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Jean-Pierre Sergent

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Discussion I avec Marie-Madeleine Varet - Œuvres de 1984-1993

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Discours, interrogations et discussions autour d'une cinquantaine d'œuvres clefs de Jean-Pierre Sergent, artiste, avec Marie-Madeleine Varet, philosophe.

 

Avant propos : ces échanges écrits avec Marie-Madeleine Varet sont un événement rare et important dans la vie d'un artiste. Métaphoriquement, c'est un peu comme si un violon Stradivarius avait trouvé un musicien surdoué qui puisse en jouer de manière sublime, ou à l'inverse, un musicien trouvant un violon ! Il ne sert à rien de donner un Stradivarius à un enfant ou à un musicien, à moins qu'il n'ait du génie. Or, il se trouve que Marie-Madeleine possède ce génie-là de comprendre les vibrations jaillissantes et surgissantes de mes peintures et nos pensés entrent donc en résonance parfaite à propos de ce travail, comme le musicien avec le violon ! Ces résonances sont fortes, puissantes, énergétiques, essentielles et même quintescentielles ; non seulement pour moi, l'artiste, le créateur, le démiurge, mais également pour le public, qui grâce à ces écrits, pourra se déniaiser et entre-apercevoir ainsi le centre de la Terre, la base immergée de l'Iceberg ou le sommet de l'Himalaya : ces lieux sacrés, interdits, mystérieux et solitaires, de la Création...!

NB : Ces écrits sont un travail en cours de construction et certaines pages, dont les dernières (# 3,4,5), seront actualisées au fur et à mesure de l'ajout des commentaires de Marie-Madeleine et de moi-même.

STRUCTURES-PEINTURES-ASSEMBLAGES


Depuis toujours je suis fasciné par la structure même de la peinture, son organisation corporelle, son architecture intrinsèque. Je pense que la peinture doit se construire comme un corps organique, physique, avec ses différents membres élémentaires et ses ossatures de types : torse, bras, jambes, tête (centre)  etc... Structure supportant ainsi les différents composants conceptuels et symboliques du langage artistique qui ont chacun leur valeur propre : textures, couleurs, images, textes...
Lors de cette discussion avec Marie-Madeleine, on verra comment ont évolué ces structures-peintures-
assemblages, ainsi que l'apparition, durant le développement du working process, de nombreux nouveaux concepts, des conflits dualistes récurrents et des interrogations permanentes de l'artiste, en particulier :
- Le va-et-vient incessant entre l'abstraction et la figuration, l'opposition des surfaces lisses (glacis) aux surfaces surchargées de matière (impasto), du monochrome à la figuration, de l'image au texte... Ou encore de la surabondance iconographique face à la pensée et à la présence du vide métaphysique, la matière organique vivante, bouillonnante et mortelle versus les patterns géométriques répétitifs rationnels et intemporels...
- L'apparition d'iconographies surgissantes de nombreuse cultures ancestrales et traditionnelles : amérindiennes, hindoues, japonaises, mais également de l'actualité contemporaine...
- La surérotisation du discours artistique avec l'emploi systématique, itératif et presque obsessif, d'images et de textes érotiques et obscènes, principalement issus des mangas populaires japonais.
- La mise en place d'une œuvre de plus en plus physique, corporelle, monumentale... ainsi qu'une réflexion constante sur le sacré et le lieu de sa révélation : La Peinture...?

TRAVAUX DE FRANCE 1984-1991


Le centre et l'autour

jean-pierre sergent, - Le centre et l'autour Peinture à l'huile et plâtre & sciure sur panneau de bois, 1987, 1.30 x 1.30 x 0.07 m

Le centre et l'autour, peinture à l'huile et plâtre & sciure sur panneau de bois, 1987, 1.30 x 1.30 x 0.07 m

- JPS : Transformer le carré statique (réel) en cercle dynamique (illusion) avec un tour giratoire encerclant la masse centrale. Créer une présence à la foi fixe, axiale  (Axis mundi) et une ceinture colorée protégeant et définissant l'espace sacré. Dualités entre une peinture brillante et une peinture mate, matière lisse et matière épaisse, monde sacré et monde profane, espace intime et espace social, monde des vivants et monde des morts etc... Étonnamment, cette peinture de 1997 était une prémonition formelle de la structure que j'utilise actuellement avec mes peintures sur Plexiglas dont les parties centrales sont des carrés de 1.05 x 1.05 m, qui sont entourés de 14 panneaux de Plexiglas colorés, formant ainsi une dimension totale de 1.40 x 1.40 m...

