the Pompidou Centre in Paris and he proposes it to his gallery owner Daniel-Henry Kahnweiler, he is scared. He said no, it would be really difficult to sell, given the theme, of course, and Picasso was not at all offended and replied: “Yes, no doubt, they will understand it in 30 or 50 years…” I think that’s a bit true too, you end up understanding an art work after a certain time period.
JPS: Yes of course, but there is not only the sexual problem in my work, there is also the spiritual problem. How to apprehend a work that wants to be spiritual, that is my will, if you understand? It’s a question to ask but we don’t really have the answer!
TS: Yes, but I believe that one and the other are linked, anyway. We once talked about a question that was that Art only happens if you let the savage in: “People often think that Art is the most highly cultivated, disciplined, organized human production; yet, while it requires a long preparation, Art only happens if you let the wild one in.” The Etiquette of Freedom, Gary Snyder.
JPS: Yes, that’s right.
TS: I find it a very interesting idea because in fact, obviously, we have to define things well; for me, ‘savage’ is absolutely not a reference to Rousseau, to the ‘good savage’, which personally I have never approved of, but there is a savagery in the work of Art, and specially in the major work of Art. If we look at two examples on which I am working a lot, one is Gustave Courbet and the other one, it is Picasso, there is in Courbet savagery, in certain works. Let’s take “The Deer’s Hallali” which is presented here, in this Museum of Fine Arts, which is a huge canvas. This painting is pure savagery and if we take another work that is even more famous, it is “The Origin of the World”. It is obvious that there is savagery in “The Origin of the World”, if only in this pubic hair that reminds the viewer of the origin or the animal cousin of the human being. And then, with Picasso, we see savagery also, I think obviously in “The Young Ladies of Avignon” and there, when he paints this work, even if he exposes it only ten years later; the critic, the public does not understand, they see savagery and there is some; not only in the bodies but also in the faces and then, we see it, also, in “Guernica”. So we can see that in most of the major works of art, finally, there is always a part of savagery that is present. And I believe that in your Plexiglas paintings, for example, we see it very well.
JPS: Thank you, yes, we also feel that in Pollock’s works, this kind of cosmic ejaculation, Pollock’s work is very ejaculatory, he’s an artist that I respect of course, because I was lucky enough to live in New York for a long time and to see his work often and I wanted to quote Gary Snyder again; I’ve just read an Interview with Jim Harrison and Gary Snyder in The Etiquette of Freedom, and we get back to Western culture; he says: “I don’t like Western culture because it contains, in my opinion, a lot of mistakes that are the cause of a very old environmental crisis.” Here we are talking about environment, but we could also talk about Art, that is to say, that the initial preconceptions, the foundations, the initial prejudices were not the right ones. The religious art that was put forward, Christ on the cross, the Virgin Mary and all that, made people deeply sexually frustrated… Westerners have lost a lot! He is deeply frustrated with its own body… What is important is the body, it is the way we live our life and we must live it as fully as possible. Buddhists, Taoists, Hinduists and animists still have the discipline of experiencing their body more fully and more deeply.
TS: Yes, it’s the body and then it’s also, since he mentions the environment, and there again, we go back to the roots of Judeo-Christianity, from the starting point when, in Genesis, we are told that God created the world, the animals, Nature and then, he ends up creating man and woman and it is indicated, that Man will dominate Nature; As soon as we start from the principle that there is a domination of nature, as opposed, for example, to Confucianism, and there, your “Four Pillars of Heaven” remind us of the four pillars of Confucian wisdom, as soon as we start with the principle that the idea is rather to live in harmony with Nature, necessarily and de facto the consequences are not at all the same.
JPS: Yes, that’s absolutely true.
PART 2
JPS: I wanted to come back to this beautiful quotation from the book I mentioned earlier by Jim Harrison and Gary Snyder and so it talks about rambling… And youwanted us to talk about it Thierry: “Rambling is very valuable in terms of survival. The rambling is one of the engines of the evolution. The evolution does not function entirely on the basis of intelligent mechanisms. There’s also a good deal of extravagance at work.”
TS: Yes, that’s quite right and I like this idea of rambling very much then, it’s true that art historians have their hobby and in particular, because what I appreciate enormously the preparatory works of artists that go from the first sketch to the finished work and that allow us, in what we call genetic criticism, to see what is the evolution of the artist towards his work. And finally, we are in the middle of a rambling process that we can identify, because we have the elements. So it’s true that with you, it’s a little more complicated because there is no real preparatory work; on the other hand, we can look for the divagation when we examine all the layers one after the other, that you accumulate on your works; there, we see well that there is a divagation, similarly through time and also through space; since the sources from which you draw, it is as well in pre-Columbian Art, in Amerindian Art, as in hentai Art which is much more contemporary and Japanese, the ancient Egyptian Art also, therefore there is really a whole source of wandering I would say vertically and horizontally.
