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Jean-Pierre Sergent

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Écrits : Textes d'artiste - 1994 - 2014

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"JE FAIS UN ART VIVANT DANS UNE SOCIETE SPIRITUELLEMENT MORTE !"


COMMENT REGARDER ET DÉCRYPTER MES INSTALLATIONS MURALES

En Occident l'œuvre d'art est toujours réalisée en espérant que cela devienne un chef-d'œuvre : de la Joconde à l'Urinoir de Duchamp en passant par les Demoiselles d'Avignon, le Déjeuner sur l'herbe, la Dentellière de Vermeer, les Sharks d'Hirst et Poppies de Koons.

Cette idée issue de la pensée monothéiste, que le chef-d'œuvre représente l'idée d'une présence unique autonome et divine puis plus tard, humaniste homo-européano centrée, ne me satisfait pas entièrement.

Mes grandes installations murales représentent plutôt une idée plus provocatrice en ce sens qu'elles sont l'assemblage de plusieurs peintures contenant des thèmes, des couleurs et des énergies différentes et parfois frontalement opposées chronologiquement, moralement ou philosophiquement. Ce mélange apparemment hétéroclite me permet de sortir de l'Ego et de la pensée artistique individualiste du chef-d'œuvre circonscrit, pour entrer dans un système  plus universel, continu et cohérent (anarcho-communautaire) propre aux sociétés non modernes, dans lesquelles tout est en connexion au-delà du système dualiste de l'être et du néant, du bien et du mal ou du plein et du vide. Il m'intéresse de rentrer, en utilisant principalement une forte surcharge érotique, dans les mystères de la création vitale.
Le spectateur est interpellé devant ce débordement, cette débauche érotique où les surfaces carrées, aux multiples facettes, scrutent l'intérieur des âmes comme l'œil des insectes, conscience évoluée, reflet et fusion des corps dans le vortex du magma cosmique au présent universel.
Il faut regarder mes œuvres monumentale comme des coupes transversales d'une fourmilière ou d'une société humaine et ce n'est pas l'extérieur de l'architecture et des choses qu'il faut voir, mais l'intérieur, la structure, les flux, le coeur et le noeud vital de la machinerie qu'il faut appréhender d'un seul regard...
Il faut savoir sortir du sentiment de complétude, d'achèvement pour rester dans la fluidité, l'interrogation et l'impermanence des émotions humaines. La plénitude n'étant plus dans l'image mais dans le spectateur, transférée par la magie de l'art.

Jean-Pierre Sergent, Besançon, 10 octobre 2012


NATURE, CULTURES, L'ORIGINE DES MONDES

Texte écrit pour le catalogue de l'exposition : Nature, Cultures, l'Origine des Mondes, à la ferme Courbet de Flagey.

Le réalisme et l'audace : Le tableau L'Origine du Monde de Gustave Courbet est un point d'ancrage dans l'histoire de l'art occidentale, cette toile est un jalon qui a repoussé les limites des curseurs de la pensée artistique. C'est un sexe de femme et rien d'autre, un peu comme la Fontaine de Duchamp est un urinoir, ou les Demoiselles d'Avignon de Picasso sont des prostituées dans un bordel attendant le client, leurs visages métamorphosés en masques magiques africains... Comme également l'assemblage du Goat-Tire de Rauschenberg, le Flag de Jasper Johns, Les Drippings de Pollock, etc... 

Les artistes contemporains doivent beaucoup de leurs libertés d'agir et de créer à Courbet, l'insoumis, l'audacieux !

L'érotisme : la sexualité et la sensualité chez Courbet sont aussi celles des paysans de La Terre de Zola où une saillie est une saillie et il n'y a rien de moral ni d'immoral dans cet acte, juste un acte de plaisir, de procréation et de multiplication des générations. 

Ayant longtemps vécu dans une ferme et élevé des chevaux, mon point de vue est similaire, un corps est un corps dans toute sa beauté, sa dimension charnelle, spirituelle et humaine lors du rituel érotique.

Mais l'iconographie sexuelle dans mon travail représente également le chaos, les fractales, le bourdonnement et le vrombissement incessant de la vie. Les images provenant principalement de Mangas japonais sont souvent en opposition aux figures géométriques silencieuses et ordonnées qui représentent, elles, la permanence, l'intemporalité de l'ordre, des structures génético-structurelles du vivant, des sociétés humaines et du Cosmos.

Cultures : l'érotisme se lit différemment avec la culture propre à chacun et son rapport à l'existentialisme, aux codes religieux, moraux ou son rapport au sacré. Aujourd'hui dans un monde multipolaire inondé de pornographie, grâce notamment à l'arrivée d'Internet (le plus gros business après l'armement), l'image érotique est souvent un bien de consommation populaire mainstream. Réintégrer ces dessins avec des textes crus et parfois choquants, me permet de parler à l'inconscient du spectateur, de le replacer devant sa réalité, ses fantasmes inavoués, sa médiocrité de business man et sa finitude corporelle. Mais également de l'emporter, s'il sait lâcher prise, dans la philosophie Tantrique, la transe rituelle, le magma terrestre et les temps cosmiques. 

L'Origine des Mondes / Les cycles temporels : le 19ème siècle a été en France un siècle de très grande création artistique, principalement littéraire. Paradoxalement, très réaliste avec l'apparition de l'industrialisation et l'esclavage du travail, mais aussi très spirituel : Victor Hugo, Gérard de Nerval, Huysmans, Rimbaud, Flaubert, avec en peinture le début de l'ouverture sur les mondes "archaïques", paradisiaques, extra Européens de Gauguin. 

C'est aussi en Amérique le siècle des ethnocides des tribus indiennes, et en Occident le début du capitalisme inscrivant son histoire linéaire, son histoire de l'art, ses musées, sa philosophie... tout cela se construisant quelque part de manière coloniale, rationnelle et scientifique en opposition aux sociétés traditionnelles plus nomades, anarcho-communautaires, animistes, détentrices des calendriers cycliques, des savoirs empiriques ancestraux, des temps profonds, de l'imaginaire et du temps du rêve : les pensées Hindou, Maya, Esquimaux, Aborigène, Jivaros, etc...

Mon travail est au confluent de ces différents cycles historiques, beaucoup de Patterns et Yantras utilisés dans mes peintures sont des symboles d'unité et d'énergie cosmique. Comme dans l'Origine du Monde, iIs représentent le commencement et la fin de la vie, le Bardo bouddhiste, l'endroit où l'on se retrouve dans l'état de plénitude dans l'Univers, l'Ici et le Maintenant, le Non Moi, nothing else !

Nature : les paysages de Courbet sont les paysages de mon enfance et chaque fois que j'allais au Metropolitan Museum de New York, je passais  voir les paysages de la Loue, qui me rappelaient des souvenirs et mes liens affectifs avec ma famille originaire de cette étonnante région de Franche Comté. 