- MMV : « Il y a des tableaux assassins. Je veux dire que, sans primauté visible, ils tuent ceux qui les environnent. De même, il existe des objets dont la puissance ne résulte pas de la seule beauté, mais des ondes qu’ils dégagent et qui leur assignent une place particulière d’objets-témoins. » Jean Cocteau

Sacralisation de l’espace pictural : l’affirmation explose dès cette œuvre de jeunesse, où la nervosité angulaire du cadre sombre (l’autour) endigue la fluidité immatérielle de la masse centrale, l’ouvrant ainsi à sa lumière intérieure. La matérialité géométrique de ce cadre physique semble s’inscrire comme marqueur des métadonnées métaphysiques du noyau central ainsi mis en exergue.
L’axe énergétique ne s’oppose pas à l’axe matériologique.
La clôture qui enserre l’espace sacré compte parmi les plus anciennes structures architectoniques connues des sanctuaires. Paradigmatiques, les grands travaux “encadrés” sur Plexiglas enserrent eux-mêmes puissamment l’espace sacré de leurs représentations. Pour autant, cette “fermeture” du cadre n’est en rien “carcérale”, opaque, imperméable … mais invite au contraire à une traversée du miroir, l’accès au Jardin des Délices ! Cet espace devient ainsi un espace de passage, de transversalité transgressive.
Le thème du damier, utilisé systématiquement par JPS comme marqueur symbolique de cette ceinture entre monde sacré et monde profane, Cosmos versus Chaos, serait-il à son tour l’expression-traduction d’une pensée sur la dualité ? Positif/Négatif; Masculin/Féminin; Bien/Mal; Pair/Impair … Chaque partie n’existe que si l’autre existe. Chacune est indissociable de l’autre. Le noir  et le blanc représentent les polarités masculine et féminine, les forces positives et négatives, l’obscurité et la lumière, le sang et le sperme, le zéro et le un, le vagin et le pénis, le calice et l’épée. Le motif alternant le noir et le blanc incite l’esprit à se souvenir des lois cosmiques et spirituelles supérieures qui permettent de travailler avec l’énergie.
Le langage formel est un splendide et redoutable instrument pour l’artiste-thaumaturge et le créateur est aussi un outil pour la langue qui par lui respire, vit, et change.
[Cf. René Guénon, Symboles fondamentaux de la science sacrée. Le blanc et le noir ou l’union des contraires. Gallimard]

Silence


Jean-Pierre sergent - Silence, triptyque, peinture à l'huile sur panneau de bois, 1987, 1.30 x 0.70 x 0.07 m
Silence, triptyque, peinture à l'huile sur panneau de bois, 1987, 1.30 x 0.70 x 0.07 m

- JPS : Deux panneaux peints en noir brillant avec des traces de pinceaux horizontales, qui sont juxtaposés avec en leur centre, une surface peinte d'un glacis bleu profond et transparent. Les larges tranches des panneaux sont peintes en jaune, montrant comme la lumière intérieure émanant de la peinture... La mer et l'éternité...

- MMV : Est-il seulement imaginable, sur le papier posé dans la pente, de donner son signe au silence nu et sans appel ?
Dans la Trinité originelle du temps, ce triptyque  parle-t-il de trajectoires qui coïncident et de destins qui se mélangent ? L’ensemble de l’œuvre constitue un tout indissociable, et par l’unité de la facture, et par la façon calculée dont se répondent d’un volet à l’autre et s’équilibrent les différentes formes et les différentes couleurs.
Verticalité en mode majeur. Horizontalité des touches de peinture, comme un élan du pinceau vers des “croisements” fertiles, des ébauches/débauches axiales. Contraste des matières et des couleurs, densité sombre des deux panneaux-tuteurs protégeant le jeune tronc, cœur de la représentation, fragilité du glacis transparent / force de le flamme dorée qui embrase le silence, lacère sa profondeur. La mer redressée, entraînant avec elle son horizon chaviré  …
Ombilic : bleu profond moutonné d’or des eaux de l’espace avant le premier jour.