JPS: It’s true, yes, all directions, multidimensional! But to come back to what you just said, I will always remember that I went to see a Kandinsky exhibition at Beaubourg in Paris, many years ago, maybe 30 years ago and there was a big canvas and there was the little preparatory drawing next to it. And the preparatory sketch was full of life and joy but the final oil painting was completely blocked and that’s what I want to avoid in my work, really; no preparation, I don’t prepare anything. Well my images are prepared of course but I want that chance, coincidence or vital energy to circulate freely, that is very, very important, even basic, yes!
TS: Yes, it’s true, I work with contemporary artists, who tell me that the preparatory work makes them lose their spontaneity, so they prefer to work directly, which I completely understand. But moreover, often, when I examine the preparatory work of artists, from the 19th century or others, it’s true that I sometimes have a preference for the preparatory work, rather than for the final work.
JPS: Because it’s not the idea that’s there, it’s the primary energy, what drives us. It’s the soul somehow, we could talk endlessly about the disappearance of the soul today but it’s the soul that is there, yes, truly. I wanted to show you some drawings from which I drew my images. It must be said that what marked me, mainly, to make a somewhat cosmic work, is of course my trip to Egypt with my grandfather and my sister, because I was lucky enough to see Nefertari’s tomb and to enter this finite space, closed but which is also paradoxically cosmic at the same time. It is a little bit what one finds in my work, my work is finished, closed but I hope that one can reach another dimension… And it is the first function of Art to make us reach something more powerful and also beyond death, because, finally, all these tombs were decorated for the dead and were not made to be seen. In some way, we rediscover them today, after 4 to 5000 years of absence.
TS: Yes, all Egyptian art is funerary art.
JPS: Absolutely, yes. So it is this Art that marks me as well as the Art of the Maya. Here, we see for example the Bull-God Apis which brings the mummy in the other world. The power of the animal is magnificent and it is thanks to its power that we can enter the other world and today, it just ends up as a slaughter animal. So, all this marvellous and ‘magical’ relationship that we had with the living has of course disappeared, that’s really sad and so I wanted to show you this other image because we have here a painting, It’s from a book by George Catlin, a painter from the 19th century who traveled, he took his easel and he witnessed the disappearing traditions and customs of the North American Indians, of the plains, and here we see this circular assembly of skulls and there are scaffoldings too, in the back. That is to say, after people die, they let the remains dry in the air for 2 to 3 years; we often saw in the movies the people passing through these Indian cemeteries and when the skeletons have completely disappeared, they put the skulls of their ancestors, like that, in a circle and thus, it creates what we call a tribe, a community. But unfortunately today this tribe, this community is more or less lost, even with our dead within us, so that’s probably why we feel so lonely because there are not so many funeral rituals anymore and that’s what’s bothering me a bit, this disappearance of rituals.
TS: There are two aspects in the different visuals you show us. There is a first aspect which is the figure of a god or in any case, a spiritual entity; the fact of showing it and we find them in your works, they are included in your works, it is also to revive it. I was always very surprised by a fantastic novel of Jean Ray entitled Malpertuis where he makes evolve in a house some characters and one realizes, after of a certain time, that these characters are in a human envelope but that they are the gods of Olympus and they finally say: “We will exist as long as one will speak about us, the day when one will not speak any more about us, we will evaporate.” I think that’s absolutely true and that’s what we find in the works that you make; it’s that you bring these entities to life, whatever the geographical area and the century to which they belong, you bring them to life by materializing them in a certain way. And then, there is a second aspect that seems interesting to me, there, in the last visual that you showed us with this circle of skulls, it is the importance of the ritual. Rituals are not necessarily religious, they can also be quite simply social; rituals create links and they are also pillars of culture and it is true that we find rituals like this one, which is an Amerindian ritual, we find them in many other cultures… Perhaps it is something that is a little abandoned today in the West?
JPS: Well yes, we don’t have the practice anymore, we don’t practice of course! And that hurts everybody, we are not going to be backward-looking and say that it was better before, but the relation to death is one of the relations, the first one, that defined Humanity. So, of course, when we throw the dead in garbage cans as we did during the Covid pandemic, well almost, I extrapolate and exaggerate a little but I think that the position of the Man towards the bodies, the parents, the grandparents or the children who die, it is important. What one can do as artists? Not that much, but we can at least speak and testify that at certain times, these rituals once existed.
TS: There is another aspect of your work that I find quite interesting when we look at each of your Plexiglas for example, it is your appropriation of space. There is no zone where you leave a void, the whole surface is covered and I find that really fascinating because, finally, you don’t leave the gaze any opportunity to rest, the spectator has to look deeply and do a real analytical research in order to discover all the layers that you superimpose and without having, I would say, the alibi of a zone that would have remained blank.
JPS: Neutral, yes!
TS: Yes, neutral, somehow, that could allows it to rest.