Courbet peignait un monde où l'interaction et la cohabitation Homme-Animaux-Nature était encore réelle. L'élevage, la chasse, la pêche, le coupage du bois, tout cela faisait partie du quotidien. Ce monde ensorcelé et merveilleux rempli de faunes, de muses et d'esprits, s'est évanoui après la deuxième guerre mondiale lorsque la société est entrée dans cette spirale infernale : le rouleau compresseur du progrès, de la surproduction et de l'hyperconsommation et nous sommes aujourd'hui bien seuls face à notre destinée. 

Quid des cerfs et des papillons porteurs de l'âme des morts ? Des Baleines mammifères sœurs aux chants envoûtants ? Du Faucon, le guide spirituel ? Des Fourmis qui démembrent le corps lors des transes chamaniques ? Des Abeilles et des Papillons qui dessinent le parcours de l'âme dans l'au-delà avec les Libellules :

"But then the river rises and bring flood-water. Dragonflies drift on the river, their faces look upon the face of the sun, but then suddenly there is nothing. The sleeping and the dead are just like each other, Death's picture cannot be drawn". L'Epopée de Gilgamesh, le Déluge, mythe de création Mésopotamien.

Jean-Pierre Sergent, Besançon, 12 août 2011


CONFRONTATIONS : MONOCULTURE / POLYCULTURES

Mon travail présente les dernières traces des combats d'opposition entre les sociétés multiculturelles traditionnelles et notre société globale monoculturelle, ainsi que les dernières confrontations des tribus nomades et des civilisations sédentaires.
L'argent, le sexe, la barbarie et la pornographie valeurs de l'immédiateté de notre quotidien déritualisé et désacralisé en opposition frontale avec la sagesse, la spiritualité, la beauté, l'humanité, la patience, le temps cosmique, les patterns sociaux-culturels des sociétés traditionnelles.
La principale confrontation étant le rapport du corps physique aux rythmes lents et profonds avec le temps accéléré à cause de la vitesse de transmission des informations et la frénésie destructrice du désir d'accumuler, de produire et de consommer, jamais atteints jusqu'alors au cours de notre histoire.

Jean-Pierre Sergent, Besançon, 22 novembre 2010


MAYAN DIARY OU LES CARNETS DE VOYAGE DE JEAN-PIERRE SERGENT

- "Comme un homme, au milieu d'un songe, dévoré par la soif, et qui cherche à boire, et qui ne trouve pas l'eau qui pourrait éteindre le feu de ses os... " Lucrèce, De la Nature

- "Earth is the region of the fleeting moment." Ayocuan, poète Nàhuatl.

- "Pour activer au mieux leur fréquence, l'Uwishin (chaman Jivaro) doit aussi pouvoir fixer longuement son esprit sur des images de vrombissement, des colibris ou des libellules en vol stationnaire, par exemple, tous les sens se combinant dans l'expérience de la transe pour faire du corps une grande vibration immobile." P. Descola, Les lances du Crépuscule

La série de peintures sur Plexiglas « Mayan Diary » commencée à New York en 2000 fait suite aux séries « Amana »  de 1998, « Le Rêve de l'Homme Emprisonné » de 1999 et les oeuvres sur papier « Dionysos » de 1998.
« Mayan Diary » est un carnet de voyage non littéraire constitué de stimuli visuels et émotionnels collectés lors de mes voyages successifs au Mexique et au Guatemala ainsi que durant mon vécu dans la New York multiculturelle et multiethnique. Au début, c'est la superposition et l'accumulation d'éléments iconographiques venant des rencontres faites au Museo de Antropología de México, aux sites archéologiques de Chichen Itza, Uxmal, Mitla, Oaxaca, ainsi qu'avec les peuples Maya, Mixtec, Zapotec et leurs créations artistiques. Par la suite, le travail s'est enrichi de nombreuses images venant des sociétés prémodernes et des périodes archaïques des grandes civilisations, images induites également de nombreuses lectures ethnographiques et philosophiques sur les cultures et mythologies amérindiennes, indiennes, japonaises, australiennes, préhistoriques etc.
Ma principale référence picturale est celle de la présence, dans l'art pariétal, d'images superposées durant des millénaires sans commencement ni fin apparente. Cette « surimposition » iconographique cyclique sans lien cohérent logique, fait fortement référence à la Mâyâ indienne où la vérité ultime, présence du divin, est cachée par des réalités illusoires, protéiformes, fragmentaires, contradictoires et multiples.
L'inspiration puise également dans les métamorphoses vécues lors de transes chamaniques, quand l'individu se dissout pour se transformer en différentes entités humaines, animales, végétales, minérales, spirituelles pour enfin fusionner avec les réseaux génético-cosmiques.
L'idée maîtresse de ma création artistique est de rendre hommage à l'Humain historique, intemporel et contemporain, au corps, à la beauté, aux différentes réponses et interprétations sur la Sexualité, l'Art et la Mort, imaginées lors de rituels sacrés ou profanes au cours de notre histoire.

Jean-Pierre Sergent, Besançon, 5 février 2010


À PROPOS DE LA TRAVIATA

Opéra Théâtre de Besançon, du 13 au 16 mars 2007

Basculement, mondes intermédiaires, bardo bouddhiste.
Univers en suspension et en mouvement. Beauté, spiritualité, simplicité, merveilleux, violence, fragilité, impermanence du monde et de l'humain.
Equilibre ?
Faut-il vivre dans un mouvement incessant et permanent ? Problème de confrontation et d'inadéquation entre vitesse de l'information, moyens de communication, travail et rythmes cosmico-corporels.
Désillusion de l'amour.
L'équilibre se trouve en acceptant le mouvement et en recentrant le monde et le moi. Référence aux Axis Mundi de « Mayan Diary » et de l'obsession des sociétés tribales et archaïques du mandala, des quatres directions et du centre. Lieu où l'on voyage et communique avec les esprits des ancêtres et les mondes souterrains et célestes, arbre cosmique, amour universel intemporel.
Présent ?
Déséquilibre, zone de fracture et rupture de niveau permettant la transe et la métamorphose. Futilité évanescente contemporaine tragi-comique, mais cependant mortifère. Les structures sociales enferment les individus dans des rêves stupides et médiocres, seul le corps a raison.
Impermanence, jaillissement de la libido, désir, extase, mort, liberté.

Jean-Pierre Sergent, Besançon, 8 mars 2007


VOYAGE CHAMANIQUE

J'étais allongé dans un champs ensoleillé, je passais le pont en bois et je grimpais le sentier de la montagne. Au milieu du chemin je rencontrais une fourmi, puis il y en eut des milliers, elles mangèrent ma chair et mes organes et quand mon squelette fut tout nettoyé et blanc, elles me quittèrent. Alors vint un serpent qui se lova dans mon ventre pour y pondre ses oeufs. Ces serpents sont supposés me protéger contre le lion qui veut manger mon squelette. Je passais dans un vortex d'énergie et je baignais dans un océan de lumière jaune. Puis je me retrouvais simultanément dans les matrices de 4 femmes de races différentes, elles étaient là pour me protéger, elle changèrent mon squelette en cristal. Je crois qu'elles tenaient les 4 canopes des anciens égyptien avec mes organes principaux. Puis elle se placèrent chacune à un point cardinal de mon corps : à l'épaule droite est la femme jaune, à l'épaule gauche est la femme bleu, à la jambe droite est la femme rouge, à la jambe gauche est la femme noire. Elles déposèrent un cristal dans ma poitrine et reconstruisirent ma chair. J'étais baigné dans une lumière verte.