Les Colonnes

Jean-Pierre Sergent- Les Colonnes, quadripthyque, peinture acrylique sur panneau d'isorel, 1990, 2 x 0.50 m
Les Colonnes, quadripthyque, peinture acrylique sur panneau d'isorel, 1990, 2 x 0.50 m

- JPS : la série des Colonnes, commencée en France en 1990, rassemble des œuvres polyptyques composées de quatre ou cinq panneaux carrés accrochés sur le mur et formant un axe vertical de deux mètres de hauteur. Ces panneaux sont peints à même le sol et représentent, comme souvent dans mon travail, une confrontation entre le core (le cœur, ou l'âme) de l'individu confronté à son entourage et son environnement. Ce sont des représentations exactes de l'axis mundi, qui sont des lieux de passage et d'élévation spirituels. On peut également interpréter littéralement ces Colonnes comme des représentations de l'acte sexuel avec le phallus central et la vulve féminine l'enveloppant... Matière-Lumière...!

- MMV : La Colonne Totem.
L’origine du totémisme, la transmigration des âmes, la notion d’esprit tutélaire d’un ancêtre, la transformation de l’âme humaine en animal …
Omniprésence d’une approche méta-mythologique dans l’œuvre de JPS. Représentations animistes de l’âme. Première des trois grands systèmes intellectuels de l’humanité, la conception animiste (mythologique). Ce système est sans doute le plus logique et le plus complet, celui qui explique l’essence du monde sans rien laisser dans l’ombre. L’homme y occupe une place importante, utilisant la magie, mais il a déjà cédé une partie de ses prérogatives aux esprits.
En contrepoint :
Deux installations monumentales permanentes à Paris :
* Les Colonnes de Buren. Référence au Mexique.
Et c’est bien le calendrier religieux Tzoltin que l’œuvre de Buren a subtilement intégré au cœur de Paris, tout en permettant aux initiés d’y reconnaitre la place des mille colonnes de la cité Maya de Chichen Itza, dans le respect de la topographie des lieux.
Calendrier Maya :
260 cylindres parfaitement alignés en 13 lignes de 20 colonnes conformément aux 13 mois composés de 20 jours chacun d’un calendrier Tzoltin.

 

Les Colonnes de Buren

Les Colonnes de Buren, Palais Royal, Paris

* Érection de la Pyramide de Peï, Carousel du Louvre. Référence à l’Égypte pharaonique.
Il est possible de faire des liens avec les pyramides égyptiennes, de par la forme choisie. La pyramide est composée de 603 losanges et 70 triangles en verre. Les proportions de la Pyramide sont très proches de celles de la grande Pyramide de Gizeh. Sa fonction est ici de représenter l’entrée principale du musée du Louvre.

 

Pyramide de Pei, louvre

Pyramide de Pei, Louvre, Paris

Comment ne pas penser au seuil sacré de l’antichambre donnant accès à la sépulture de la Reine Néfertari ?
Splendeur et majesté. La mort transfigurée …


Le cartouche portant le nom de Néfertari, "la Belle d'entre les Belles".

Le cartouche portant le nom de Néfertari, "la Belle d'entre les Belles".

"[...] Descends, mère Nout, étends-toi sur mon corps afin que tu puisses me placer entre les étoiles éternelles qui sont en toi, et que je ne meure pas [...]"

B & A

 

Jean-Pierre Sergent - B & A, Peinture acrylique & journaux sur panneau de bois , 1991, 1.14 x 1.46 m

B & A, peinture acrylique & journaux sur panneau de bois , 1991, 1.14 x 1.46 m

- JPS : A, Rouge désir masculin, B, Jaune désir féminin, deux entités qui se rencontrent et fusionnent... Il me semblait essentiel de rajouter lors du processus du peindre, des éléments extérieurs à l'art, ces extraits de journaux choisis, provoquent une rupture de lecture et m'ont permis de sortir d'une pensée esthétique bien trop pauvre et contraignante.

- MMV :

« Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir,
Bouche qui fait lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémit aux caresses ferventes du Vent d’Est ». Wlliam Butler Yeats

Inversion des majuscules. Lettres capitales basculées / bousculées dans le désordre du Désir. Courbes sensuelles du B féminin qui succombe, renversé dans l’extase jaune solaire où s’inscrit déjà le mélange des sangs. Tandis que le A mâle dresse sa dextre angulaire sur le cercle chromatique, point cardinal Sud du rouge Feu – sang, muscles, bouche, passion, érotisme.  La double hachure (double slash) comme représentation d’une double liaison : des fragments de message s’y dessinent, cryptés. Présence-absence du discours amoureux …

TRAVAUX DE MONTRÉAL 1991-1993

The Heaven's Doors

 