JPS: Yes, you are absolutely right, yes! I work with wholeness. Yes it’s true, life is fullness of course, yes
PART 3
JPS: I would like to evoke, after many discussions with you, and after many readings on Buddhist philosophy, I wanted to emphasize this part which is entitled: “Ego exit” that is to say the exit of the ego. And I, as an artist, I really want to get out of an individual thought to enter into a thought, a collective unconscious; what we talked about earlier and I can reach out to that thanks to eroticism, to the sacred and to the omnipresence of sex, because it’s true that my work is often very sexual, as I think that sexuality, it’s of course the primary origin obviously and you, who are a specialist of the History of Art linked to sex, maybe you’d like to talk about it a little bit?
TS: Yes, all the symbols that you bring together in your works have, because they often have this very ancient origin and therefore, a relationship to Nature that was largely older than Western culture, if we consider that it begins with Greek philosophy. Finally, you have references to fertility, to the rites of fertility but also to its opposite which is the finiteness thus the relation to death. We also have references to beauty, to pleasure, to suffering, it is very complete and what is interesting, it is this intermixing, this mixing together that you practice of the sacred and the profane, it is something which is often very foreign to our current way of thinking, where we will consider that the sacred and the profane cannot mix, where we will consider that there is a hierarchy, the sacred being superior to the profane and in your works it is absolutely not what we find; you are going to superimpose the sacred to an image that is going to be of a powerful eroticism, as for example certain Japanese hentai and finally, we realize all the difficulty that the contemporary public will have to really understand your work. We saw what happened from time to time about “The Origin of the World” by Courbet. And I would say that the artist today, finally, is caught between two choices, on one side the conservatives and then on the other, all this new progressivism which, for example, I think of neo-feminism, which is no longer at all pro-sex feminism, which is a movement that has had its importance historically, but on the contrary, we arrive at a kind of anti-sex feminism that will see the evil where it is not, as long as it is a work of Art.
JPS: Yes, it is true that today, not only morality has opened up but the problem is that the market has closed since all what is sold on the Art Market are mainly politically correct works, we have often talked about that. There is also the money which takes a large part in removing a whole section of the Art nowadays which seems not having any more reason to exist. In France, if the collector François Pinault does not buy your works, your works do not exist! You cannot show it, neither in museums, nor in galleries, that poses a real problem… And well, we don’t really have the solution. It is creating a great frustration for us, today, to be an artist, even if we try to make art that works as a snowplough, that pushes, that opens the roads; and we open the roads for whom? For what? This exhibition has been presented here for two years and I have had absolutely no feedbacks, neither good nor bad. One has the impression that Art passes like that… It is not even a river. And I know that my work has strength and force and I would like that somehow the public becomes aware of it and that it tells me so… It’s true that this is a big question to ask oneself today.
TS: Yes, that’s the difficulty. We had an art that was, for a long time, religious or in any case close to certain rituals; then, we had a more decorative art and what always amused me a lot in the 19th century for example, were the art dealers who made a fortune by renting some paintings of great masters to a bourgeoisie who could not afford to buy them but who still wanted to hang on their walls a great master for a month or two in their apartment, it was very funny. And then finally, we arrive today, with the Art Market, at a notion of ‘Art investment’ and it is true, that to consider Art as an investment, that is to say to consider a work of Art as real stock market exchanging goods, I admit that I find that rather worrying.
JPS: Yes, it’s absolutely true, it’s a difficult situation, our times are a bit harsh, not only with this Covid, I think that the life of the artists has always been a bit difficult obviously, one should not complain too much. It is a beautiful life nevertheless, imagine that I have the chance to be exposed in this museum, here, that my work is presented and that people can have the chance to come to discover it. And you talk about the 19th century; what is deeply questioning me is what was this great power of the French writers and the deep attraction and interest of these French writers towards the Art and the artists, because now I am reading Stendhal’s book Rome, Naples and Florence and although he often criticizes French mentality, he says: “Our people cannot rise to understand that the ancients have never done anything to decorate, and that with them the beautiful is only the projection of the useful.” Art is useful and it’s very important to say it, it’s really very important to say it, we must not lose sight of that.
TS: It’s interesting what Stendhal says, because at exactly the same time, Théophile Gautier is going to take almost the opposite position, but to get at a rather similar idea, finally, the 19th Century, with its technology, machines, etc., is a very utilitarian century and that all the strength of Art, is precisely to be useless.
JPS: Yes, it’s true!
TS: Finally, there are two arguments that seem to oppose each other but that end up at about the same level, that is to say, putting Art in a place superior to everything else.
JPS: Yes, if it’s useless and it’s superior. Yes, you are right! I wanted to finish our interview with this sentence of Jung that I appreciate very much and I wrote a text: Uxmal-New york, a Mayan Diary as I often traveled with my friend Olga to Mexico, to Guatemala, and when I came back from Mexico and found myself again in New York, I said to myself that something had disappeared and was missing me, precisely the spirituality. And because of this high technology which allows us to travel more easily but which also handicaps us a little. So, I wrote a text about it and as an introduction to it, I added this short sentence from Jung that we should think about: “When we think about the endless growth and decay of life and civilizations, we cannot escape the impression of absolute nullity.” When you look really carefully, everything disappears, except Art, in quotes. “Yet I have never lost the sense of something that lives and endures under the eternal flow. What we see, is the flower, which passes. But the rhizome remains.” Like Art of course, it’s in Jung’s book Memories, Dreams, Reflections. And I hope that Art can perdure and also feed the unconscious of our contemporaries, it is very important.