"What is important in my work are colors and lights. Images and symbols are carriers of dreams and actors of the sacred. I experienced throughout shamanic trances a place were oneself can meet with the spirits, my paintings are memories of those rare and beautiful encounters."

Jean-Pierre Sergent, New York, février 2005


BEAUTY IS ENERGY

- "With beauty may I walk." The Night Navajo Chant

Avant que l'argent ne nous dépossède dramatiquement de notre plénitude en inscrivant le temps dans l'histoire, la beauté était en harmonie avec notre temps intérieur comme un organe, une aura, une harmonie cosmique.

C'est cette liberté qu'il nous appartient de retrouver dans le temps universel, le temps des abeilles aux rayures jaunes et noirs, des fourmis rouges, des coccinelles rouges à points noirs qui parlent aux ancêtres, des scarabées dorés messagers des Dieux, des oiseaux du paradis et des fleurs à l'exubérante sensualité.

L'Homme avait compris cela empiriquement en imitant la Nature qui s'était faite belle et désirable pour survivre à l'éternité.

La beauté est une force vitale au même titre que la libido, le seul espoir de survie dans un monde violent et chaotique. Plus qu'une notion esthétique c'est une force spirituelle, un lien tangible pour communiquer avec les esprits des mondes visibles et invisibles.

Ainsi chaque feuille d'arbre est un champs d'amour silencieux qu'il nous faut chaque jour réapprendre à écouter.

Jean-Pierre Sergent, New York, juillet 2002


BONDAGE AND FREEDOM

- Cet instant magique où la souffrance ultime se transforme en Océan de plaisir.

Les images de « Bondage » sont une parfaite métaphore de l'actuelle condition humaine. Car les Hommes ont inventé des systèmes politiques, économiques et religieux qui aujourd'hui dépassent l'échelle humaine. Cette démesure est celle de l'époque du Marquis de Sade et de la Révolution Française, où la vie était si fragile, si violente, si aléatoire.

Le corps est lié, soumis, emprisonné, mutilé dans un carcan social, idéologique, mythique et religieux, où la seule échappatoire est la jouissance. La transmutation de la douleur en plaisir. Les images de "Bondage" sont en relation avec une mémoire Humaine universelle du sacrifice humain. Il reste dans chacun de nous la mémoire d'un cannibale et d'un sacrificateur, et quoi de plus violent que de sacrifier la beauté de la femme aux Dieux? La pornographie contemporaine est rituelle au même titre que les rîtes anciens des prêtresses d'Isis ou de Dionysos. Négation totale de l'ego, pour que le corps devienne objet, comme le cadavre, ou la viande sur l'étal du boucher. Immersion donc dans l'universel, le non-dit, la non-appartenance, l'oubli, la magie.

Sexuellement parlant, le "Bondage" est une déviation d'impuissants, d'hommes infantilisés, leur Persona subjuguée par le désir de jouissance de la femme qu'ils ne peuvent combler. C'est une métaphore pathétique de l'expérience sexuelle humaine, et spécifiquement Japonaise, où la culture machiste, n'a pas les moyens physiques de dominer la femme, les hommes les dominant psychologiquement en les humiliant. Mais même liée, humiliée, torturée et soumise, la femme reste belle, reine et sereine, et l'homme ressemble à un stupide boucher de bas quartier ou à un bourreau d'une époque révolue portant inscrit dans sa tête un pseudo désir esthétique, déviance surannée d'homme castré.

Ces images ont pourtant parfois la même puissance religieuse que les images de crucifixion de l'Occident, comme si chaque culture inventait sa propre violence pour se guérir de son incommensurable effroi devant la mort, l'impuissance et la fragilité éphémère de la beauté féminine.

Jean-Pierre Sergent, New York, 2002


LE MASQUE DE LA MOMIE ÉGYPTIENNE DU MET

Statue égyptienne MET

New York, 2001

Il est devant moi le masque de cette momie égyptienne
Au visage énigmatique et délicieux...
Je pense à toi et mon coeur piaffe comme le cheval fou
rouge et blanc, enfant de l'amour
De l'amour intérieur et universel
Au delà des montagnes, des rivières, des océans,
des squelettes et des poissons
c'est une présence que je ne saurais nommée
qui monte et descend, vertige silencieux,
abysse bleu Grec et fou
c'est la vague au fil du rasoir
c'est le regard des yeux du lynx
c'est la terre à l'ombre de ta main
c'est la fumée du calumet de la paix
et l'enfant qui lit Barbe bleu.

derrière ton visage qui m'interpelle
au sourire de Joconde si troublant
où l'éternité est vaincue par le désir,
nous sommes nous jamais aimés ?


MES PEINTURES SONT DES GERMINATIONS, DES COSMOGONIES, DES SYSTÈMES D'ÉNERGIES, DES EXTERMINATIONS ARTISTIQUES...

Il faut regarder mes peintures non comme des peintures, non comme des objets d'art, mais comme des lieux sacrés de conflits et de création. Un espace clos, chaotique, éthéré où des énergies se bousculent, s'attirent, s'harmonisent et se détruisent. Mon approche est plus chamanique qu'esthétique et plus alchimique que philosophique.

J'ai toujours été fasciné par la peinture faite sur des supports autres que la toile ou les panneaux de bois. Par exemple les peintures des caves préhistoriques, les peintures des vases Grecs, Mayas et Moches, les peintures des tombes et des sarcophages Égyptiens, les céramiques Islamistes, les poteries préhistoriques Chinoises, les Codices Aztèques et Mayas, les manuscrits du Moyen-âge, les mandalas Tibétains, les graffiti violemment gravés sur les murs des cités modernes, les miniatures Indiennes, les blouses Mola des indiennes Kuna de Panama, les corps-peints esprits des indiens Selk'man de la Terre de Feu, les tracés digitaux du plafond de la grotte de Pech-Merle, les tambours chamaniques de Sibérie ou d'Amérique, les pagnes peints sur bandes d'écorce des Pygmées Mbuti et Mangbetu, les estampes japonaises, les dessins magiques peints sur les Tipis Sioux, les cartes des rêves sur écorce des aborigènes Australiens, les peintures sur sable des indiens Navaros, les peintures sur bouclier de bois des Asmats, les masques cérémoniaux Mexicains et Guatémaltais etc..