TS: I really like this image of the flower and the rhizome. And finally it is an image that brings us back to your work, that brings us back in particular to the works on which you worked around the lotus flower or the water lily. And we have exactly… it is enough to observe any pond, we have exactly this image: every year, the flower of water lily disappears but the rhizome, which is anchored at the bottom of water, remains and every year, this water lily is reborn, thus I find there, a very interesting analogy.
JPS: Thank you Thierry. Would you like to add something?
TS: I think that, to be really aware of your Art, it is necessary to see it in person, therefore, I can only invite people to come here, to the Museum of Fine Arts and Archaeology of Besançon, to see this quite amazing exhibition. It’s a great installation that will allow you to get a better idea than with just only visuals.
JPS: Thank you again. I would like to point out that you are the co-curator of an exhibition that is currently taking place at the Courbet Museum in Ornans. “Courbet-Picasso, Revolutions!” (July 1 – October 18 2021), which is a wonderful exhibition. Thanks again to all.
Jean-Pierre Sergent - Artiste français, né dans la petite ville de Morteau (1958) dans le nord-est de la France. Il a étudié l'architecture à Strasbourg et la peinture à l'école des Beaux-Arts de Besançon (1978-1981). Jean-Pierre s'est installé à Montréal (1991-1992) où il a développé son répertoire de forme artistique et a eu successivement trois ateliers à New York à Brooklyn, Chelsea et Queens (1993-2003), puis il est retourné dans sa France natale (2004) dans la ville de Besançon où il vit et travaille actuellement. Son travail est exposé en France, au Canada, aux États-Unis, en Suisse, en Angleterre, en Autriche et en Chine.
il nous a raconté que pour devenir artiste : "Tout d'abord, vous devez apprendre beaucoup de choses, lire beaucoup de livres, voir beaucoup de films, visiter beaucoup de musées, vivre beaucoup d'expériences, visiter beaucoup de pays, avoir beaucoup de sexe, peindre beaucoup de tableaux... avant même de savoir vraiment ce que vous voulez et pouvez faire. Et quel sera votre vrai cheminement artistique personnel ?
Luxury Splash of Art : Jean-Pierre c'est un grand plaisir de vous interviewer ; merci de nous avoir accordé du temps pour partager votre histoire de vie artistique. Aujourd'hui, je voudrais vous parler de votre travail artistique, de vos projets, de votre inspiration, de votre spiritualité et de votre exposition actuelle les "4 Piliers du Ciel" au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon. Mais avant d'en arriver à ces questions, pouvez-vous nous en dire plus sur vous. Quand votre voyage artistique a-t-il commencé et qu'est-ce qui fait que l'Art vous passionne autant ?
JPS : Bonjour chère Agnieszka et les lecteurs du Luxury Splash of Art, merci pour l'intérêt que vous portez à mon travail et pour vos questions. Être artiste plasticien, c'est embrasser le plus vieux métier du monde, avec tout le respect dû aux prostituées, dont on dit communément qu'elles font le plus vieux métier du monde ! En tout cas, quand on pense aux premières traces de l'humanité, au-delà de tous les squelettes et du matériel génétique découverts par les archéologues comme les squelettes et les déchets trouvés dans les campements troglodytes ou dans les tombes ; les artistes sont à l'origine et ont posé les premiers jalons tangibles de la pensée et des croyances humaines. Ainsi, être artiste professionnel, en tant que métier, en tant que spécialiste de l'image, est sans aucun doute beaucoup plus ancien qu'être prêtre, architecte, guerrier, agriculteur, politicien, assureur ou même banquier ! Et c'est comme si l'on appartenait à une longue lignée, à une grande famille ou à une sorte d'"old souls club". Picasso a dit un jour dans une interview par le célèbre écrivain français et ministre de la culture André Malraux dans Le Miroir des limbes, "Savez-vous ce que je pense, des fois ? Ça m’amuse : je suis superstitieux. Je pense que c’est toujours le même Petit Bonhomme. Depuis les cavernes. Il revient, comme le Juif errant. Les peintres se réincarnent forcément comme peintres. C’est une race. Comme les chats."
Ainsi, être artiste, c'est faire partie d'une communauté éternelle et en même temps, avoir besoin d'être à l'extérieur, en marge des principaux courants de pensée et des sociétés dominantes dans lesquelles nous vivons, afin de mieux comprendre et d'englober l'ensemble des choses et des problèmes. Il est également utile d'être une espèce de guérisseur, car l'Art est toujours profondément lié à la Mort ; l'Art a toujours gravé dans ses basques et son essence, le filigrane de la Mort ainsi que le poids du souvenir des morts, vraiment assez paradoxalement plus profondément que l'Amour, je crois en tout cas. Comme l'a dit Henry Miller dans Remember to Remember : "La mission de l'homme sur terre est de se souvenir". Sans œuvres d'art, nous ne saurions nullement parler de toutes les existences de tous les Dieux et Déesses historiques, de tous les rituels que les images et les statues ont accompagnés, dépeints et rendus possibles. Ce serait alors un Monde vide, désenchanté et sans mémoire. D'une certaine manière, l'Art est l'incarnation du vivant dans sa présence, son mouvement et sa réalisation. Non seulement il a et il nourrit encore l'inconscient personnel et collectif, mais il est et a été un support pour toutes les pratiques "spirituelles" qui ont commencé il y a très longtemps et qui se poursuivent dans aujourd'hui.
Quant à ce que représente l'Art pour moi : en quelques mots, je peins depuis mon enfance et j'ai continué à le faire dans un processus ininterrompu jusqu'à maintenant. Enfant, j'ai souffert de terribles crises d'asthme alors peindre des images d'animaux et de paysages, m'a donné une merveilleuse façon d'échapper à la souffrance et aux fortes angoisses de la peur de mourir par suffocation. C'est aussi cette dimension importante que je voudrais évoquer ici et qui est le fort pouvoir de guérison de l'Art, pour soi-même et pour les autres. Je crois que aussi l'Art peut être vécu comme une révélation, c'est ce qui m'est arrivé lors de différents voyages en Egypte (dans la tombe de la Reine Néfertari à Louxor) et au Mexique lors de la visite des pyramides sacrées comme Chichén Itzá ou Uxmal. D'une certaine manière, il faut vivre l'Art avec son corps tout entier, non pas seulement avec son esprit, ses connaissances ou avec des reproductions imagées. C'est à la fois une expérience physique (sensuelle) et spirituelle. L'art nous aide à ressentir le flux constant d'énergies vitales, comme le sang, les rivières, les étoiles... Cela relève d'une appartenance à l'Univers et du fait d'être interconnecté d'une certaine manière. À un moment donné, c'est aussi un langage qu'il faut apprendre, auquel il faut s'initier. Pour en revenir à Picasso qui disait : "Quand les gens veulent comprendre le chinois, ils pensent : je dois apprendre le chinois, non ? Pourquoi, ils ne pensent jamais qu’il faut qu’ils apprennent la peinture ?"
LSA : Une fois, vous avez dit que vous vouliez "Making art alive in a society which is spiritually dead.", pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet ? L'Art doit-il toucher l'Ame ou doit-il se vendre ? Peut-être les deux ? Quel est votre point de vue ?
JPS : Oui, exactement, j'aime toujours relire cette phrase là, parce que pour vous dire la vérité, si vous ouvrez vraiment les yeux à notre réalité et cherchez la vérité : nous sommes actuellement confrontés à une situation vraiment difficile, profonde et désespérée, presque apocalyptique. Je vous épargnerai la liste des mauvaises nouvelles pour ne pas trop vous affoler, ni affoler le lecteur mais nous en sommes tous conscients. Et ce qui me frappe le plus émotionnellement, c'est vraiment d'avoir le sentiment de la disparition de la spiritualité ou mêmes des spiritualités, nous conduisant de facto à la disparition de l'âme. Il y a quelques mois de cela, j'ai écrit un petit texte à ce sujet : Au sujet de la disparition de l'âme aujourd'hui, après avoir lu le très beau livre de Maurice Maeterlinck, Le Trésor des humbles, dans lequel il déclare : "Il y a vraiment des siècles où l'âme se rendort et où personne ne s'en inquiète plus" et même le général De Gaule, l'homme le plus connu et respecté du XXe interrogé dans le même livre de Malraux, dit à peu près la même chose : "Et si notre civilisation n'est certainement pas la première à nier l'immortalité de l'âme, c’est bien la première pour laquelle l’âme n’ait pas d’importance."