Je suis aussi impressionné par la peinture avant l'arrivée de l'architecture. Car l'architecture (exceptée celle des anciennes civilisations : Égyptienne, Maya, Grecque, Aztèque, Inca, Assyrienne, et celle des constructeurs de cathédrale etc...) a complètement aliéné la liberté artistique en convertissant l'image en fenêtre et elle a soumis, contraint et annihilé, dans sa fonction utilitaire et profane, la magie, les énergies telluriques, les cosmogonies, la relation matrice-habitation, les mythologies, les structures sociales communautaires, les rêves et les Axis Spiritualis directionnels.

Finalement la peinture en tant que tableau objet m'ennuie et je m'en désintéresse, car elle reste une vue étriquée, bourgeoise, représentative, Européenne et religieuse de voir le monde. Il faut assassiner l'idée du tableau... !

Jean-Pierre Sergent, New York, 21 janvier 2001


LE 21ÈME SIÈCLE, C'EST LA FIN DES PARADIS

Après 2000 années de soit-disant civilisation occidentale vous ressemblez à des zombies.
Vous portez sur vos épaule la responsabilité d'avoir détruit le monde. A. Artaud disait : « vous êtes sortis de la vie », je dirais plutôt que vous n'y êtes jamais rentrés. La vie est pour vous virtualité vendue par les agences de voyages et les programmes TV. Vos Dieux millénaires et patriarches stériles puent des pieds et sentent la merde. Vous avez tout détruit et vous détruirez plus encore, portés par une génétique assassine.
Quand je vous croise, je dois changer de trottoir, vous êtes le miroir de la laideur.
Et dans vos hôpitaux vous mourrez de connerie espérant que votre dernière technologie pourra vous ressusciter. Cette même technologie qui vous a permis l'esclavage des noirs, la déforestation des jungles Vietcong, l'extermination des Indiens, la conquête de la Lune (quelle prétention d'aller planter un drapeau sur la Lune, pourquoi n'essayez-vous pas d'en planter un sur le soleil ?)
Votre race, la race blanche est une fin de race, vous êtes débilités par tant d'années de stupidité. A force de lire vos livres dit saints, vous êtes devenus fous, assassins, insensibles, bêtes, méchants, avares, pâles, impuissants...
Ne vous êtes-vous jamais posé la question : et si j'avais tort ?
Non, il semble que vous viviez dans les limbes du business supérieur, au-delà de toute Humanité.
Je vous souhaite de crever, rapidement et sans bruit... De toute manière qui voudrait vous entendre gémir.
Vous êtes les moutons noirs de l'humanité, l'anti-humanité… ! Crevez donc comme des bêtes... !

Jean-Pierre Sergent, New York, 9 janvier 2001


UXMAL - NEW YORK, A MAYAN DIARY

- "When we think of the unending growth and decay of life and civilizations, we cannot escape the impression of absolute nullity. Yet, I have never lost a sense of something that lives and endures underneath the eternal flux. What we see is the blossom, which passes. The rhizome remains." In Memories, Dreams, Reflexions, C.G. Jung.

Uxmal, parce que de ces ruines fantomatiques se dégage encore l'énergie magique d'une civilisation, New York ; parce que c'est le lieu où je vis, lieu qui deviendra lui aussi avec le temps un squelette blanchi et oublié.

Cette série de peintures a été créée de manière musicale, sérielle, tonale et répétitive.

L'image principale est une image du dieu Maya du maïs, Wak-Chan-Ahaw, qui recréé l'univers et fertilise le monde. Il est habillé ou déshabillé par deux déesses nues, qui dans leurs gestes d'offrande, le ressuscite à la vie. Cette scène de la mythologie Maya se passe sous l'eau, dans la mer primordiale, et a donc un très fort rapport à l'inconscient.

Certaines images sont issues de l'imagerie pornographique contemporaine reproduisant aussi ses archétypes de résurrection phallique et d'offrande germinatoire. D'autres images sont issues de dessins chamaniques qui sont des représentations spatiales de l'Axis Mundi.

Jean-Pierre Sergent, New York, 1 avril 2001


LA SEXUALITÉ EST À L'AUBE ET AU CRÉPUSCULE DE TOUTE CRÉATION

- "Ils ont fait de l'argent leur maître, ces immondes crapauds terrestres." Le Roman de la Rose

Après avoir travaillé plusieurs années sur le thème de l'érotisme, un pensée fleurit dans mon esprit : quel est le fondement d'un travail si radical, si monolithique ?

Et puis un jour, je compris :
Nos sociétés contemporaines se nourrissent d'argent : les familles, les hôpitaux, les cimetières, les aéroports, les politiciens, les avocats, les prostituées, les prêtres, les états, les enfants, les animaux, les rivières, les forêts ; il n'est guère que les volcans et les tempêtes qui ne coûtent rien à entretenir et qui s'auto-nourrissent.

Un siècle plus tôt, on aurait sans doute put dissocier l'Orient de l'Occident et le Nord du Sud, les sociétés nommées primitives des sociétés dites industrielles. Mais aujourd'hui il semble que la globalisation de cette commodité se soit répandue comme une marée noire du Mont Everest au désert de Sertão et du Groenland à la Tierra Del Fuego...

Imaginons un instant l'impact global culturel sur les psychés et les inconscients individuels et collectifs, cela basé sur les données que l'argent est totalement asexué et qu'il s'auto-reproduit comme un cancer ou comme les bactéries.

Plus les sociétés s'organisent sur l'argent, plus la morale et le puritanisme règnent et plus les individus souffrent d'un stupide carcan moral, d'une idée de péché, de répression sexuelle, de Mal-Être, d'interdits dictés par des fanatismes religieux ou politiques, empreint de racisme, etc...

Par exemple les Américains ou les Suisses sont les peuples les plus sexuellement frustrés de la planète.

Et bien cette non-sexualité de l'argent déverse sur les communautés humaines des flots d'individus asexués, misanthropes, misogynes, androgynes, féministes, machistes, corbeaux noirs, bêtes castrées, boeufs de bas étages, larves humaines blanchies par l'argent et la masturbation...  Et encore, en réaction à cela, une pornographie d'impuissants, basée sur la souffrance et l'humiliation, l'objectisation de l'homme ou de la femme. Et plus paradoxalement encore, le marketing et la publicité utilisant la puissance sexuelle virtuelle et la séduction comme outils indispensables de promotion, de vente et de pouvoir.

En opposition, mon travail parle de la beauté, de la liberté et de l'extase dans la sexualité, le fait d'éjaculer dans les étoiles et dans la chaleur d'un vagin de femme qui jouit. La beauté d'un corps de femme qui suce une queue et qui se fait enculer. La couleur du plaisir, le jus qui coule de son sexe, porte ouverte sur les nuages de Baudelaire, Axis Mundi, entre l'hier et le demain. Seule vertu de l'esprit, la couleur de ta peau, l'ombre de tes seins. Je vis et la vie est légère, sexuée, passionnée, violente. Les énergies s'entre-dévorent, s'oublient et se révoltent. Et quelque part, quelque chaman au coeur puissant s'infiltre, il est là, torrent de lumière, la vie est infinie et sexuée, mais vous, vous êtes morts !