Ces phrases sont profondément émouvantes pour moi et en tant qu'artiste, je ne peux pas m'imaginer vivre dans un monde totalement sécularisé et privé de toute spiritualité. De fait, ma pratique artistique me permet d'exposer mes œuvres dans des galeries, des foires d'art et des musées et j'ai toujours le sentiment que le public, dans son ensemble ou même les conservateurs ou les critiques d'art, en particulier, n'ont aucune idée, aucun accès à la signification, à la présence des différentes forces spirituelles, fortes et puissantes émanant de mes peintures. Mais encore une fois, pour citer le livre de Malraux : "Le temps de l'Art ne coïncide pas avec celui des vivants". Donc, je dois m'en accoutumer. Ça a été un défi constant pour tous les artistes importants au fil des temps. D'autant plus aujourd'hui, puisque l'Art, par et à travers le Marché de l'Art et son commerce, est devenu un produit manufacturé industriellement et très luxueux, que seuls quelques gens ultra-riches (only a select few!) peuvent se permettre d'acheter et d'exposer. C'est une situation nouvelle à laquelle personne n'avait pensé auparavant. L'Art est maintenant confisqué par les très riches et puissants, cela s'est déjà produit auparavant avec les religions et les pouvoirs politiques mais à cette époque, l'Art était censé éduquer les masses ou les non-croyants alors, il pouvait toujours être vu par tout le monde dans les églises, les temples ou les bâtiments publics. Ce qui n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui où la plupart des œuvres d'art achetées dans les salles de vente aux enchères finissent par être enfermées dans des coffres-forts privés et sécurisés. De surcroit, si par exemple, vous consultez la liste des prix des œuvres d'art sur Artprice, vous pouvez constater par vous-même, que les œuvres d'art se vendent à des millions de dollars mais le côté vraiment sombre de la situation est que personne ne regarde les œuvres d'artistes qui ne vendent pas à ce niveau de prix élevé (à moins de 100 000 dollars américains, vous êtes un moins que rien, un pauvre inconnu) ; ces artistes ne peuvent plus exister, ni exposer, ni survivre d'aucune façon aujourd'hui.
LSA : Merci beaucoup de partager votre point de vue, c'est très intéressant ce que vous dites. La spiritualité est très importante pour vous, c'est que le message que vous voulez faire passer à travers votre art ? Qu'aimeriez-vous que les autres voient dans votre travail ?
JPS : Eh bien, l'Art n'est pas seulement porteur de messages : esthétique, politique, environnemental, idéologique ou même spirituel mais plus précisément et plus fidèlement un vecteur d'énergie pure. C'est quelque chose qui doit vous toucher aux tripes, aux organes génitaux, aux yeux et vous émouvoir. C'est une énergie, comme une batterie nucléaire, une tempête, un vortex, le sexe d'une femme, un flux, comme un défilé, un carnaval, une vraie procession de squelettes (non pas comme la drôle de Parade d'Halloween sur la 6ème avenue à NY) et aussi, simultanément, un papillon tourbillonnant dans un rayon de soleil dans la douce lumière du printemps finalement revenu ! Plus sérieusement, je veux que mon Art atteste, qu'il soit le témoin, le jalon, l'étendard des présences de toutes les myriades de sociétés primitives et des cultures traditionnelles en voie de disparition qui à un certain moment, à certaines périodes, étaient vivantes et florissantes dans le monde entier. Comme l'a récemment déclaré lors d'une interview radiophonique la grande photographe de rue Sabine Weiss : "Tout change ! Mais il est bon d'avoir été photographe pour être témoin de beaucoup de jolies choses qui vont disparaître".
J'éprouve donc une forte et passionnante curiosité envers ces différentes cultures, ces différentes façons de penser, ces différentes façons de faire l'amour, ces approches amoureuses différentes ou ces pratiques rituelles inimaginables afin d'honorer les morts, de régénérer et revitaliser la Vie, notre vie, en quelque sorte, quelque part, car rien n'est gratuit dans ce monde ci. Cela peut être philosophique, comme le bouddhisme, ou l'hindouisme ; ou esthétique, comme presque toutes les œuvres d'art précolombiennes, comme celle de la Reine maya Lady Xoc, effectuant un sacrifice sanguinaire en se passant une corde par un trou dans la langue percée afin d'entrer en transe pour rencontrer dans sa vision, le serpent cosmique Quetzalcoatl. Parfois, j'utilise aussi des images de bondage japonais pour montrer comment un corps enchaîné, peut accéder à l'extase sexuelle, en retournant paradoxalement, l'angoisse corporelle en orgasme sexuel libérateur. L'Art, tout comme le sexe d'ailleurs, a à voir avec les transcendances des réalités, des couleurs, du plaisir et de la mort.
LSA : Certains artistes disent que l'Art et la création sont comme une méditation, qui leur permet de se sentir connecté avec le moi intérieur et l'univers. Qu'en pensez-vous ?
JPS : Oui, c'est tout à fait vrai. Car le processus de travail est long et fastidieux tout du long et l'artiste doit y être pleinement concentré et présent. Vous devez être attentif à ce que vous faites à chaque étape, à chaque moment de ce processus et si vous n'êtes pas présent, vous le raterez. Bien sûr, c'est comme dans tout enseignement spirituel de toutes les parties du monde : Si je suis présent, Dieu (quel qu'il soit et quoi qu'il soit) doit l'être aussi. Comme il est dit dans Les Hymnes Spéculatifs du Véda hindou : "J'ai embrassé tous les êtres, afin de voir le fil tendu du sacré, là où les dieux, ayant atteint l'immortalité, se sont dirigés vers leur commune demeure." Dans JPS Notes Besançon – 2005-présent
LSA : Où puisez-vous l'inspiration pour vos projets et combien de temps faut-il entre le moment où le processus de création commence dans votre tête et le moment où il est prêt. Vous laissez-vous guider par l'intuition ou préférez-vous que chaque étape soit planifiée ?
JPS : Premièrement, je collecte, rassemble et glane des images. Des images représentant des rituels anciens de différentes sociétés, comme je l'ai dit plus tôt. Lorsque j'étais à New York, je prenais beaucoup de photos dans les musées, mais maintenant je les trouve surtout sur le web et principalement des photos érotiques. Il est un fait qu'environ 50% des images circulant sur le Web sont des images pornographiques et il me semble que certaines d'entre elles, très, très rares et uniques, possèdent une sorte d'aura mystique extatique. C'est principalement ce qui suscite mon intérêt pour certaines œuvres d'art dans l'Histoire de l'Art : son aura, sa présence. On peut la voir dans les œuvres de Vermeer, de Giotto, de Pollock, de Rothko, dans certaines peintures rupestres, dans des graffitis ou dans de nombreuses peintures indiennes Moghols et aussi bien sûr, dans presque toutes les œuvres dites "primitives" etc. Ainsi, en choisissant une pauvre image populaire "vulgaire" (comme l'ont fait les artistes pop de New York dans les années 60), qui n'a pas grande importance ou signification, je la transforme, de part ma pratique, en une sorte d'Icône. Cette "sacralisation" se fait, bien sûr, tout au long du long processus de sélection de l'image, du long processus de la redessiner sur mon ordinateur et de sa sélection au jour J, en fonction de ce que je veux faire au moment où je vais finalement sérigraphier cette image sur ma table d'impression. Bien entendu, le processus de sérigraphie nécessite également une préparation importante, au moment de l'impression des images et surtout au moment du choix de la couleur. Et tout au long de ce processus, j'utilise mon intuition et mon esprit spirituel et mes connections avec l'Art en général, ainsi qu'avec le soleil, l'eau, mes ancêtres, les abeilles, le sol (la terre) ou tous mes désirs sexuels...
LSA : Dans votre travail artistique, vous utilisez différentes méthodes et supports ; vous créez de grandes installations, vous peignez, vous sculptez, vous faites des croquis, de la scénographie... Quelle est votre méthode préférée pour vous exprimer et pourquoi ? Le processus de création de votre art est-il stimulant, si oui, de quelle manière ?
JPS : Oui, j'aime faire beaucoup de ces choses passionnément et toutes les façons de m'exprimer sont importantes dans le présent et même plus fortement a posteriori, car la vie est toujours en évolution et quelque chose que vous étiez capable de faire il y a quelques années, vous n'êtes plus capable de le faire aujourd'hui, par manque d'argent ou à cause d'autres problèmes à l'atelier, etc. C'est pourquoi j'aime aussi écrire des textes, ce qui ne me coûte rien (surtout pendant certaines années de vaches maigres car je n'ai pas toujours assez d'argent pour acheter des fournitures artistiques !) L'écriture est également importante pour moi, non pas pour me justifier, ni pour expliquer mon œuvre, mais pour dire une chose similaire d'une façon différente. Nous savons tous que pour accéder au centre de la connaissance et de la mémoire dans notre cerveau, chaque canal est valable. Il y a quelques années, j'ai également commencé à filmer des interviews vidéos avec des amis dans mon studio. Je crois que c'est un grand changement de vivre aujourd'hui avec ces nouvelles possibilités technologiques qui nous permettent d'utiliser tous ces différents supports qui peuvent être facilement partagés sur le web. Je ne suis pas sûr que cela ait le même impact que l'expérience physique personelle que l'on peut avoir devant un tableau mais au moins cela peut ouvrir les portes afin que de nouvelles personnes puissent découvrir mon Art.
LSA : J'aimerais vous interroger sur votre exposition actuelle "Les 4 piliers du ciel" au Musée de Besançon. Cette exposition est votre dernier projet rassemblant huit grandes installations. Pouvez-vous m'en dire plus sur ces œuvres d'art ? Qu'est-ce qui vous a inspiré à les créer, comment ont-elles été créées et y a-t-il un message pour le public dans vos œuvres d'art ?