Jean-Pierre Sergent, New York, 30 décembre 2000


INDIAN NAMES, OU LA NON-APPARTENANCE AUX LOIS SURNUMÉRAIRES

Exposition Nomads Territories, DFN gallery, New York, 2000

- "Le sol jusqu'alors bien commun, comme la lumière du soleil et l'air même, fut, par le défiant arpenteur, marqué du long trait des limites." L'âge de fer, Ovide, Les Métamorphoses

La couleur, l'esprit, le réel
La transformation, l'assimilation
Le pouvoir, le rêve, la bravoure
L'interconnexion Nature-Homme-Culture-Univers
La force, la tendresse, la poésie
La violence de la vie
L'identité
Les étoiles, les nuages
Les cercles, l'innocence
La non-appartenance aux lois surnuméraires
La plénitude, la liberté, la couleur
L'offrande
Le mot sans le verbe
La chose, l'animal, l'arbre, le tonnerre
La Femme, la rivière, les cailloux
Le feu, l'ombre, le sang
La matrice, l'Univers

Jean-Pierre Sergent, New York, 6 novembre 1999


LE MIROIR DU JOUR ET DE LA NUIT

- "Ils pensaient que l'ombre et la lumière étaient les mêmes opposés, ils ne voyaient pas seulement la lumière sur un fond d'obscurité." R. Stone Miller

- "Ometecuhtli/Omecihuatl*, il est le miroir du jour et de la nuit." M.L. Portilla

La nuit est juste l'ombre de la terre
Les femmes Gaia** et Nout*** font le lien entre le rationnel et l'irrationnel
Des vulves, des matrices et des étoiles
Des étoiles, des matrices et des vulves
La vie se créer, se répète, se repousse
260 jours et 260 nuits
Le sacré nous observe
Équilibre du coquillage ouvert
La maison bascule
La nuit est là où repose l'ombre de la terre.

- *Ometecuhtli/Omecihuatl: paire de Dieux de la Dualité ou Ometeotl chez les Aztèques, qui était leurs Dieux créateurs suprêmes et qu'ils visionnaient comme des entités mystiques de nature transcendantale  binaire un peu comme dans le concept de la trinité dans la culture Européenne.
- ** Gaia : "De son ventre fertile, de sa miraculeuse matrice, radie l'énergie de la vie, qu'elle récupère au moment de la mort."

- *** Nout : "Je suis la maîtresse du ciel et des étoiles, je suis la mère du soleil."

Jean-Pierre Sergent, New York, 10 mai 2000


LE RÊVE DE L'HOMME EMPRISONNÉ

Après Giotto, Le rêve d'Innocent III et Sade, Les 120 journées de Sodome.
- "L'homme occidental est ensorcelé, maintenu en esclavage par les "dix mille choses" qui l'entourent. Il les voit une à une ; il est emprisonné dans le moi et dans les choses, inconscient de la racine profonde de l'être." C.G. Jung, L'âme et la vie
- "On peut acquérir la liberté, mais on ne la recouvre jamais", J-J Rousseau, Du Contrat Social

Nos sociétés sont des prisons,
Nos religions sont des prisons,
Notre travail est une prison,
L'argent est une prison,
L'amour est une prison,
Le rêve est une prison,
La maladie est une prison,
Le désir est une prison,
Le corps est une prison,
La mort ressemble au désir,
La peinture espère l'eau du fleuve et de la mer

Jean-Pierre Sergent, New York, 8 mai 2000


AMANA*, LES PARADIS PERDUS

- *"Amana, déesse des eaux, femme très belle dont le corps finit en queue de serpent, symbolise à la fois le temps et l'éternité. Elle se renouvelle périodiquement et mue comme un serpent - comme d'ailleurs l'âme des morts et la terre elle-même." M. Eliade.

Le temps ronge le présent comme le fils d'un diable affamé

Les Dieux, ruines des passés Humains, sombrent, oubliés

Chaque Homme écrasé par la machine se rappelle,

Rêve de nature, de beauté, de création...

Les civilisations s'écroulent, se recouvrent et s'enchevêtrent

Les Empires enfantent d'autres Empires

De la nature jaillit l'eau comme du sexe de la femme

L'Homme présent est toujours incomplet

Entre le passé et l'avenir il ne peut exister

Quel est le lieu de la totalité ?

Jean-Pierre Sergent, New York, 2 février 1999


DIONYSOS, L'ORGIE PERPÉTUELLE OU LES ORGANES DE LA VIE

- "C'est l'univers de l'eau, là où toute vie flotte en suspension", C.G. JUNG

L'espace carré est la matrice du rêve.
La société Américaine transforme sa frustration sexuelle en violence exacerbée.
Tantrisme opposé au Christianisme et au Bouddhisme, intégrant la libido dans le phénomène religieux, versus transcendance de la libido en isolement et contemplation.
La sexualité est un phénomène social.
La sexualité est surchargée de sacralité.
La sexualité est la seule énergie qui s'oppose à la mort.
L'image érotique ne laisse jamais indifférent ; elle a un rôle et une fonction,
La libido est à la fois liberté et contrainte : liberté d'agir en tant qu'individu, contrainte de reproduire en tant qu'espèce.
Le plaisir seul n'existe pas, même chez Sade, on reconnaît toujours la volonté de détruire l'aliénation génétique ; peut être est-ce là l'ultime plaisir ?...
Transformation du sujet en objet, régénération de l'Homme dans son état bestial, cannibal, primaire, sa nudité, son essence vitale ; dissolution du moi dans « l'Univers de l'Eau ».
La violence érotique est à la fois naturelle et culturelle : les vases Grecs nous décrivent déjà cette folie, ce désir de renouveler l'univers en renouvelant le moi et la société dans un bain d'orgie dionysiaque. L'orgie a toujours eu un caractère.
L'Art et l'Erotisme s'opposent toujours au monde organisé par le travail, d'où leurs caractères tabous et sulfureux. Plus les sociétés travaillent, moins les individus jouissent, et plus le déséquilibre se creuse entre réalité consciente et aspiration de l'inconscient.
Les sociétés primitives ne souffrent pas de cette dichotomie car elles ont toujours su intégrer de façon naturelle, mythologique et artistique leurs activités liées au travail et leurs activités sexuelles.
Le désir n'est finalement présent que pour rompre l'isolement et réintégrer l'individu dans la communauté humaine et l'univers des êtres vivants et sexués.

Jean-Pierre Sergent, New York, novembre 1998


ARTISTES ET EGO, LE GRAND VIDE !