JPS : Oui, depuis septembre 2019, 72 tableaux carrés de peinture sur Plexiglas, mesurant chacun 1,05 x 1,05 m, ont été installés sur huit panneaux entourant les quatre coins des deux énormes escaliers principaux du Musée. Cette installation monumentale Les Quatre Piliers du Ciel, d'une surface de quatre-vingts mètres carrés est, à ce jour, la plus grande que j'ai jamais réalisée. Cette installation m'a été proposée par le Directeur du Musée, M. Nicolas Surlapierre, qui a eu la grande idée d'accrocher cette immense sélection de peintures parmi cette belle architecture historique, dont les origines remontent à 1694 et qui constitue la plus ancienne collection publique française. Ce fut un projet très difficile à réaliser, car les techniciens ont travaillé pendant plus d'un mois pour fixer les panneaux de bois sur les vieux murs de pierre qui sont très hauts et les assistants et moi-même avons dû travailler sur des échafaudages à plus de 5 m de hauteur. C'est un grand honneur et un privilège de voir mes œuvres exposées dans ce bel espace où toutes les peintures assemblées et reliées entre elles dégagent vraiment une étonnante énergie et pourraient, espérons-le, amener le spectateur dans un état, une expérience de joie, d'élévation esthétique ou même mystique, souhaitons le. L'exposition durera probablement quelques années et un catalogue d'exposition a été publié. J'ai donné une conférence au Musée et nous avons filmé trois entretiens avec des professionnels de l'Art et amis que vous pouvez voir sur ma page Vidéos - Interviews. Voici un extrait du communiqué de presse :
Je veux que mes peintures et mon Art soient : un art-mur (même une armure si l'on veut ! Peu m'importe !), un art-architecture (comme les tipis indiens), un art-animaux (comme Lascaux), un art-arbre, un art-rivière, un art-vide (comme pour les moines bouddhistes zen), un art-nature, un art-sexe, un art-mort (comme les tombes égyptiennes), un art-plaisir (dionysiaque), un art-présence, un art-âme, un art-joie (comme dans les livres de Jean Giono), un art-corps (comme dans la sexualité) etc. Donc, il n'y a pas vraiment de message simple et singulier, car mon art est très complexe et ce serait plutôt un conglomérat, une agrégation d'images, une multitude d'informations visuelles et d'impulsions stimulantes comme le déploiement, l'épanouissement, la germination, l'éjaculation d'une vie entière, colorée, multiculturelle et sexuelle !
LSA : Y a-t-il un message que vous aimeriez partager avec les lecteurs de Luxury Splash of Art ?
JPS : Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir lu cet article jusqu'au bout, j'espère que vous l'avez trouvé intéressant et enrichissant. Deuxièmement, je voudrais citer le peintre allemand Emil Nolde : "J’obéissais à un besoin irrésistible de représenter une spiritualité profonde." Ce qui nous montre profondément comment l'aspiration du sens, les recherches et les quêtes spirituelles sont importantes voire, substantiellement essentielles pour certains artistes, pas pour tous ! Paradoxalement, c'est quelque chose qui semble totalement absent de la production artistique actuelle. Car nous vivons aujourd'hui, dans une société principalement et uniquement basée sur l'argent, qui est la seule valeur suprême adorée comme le veau d'or biblique et cette déspiritualisation est donc plus que normale, car l'argent n'a bien sûr aucune valeur spirituelle intrinsèque !
LSA : Avez-vous des conseils a donner pour des jeunes artistes débutants ?
JPS : Oui absolument, l'Art n'est pas une simple affaire facile et le temps est à la fois notre ami et notre ennemi car on ne peut pas vraiment devenir un artiste important, avant l'âge de sa maturité physique et à quelques rares exceptions près, tous les artistes ont réalisé leurs œuvres importantes pendant leurs années de maturité. Pour cela, il faut donc être extrêmement curieux et profondément patient. Je viens de lire ce matin sur Twitter un article sur la célèbre écrivain-voyageuse suisse Ella Maillart qui dit "J'avais un sac de couchage, quinze jours de provisions sur le dos et je me disais : Il faut aller voir la beauté du monde, en attendant de savoir pourquoi je vis." C'est un fait, une réalité : tout d'abord, il faut apprendre beaucoup de choses, lire beaucoup de livres, voir beaucoup de films, visiter beaucoup de musées, vivre beaucoup d'expériences de vie, visiter beaucoup de pays, baiser beaucoup, peindre beaucoup de tableaux... avant même de savoir vraiment ce que l'on veut et ce que l'on peut faire artistiquement et quel sera votre parcours artistique personnel ? Pour citer une nouvelle fois Picasso, il a dit un jour : "Tu copies, tu copies, et puis un jour tu rates une copie et alors, tu fais une peinture originale."
LSA : Ce fut un grand plaisir de vous parler. Merci de nous avoir accordé un peu de votre temps. Bonne chance pour vos futurs projets. Où pouvons-nous trouver votre travail, veuillez svp partager le lien vers votre site web et les médias sociaux. JPS : Oui, ce fut un grand plaisir d'écrire cet article avec vous, merci beaucoup pour vos questions intéressantes, chère Agnieszka. Mon travail peut être vu au Musée des Beaux-Arts & d'Archéologie de Besançon (quand il rouvrira), dans mon Studio et à la Galerie Keller de Zürich, en Suisse. Vos lecteurs peuvent également me suivre sur divers médias sociaux et je serai très heureux de poursuivre cette discussion avec eux. Je vous souhaite à tous une bonne journée ainsi qu'une belle vie en ces temps difficiles et troublés, avec mes meilleures salutations de France.
Jean-Pierre Sergent, Besançon, France, le 7 février 2021