L’art jusqu’à la renaissance Italienne était intégré dans les systèmes sociaux religieux et culturels. Il avait comme un outil,  un sens et une fonction.
Les artistes durant cette période pré-Renaissance étaient pour la plus part du temps des individus en relation avec le sacré : les chamans des tribus primitives, les moines des manuscrits, les primitifs Italiens, les sculpteurs de cathédrales, les sculpteurs Grecs, Égyptiens où Syriens, les peintres des grottes préhistoriques, etc...
Tous ces artistes, anonymes pour la plupart ont laissé au patrimoine de l’humanité des chef d’oeuvres intemporels.
Au contraire d’aujourd’hui où les artistes semblent désespérément accrochés à leur Ego, comme si c’était la seule chose d’importance.
Mais l’Ego n’a d’importance que transcendé, sinon il devient de l’artiste comme la grenouille de la fable de M. De La Fontaine qui finalement explosa !
Comme il serait agréable de voir tous ces prétentieux artistes exploser comme des grenouilles..!

Jean-Pierre Sergent, 3 avril 1998


LE TEMPS SUSPENDU : PEINTURE = ZONE DE COMPRESSION

Texte pour l'exposition à l'Alliance Française de New York, avril-juin 1998

Les documents

Les peintures présentées à l'Alliance Française, sont issues de longs mois de travail et de réflexion, les images ont étés collectée lors de voyages dans des sites naturels (photos d'animaux, rivières, plantes, vieux moulin), des visites dans des musées (statue Grecque, tête de mort Asmat) et des photos prisent lors d'évènements : corrida, dessins d'empreintes de mains et de symboles, et enfin quelques images prisent dans des livres (culture, histoire) : un schéma indien de la représentation cosmique du temps, un dessin des tracés digitaux de la grotte préhistorique de Pech-Merle, un texte de Georges Bataille tiré de l'Histoire de l'oeil et enfin un texte de Alfred Musset tiré de Gamiani.

Réalisation
Les images de taille 42 x 42 inches sont sérigraphiées sur 9 panneaux de Plexiglas de taille 14 x 14 inches. Ces panneaux sont juxtaposés puis entourés de Plexiglas de taille 14 x 7 inches, blanc et noir en alternance, ce qui forme des éléments modulaires carrés de 55 x 55 inches. L'exposition comprendra 4 panneaux mis en disposition linéaire dans le hall d'entrée formant un ensemble de 55 x 220 inches et 4 panneaux en disposition carré sur le grand mur formant ainsi une œuvre de 96 x 96 inches.

Concept
L'espace de la peinture apparaît comme une zone de conflit entre les différents textes et images. Les images semblent comprimées dans un espace plat et circonscrit. Plusieurs couches d'images sont imprimées de couleurs différentes sur le même panneau, créant ainsi des stratifications, une profondeur virtuelle, un espace ou le spectateur a la liberté de voyager. Parfois les images se nuisent, se détruisent et se métamorphosent en créant des espaces abstraits où seul le mouvement et la « coïncidence des contraires » subsistent. Les images ne servent pas d'illustrations au texte, ni vice versa.

L'installation de l'entrée peut être interprétée comme un cheminement, un développement, une initiation
D'abord l'apparition du verbe, de l'énergie, de la création, du symbole de l'éveil esthétique.
Ensuite l'apparition de l'animalité avec ses confusions, ses balbutiements, sa libido, son inconscient, son intimité.
Puis l'apparition de la prise de conscience du temps historique, de la mort, de l'évanouissement, de l'absence, du temps cosmique et de la continuité génétique...
Enfin le détachement, le rêve, l'envol, la contemplation, l'informel, l'amorphe, l'intemporel, là où l'image ne se distingue presque plus ; la sérénité et peut être la sagesse...

La grande peinture du hall peut être interprétée de façon suivante
L'oiseau de proie est démantelé et il semble tomber par rapport à un point central, créant ainsi un espace sacré avec ses repères d'orientation. On peut y voir une référence au tableau de Pieter Bruegel intitulé La Chute d'Icare ; on peut aussi sentir une influence des Sand paintings des Indiens Navajos ou des Mandalas Tibétain. Le texte de George Bataille qui est imprimé sur les quatre panneaux sert ici de lien et introduit un autre niveau de perception à l'intérieur des espaces. Ce texte est un concentré d'informations, puisqu'en quelques lignes, Simone tombe en extase alors que Granero, le torero, meurt encorné.
Les images sont comme des repères du temps historique :
- Un nénuphar : fragilité, vanité, beauté éphémère suspendue entre ciel et eau, suprême subtilité de la nature.
- Une statue Grecque : pérennité de l'art, présence du corps féminin comme archétype, sensualité.
- Une vielle fenêtre : ruine, passage, ouverture, construction de l'homme/destruction du temps.
- La mise à mort du taureau : sacrifice rituel dans un espace clos et sacré, instant magique où l'homme s'approprie la vie de l'animal.
- Un ancien moulin à eau : nostalgie des petites communautés rurales autonomes, usage d'une énergie naturelle, harmonie, mais aussi début du machinisme...

Jean-Pierre Sergent, New York, 3 février 1998


PEINTURE = PROCESSUS RELIGIEUX

Transformation de l'objet en sujet, désacralisation du sujet pour en faire un objet.
Conscience des forces primaires : Vie, Mort, Sexualité, inconscient...
Conscience des forces secondaires : Beauté, Lyrisme, Poésie, angoisse.
Compressions temporelles, structurales, spatiales et spirituelles.
Ouverture et dialogue vers l'autre, semblable ou bestial.
Mise en scène de l'oeuvre faisant partie du processus de religiosité.
Transcendance de l'Ego, de la libido et de toutes les impulsions.
L'artiste est toujours au centre du processus construction/destruction.

Jean- Pierre Sergent, New York, janvier 1998


LE TEMPS SUSPENDU

La peinture est l’interrogation de l’instant, du temps immobile, l’acide qui ronge la moelle de notre mémoire écrasée, ouverte et béante. L’image est comme l’outil qui vrille, qui enfonce son symbole à l’intérieur du temps personnel.
Ce qui est arrêté est en fait devenir, l’instant se répète ad infinitum. L’eau, le regard, la mort, l’écriture, le feu… La métamorphose de l’image inerte en image magique. Le silence s’ouvre, psychopompe assoiffée de vie et de sang…
Jeux d’échanges, nous deviendrons ce que nous avons regardé.
Jean-Pierre Sergent New York, août 1997


LES ŒUVRES SUR PAPIER OU LES ANTI-PEINTURES

- "Mes dessins ne sont pas des dessins mais des documents, il faut les regarder et comprendre ce qu'il y a dedans... ", In Cahiers, Antonin Artaud.
- 'L'enchevêtrement signifie que les décorations existantes étaient négligeables au moment du tracé d'une nouvelle image." In Lascaux,Georges Bataille

Comme dans chaque phrase, il y a presque toujours sujet, verbe, complément, le langage artistique n'échappe pas à la règle : il est construit, structuré et perçut au travers de tous nos acquis et préjugés visuels, sociaux et culturels. Il est donc nécessaire de détruire et de malmener ces règles et ces structures afin de lui faire cracher l'essence même de son propre principe, sa "substantifique moelle" !

Les travaux sur papier sont inscrits dans le temps du travail de la peinture, ils sont issus des hasards et des rencontres d'images, de couleurs, de variations, de transparences, de révoltes, de violence, de poésies et de rêves. Ils sont parfois repris après plusieurs années de repos. Ils ne sont jamais finis et se métamorphosent sans fin sous l'oeil du regard attentif. Les images se superposent, s'accordent où s'annihilent dans des espaces chaotiques en vibration, au perpétuel devenir.

Ils existent intrinsèquement comme autant d'autoportraits, avec leur véritable présence physique, sensuelle, imaginative, macabre.

Ils me surprennent souvent à cause de leur outrageuse liberté, un peu comme des esquisses qui dormiraient au tréfonds de soi et qui surgiraient spontanément, éphémères, après des hivers de larvation.

Espaces de jeux, compagnons de travail, compagnons de peinture, accompagnateurs de la vie, ils posent ici les traces et le support du voyage féerique et merveilleux de l'artiste.

Jean-Pierre Sergent, New York, 7 mai 1997


À PROPOS DES ŒUVRES SUR PLEXIGLAS : INTERPELLATIONS, NEW YORK, 1997

- RITES-TRANSES-MUTILATIONS-PASSAGES > voir les images # 79 > 86

- 1- Image d’une mise à mort dans une corrida, France :
Sacrifice sanglant et archaïque des hommes chasseurs.
Combat entre la vie et la mort
Violence
Croyance dans un transfert magique de vie et d’énergie

- 2 - Arbre aux branches coupées, Mexique :
Mutilation de la nature, emprisonnement
Attente de la mort
Rupture du cycle végétale : naissance-mort-renaissance

- 3 - Chien endormis, Mexique :
Inconscient, sommeil
Monde intérieur, rêve
Mémoire, profondeur.

- 4 - Scènes d’orgies, USA :
Éjaculation
Masque = dépersonnalisation sociale
Communication, angoisse
Extase, transe.

- 5 - Révolutionnaire Zappatiste Mexicain 1914 :
Passé qui redeviens présent
Combat pour la vie et la survie d’une culture paysanne face à la globalisation technique et industrielle

- 6 "CALL AND FUCK ME" ! USA :
Présent virtuel
Information, publicité, stérilité

7 - Scène de la veillée d’un mort, Crimée :
Rituel de passage, vie mort différenciant l’homme de l’animal, conscience, culture
Rituel en voie de disparition, faute de temps et de culture, dans nos sociétés industrialisées
Présence de l’interdit (recouvrement)
Peur, angoisse, discontinuité.

- 8 - Image pornographique de Sodomie :
Plaisir
Violence
Tabou, interdit

Jean-Pierre Sergent, New York, mai 1997


À PROPOS DE L'EXPOSITION AU CONSULAT FRANÇAIS DE NEW YORK

“L’Art est la chose la plus obligatoire, avec la spiritualité. Un homme ne peut pas vivre tout seul.” Malraux, Le Miroir des Limbes.

L’idée de montrer  mon travail au consulat Français de New York est assez excitante, il est toujours intéressant de voir les peintures vivre dans des endroits autre que ceux habituellement consacrés à l’Art. Je tiens donc à remercier le Consul de France Monsieur Patrick Gautrat pour son enthousiasme à vouloir présenter dans ses locaux, le travail des artistes Français. L’accès aux espaces d’expositions New Yorkais étant si compétitif qu’il nous est pratiquement impossible  d’y exposer. Il est donc intéressant que des espaces “alternatifs” soient disponibles afin de familiariser le public au travail de nos compatriotes. Souhaitons donc longue vie à cette initiative de présenter dans ce lieu privilégié, ce "petit bout de France", l’art des artistes qui ont choisit de vivre ici.

Jean-Pierre Sergent, New York, avril 1997


TIME IS TIME

Projet d'exposition dans le district de Wall Street, New York, 1997

- "Ce sont encore les Egyptiens qui ont les premiers, émis l'idée que I'âme humaine est immortelle, qu'elle entre, lorsque Ie corps a péri, dans un autre être animé qui naît a son tour, et qu'après avoir passé par toutes les formes qui peuplent la terre, la mer et I'air, elle pénètre de nouveau dans un corps humain à 'Instant de sa naissance; cette migration, disent-ils, demande trois mille ans." Herodote, livre II

L'idée du projet pour I'exposition dans Ie district financier de New York est de renverser les valeurs environnantes. Autrement dit, dans un lieu qui est Ie centre économique du monde, avec sa puissance, sa laideur, sa démesure, sa fausse sacralité, son apparence monstrueuse et impressionnante; créer un espace clos, intime, sacré, saturé de spiritualité et qui serait en rapport avec I'idée de la métempsycose des anciens Egyptiens. Pour qui Ie monde était rempli de symboles, de Dieux, d'éternité, de poésie, de beauté, de vie et de rêves.

Je créerai un travail spécifique qui montrera que tout est relié: l'Histoire, la Nature, les Végétaux, les Animaux, les Symboles, la Sexualité, les Astres, l'Art, les Religions, la Littérature, l'Homme avec son inconscient et ses expériences personnelles. En fait, ce que j'appelle la globalité ou la continuité dans Ie temps.

Je veux prendre Ie contre-pied d'un empire qui dissocie pour mieux régner et qui isole pour perdurer.

Jean-Pierre Sergent, New York, 27 mars 1997


SOUS LE SIGNE DE ZORRO

Texte pour l'exposition à la galerie Vivas Paris

Un, deux, trois, nous irons au bois...

Réminiscence, enfance, soulagement
Cracher de la merde à la place des mots (texte de Sade).
Illusion abrupte et circulaire de la mémoire, là où je me perds - dualité.

Espace Temps - Espace Temps - Espace Temps - Espace Temps - Espace Temps...
Temps Espace - Ton espace, le souvenir brûlant des chattes de femme que tu n'as pas baisées, Vagina dentata.

Le cercle, l'ADN, la souffrance, la solitude, la jouissance, la vomissure...

Une femme qui se Socratise en te regardant.
La fraternité des animaux, leurs regards inquisiteurs au tréfonds de notre inconscient - oublier la conscience -.

Rouge, jaune, bleu - comme un, deux, trois -.
Noir, blanc - comme vie et mort -.
Le corps n'est-il que vide, chimie et électricité ?

Quelque chose qui commencerait toujours et ne s'arrêterait jamais, et qui s'appellerait LA VIE.

Jean-Pierre Sergent, New-York, 26 février 1997


DU CERCLE AU CARRÉ

- L'art comme l'architecture est une violation de I'espace naturel.

La plupart des habitations des peuples nomades sont construites à partir du cercle : de L'igloo Esquimaux à la yourte Mongole, des tipis des Indiens d'Amérique du Nord à la hutte des Pygmées d'Afrique etc.

En cette fin de siècle, nous assistons a la fin du processus de sédentarisation qui a commencer près de 10 000 ans av. J-C. et qui s'est maintenant étendu à toute la surface de la terre. Nous assistons à I'agonie de ces peuples chasseurs et cueilleurs en les convertissant non plus en agriculteurs mais en des sortes de zombies, incapables de survivre dans I'agitation économique des marchés financiers et des trusts internationaux qui voudraient transformer Ie monde entier en "squares heads", et en consommateur de Hamburgers et de Coca cola. Nous détruisons leurs territoires en surexploitant leurs ressources : minières, forestières et animalières. Plus grave, encore, nous détruisons encore aujourd'hui leurs cultures en leur imposant d'adopter nos religions et d'accueillir des hordes de touristes...

Ces territoires nomades sont aussi les zones de migrations des grands cétacés, des saumons, du Faucon Pèlerin, des Rennes de Sibérie, des Bisons et des Hirondelles...

- "Papa, je te souhaite une bonne santé, et nous nomadiserons toujours dans de nouveaux endroit, et nos rennes ne mourront jamais." Chant populaire Sibérien

Jean-Pierre Sergent, New York, 3 septembre 1996


DU CERCLE AU CARRÉ, PROJET TERRITOIRES NOMADES

Projet d'exposition a Art in Général, New York , Septembre 1998

- 1, Tracer plusieurs cercles de 2,50 m de diamètre au centre vertical d'un mur recouvert de cartes.

- 2, Brûler les cartes au moyen d'un chalumeaux à l'Intérieur de ce cercle.

- 3, Agencer sur Ie mur au moyen de velcro double face les différentes unités composées chacune de 37 plaques de Plexiglas dont vingt et une de format 35 x 35 cm, et seize de format 35 x 17,5 cm., pour ainsi former des espaces inclus dans les cercles (voir croquis # 101-103).

Jean-Pierre Sergent, New York, 3 septembre 1996.


LE CORPS, LA TRACE, LA MÉMOIRE

Texte pour l'exposition de groupe co-curated avec Stefan Becker à la Eight Floor Gallery, New York, janvier 1996.

- "La mission de l'homme sur la terre est de se souvenir..." Henry Miller, Remember to Remember

II y a dans notre memoire collective des informations datant des origines de I*homme, une de ces premières information a été la manifestation artistique, et depuis lors, les artistes n'ont cesser d'être fasciné par le reflet de leur image au travers  de  leurs pratiques  artistiques. C'est  cette fascination que nous essayerons de montrer encore présente et peut-être même plus puissante aujourd'hui, car le corps semble rester le seul refuge tangible de la vie.
Avec la chute des pratiques religieuses, la fin du rapport cosmique au monde réel, l'industrialisation outrancière de chaque espace naturel et culturel, le corps semble apparaître comme le seul espace ou l'homme puisse encore se reconnaître et exister:
Réalité ou virtualité...?
L'homme contemporain reste emprisonne entre cette désacralisation des espaces ou il avait l'habitude de s'identifier et les nouvelles technologies qui le projettent dans d'autres espaces virtuels, infinis mais stériles. Dans l'infiniment petit de son corps, l'homme voyage à l'intérieur de lui même comme si il refusait de nous communiquer autre
chose que son propre reflet :
Fascination ou narcissisme...?
Le monde extérieur existe t'il encore ? L'autre, le semblable est il encore présent?

Jean-Pierre Sergent, New-York, janvier 1996


LA RONDE DES IMAGES DISCONTINUES

C'est l'été dernier, à la faveur d'un voyage en France, que j'ai rencontré la pensée de Georges Bataille, et plus particulièrement L'Erotisme . Bataille y évoque la discontinuité de l'être, la fatalité de l'homme en quête perpétuelle de l'unicité primordiale, seulement accessible avec la mort, ou lors de transes rituelles, chamaniques ou érotiques. Cette idée a éclairé le contenu de mon propre travail qui repose sur l'assemblage de plaques de Plexiglas, d'images d'êtres ou de choses fragmentaires, organisées en un format carré, puis sur un mur, afin de former une oeuvre continue et pleine. La continuité spatio-temporelle ainsi restituée entraîne le spectateur vers des espaces nouveaux et non linéaires.

Par ailleurs, ma recherche s'articule également autour d'une interrogation sur la possibilité de vivre aujourd'hui dans une société totalement désacralisée. Ce qui m'amène tout naturellement à utiliser des images taboues, interdites, violentes, sacrées ou érotiques, bannies de certaines sociétés et à certaines époques, tolérées, voire largement diffusées, en d'autres lieux et d'autres temps, afin de retrouver l'Anima Mundi humaine universelle.

Plus je réfléchis à ce que doit être la démarche artistique, plus je pense qu'elle doit s'approcher au plus près des domaines de l'intime, de l'inconscient, du réel et peut-être du sacré : "Toute création implique surabondance de réalité, autrement dit, irruption du sacré dans le monde", Mircéa Eliade.

Jean-Pierre Sergent, New York, 13 février 1995


À PROPOS DES ASSEMBLAGES DE PLEXIGLAS

Mon travail est un travail expressionniste se référant au domaine de l'imaginaire et de l'inconscient. C'est un travail d'assemblage dissociatif d'images rencontrées. L'assemblage des images se fait volontairement et consciemment. Mon imagerie est de l'ordre du réel, de l'histoire, de l'art est du vécu. J'assemble des feuilles de Plexiglas de même format (17,5 x 35 cm et 35 x 35 cm), serigraphiées et peintes au verso, nivelant et unifiant ainsi la surface frontale et les rapports de valeur entre les différentes images. Ces assemblages me permettent aisément de compresser ou d'exploser le rapport espace-temps et d'accentuer ainsi l'importance du lien qui réunit ces éléments dissemblables et anachroniques.

Je ne cherche pas les images, ce sont elles qui viennent à moi m'interpellant, m'attirant ou me repoussant de par leur présence, leur étrangeté, leur pouvoir, leur magie, leur agressivité, leur cruauté, leur ridicule, leur violence, leur sensualité, leur érotisme, leur ambiguïté, leur mouvement, leur fixité, leur pertinence, leur innocence ou beauté.

Ce mélange créer un espace, qui tout en gardant une structure rationnelle et quantitative, déstructure la pensée rationnelle du spectateur.

Jean-Pierre Sergent, New York, 7 may 1994


DANS L'ATELIER DE DUMBO

L'individu n'a pas d'importance intrinsèque.
L'important ce sont les relations de l'individu avec ses semblables.
Mépris, haine, pitié, indifférence, amour, respect, amitié, conscience du poids et de la présence de l'autre...
Personne ne se suffit à lui-même.
Pourquoi les hommes ne peuvent-ils plus communiquer ?
L'art est-il un espace pour réinventer un moyen de communiquer ?
Pourquoi la richesse éloigne-t'elle l'homme de son coeur ?
Y a-t'il jamais eu de sentiments ?
Cette histoire d'Adan et Eve, c'est peut être ça qu'il faut inventer, il faut réinventer le sentiment, réaffirmer l'émotion.
Y a-t'il jamais eu de sentiments ?

Jean-Pierre Sergent, New York, 16 janvier 1994