Jean-Pierre Sergent - Heaven's Doors -1,2,3,4, quadriptyque, peinture acrylique, billes de verre & journaux sur toile, 1992, 2.79 x 2.24 mJean-pierre Sergent, Croquis pour Doors to heaven, 1991
1, Heaven's Doors 1,2,3,4., quadriptyque, peinture acrylique, billes de verre & journaux sur toile, 1992, 2.79 x 2.24 m
2, Croquis pour Heaven doors, crayons de couleur sur papier Canson, 36 x 28 cm

- JPS : Au centre, le monde intérieur nodal et mystique, ces deux grandes surfaces noires réfléchissantes, sont confrontées avec le monde extérieur et l'actualité, représentés ici par des coupures de presse collées sur les bords bleus extérieurs du tableau. Cette série des Heaven's doors illustre l'idée de Jung, développée dans son livre L’Homme et ses symboles, dans lequel il parle de son idée de l'achèvement de l'animus au travers de ces quatre stades évolutifs successifs... 1, 2, 3, 4.

- MMV : Renaissance. Les Portes du Paradis de Ghiberti, à Florence

Les Portes du Paradis de Ghiberti, à Florence, Italie

Les Portes du Paradis de Ghiberti, Florence, Italie

On retrouve ici l’expérience originelle qui se cache derrière ce symbole de la Porte, la rencontre de l’individu avec son propre dieu ou daïmon. Symbole aussi de l’unification de la matière spirituellement vivante et physiquement mortelle.
Le moi conscient et le domaine de l’inconscient paraissent offrir une structure quaternaire analogue à celle qui s’affirme dans le quadriptyque de JPS : ils se présentent l’un par rapport à l’autre dans une relation de projection et de symétrie où ils se reflètent l’un l’autre.
Dans cette dialectique du Moi et de l’inconscient, la réconciliation des contraires est le principe qui va gouverner chacune des quatre étapes du processus d’individuation, étapes marquées par la rencontre du Moi avec les quatre grands archétypes que sont – l’Ombre, – l’Archétype Sexuel (Anima-Animus), – l’Archétype Lumière, – le Soi.
À “l’entour”, prosaïque, brutale, inéluctable, la Presse …
Tyrannie des Newspapers …

 

 

Jean-Pierre Sergent, Les portes vers ailleurs -1,2,3,4, quadriptyque, peinture acrylique, billes de verre & journaux sur toile, 1992, 2.79 x 2.24 mFausse porte de la tombe de de Shendwa, Saquarra Egypte

1, Les portes vers ailleurs -1,2,3,4, quadriptyque, peinture acrylique, billes de verre & journaux sur toile, 1992, 2.79 x 2.24 m
2, Fausse porte de la tombe de de Shendwa, Saquarra Egypte

- JPS : Pour revenir sur le sujet des Portes, je me rappelle qu'à cette période, après mon voyage en Égypte en 1981, j'étais toujours  très impressionné par les fausses portes systématiquement sculptées dans tous les mastabas et tombeaux égyptiens, conjointement avec l'inscription de passages du Livre des morts. Ce qui ultimement définit l'Homme, plus que toutes ces avancées techniques aussi formidables soient-elles, c'est vraiment sa capacité, sa volonté et sa puissance d'imagination pour créer des systèmes philosophiques et métaphysiques d'une cohérence incontournable ! Pensons que pendant plusieurs millénaires, ces portes représentaient vraiment  matériellement, pour ces égyptiens, le lieu du passage d'entre les vivants et les morts, le lieu de la métamorphose et de la transcendance ! C'est une métaphore magnifique et parfaite du rôle exact et sublime de l'art : être le lieu du passage vers l'ailleurs...

The Columns

- The Columns, triptyque, peinture acrylique, journaux & fibre de verre sur Plexiglas, 1992, 2.79 x 2.24 m

The Columns, triptyque, peinture acrylique, journaux & fibre de verre sur Plexiglas, 1992, 2.79 x 2.24 m

- JPS : Dernière œuvre de la série des colonnes commencée en France en 1990. Apex de la peinture abstraire traditionnelle, jaune, rouge, bleu. 3 colonnes formant un carré parfait !

- MMV : Avec la série des « Columns » apparaît la scansion verticale de l’espace, ainsi que la radicalité d’un geste qui opère un saut qualitatif. La répétition du motif – une triple colonne, chacune affirmant violemment son identité radicale par une couleur primaire selon l’unité retenue par l’œil – engendre une sensation constante de rythme changeant. La rupture subite opérée par un élément tronqué simule un mouvement vertical sans fin, où la coupure, l’absence, figurent la continuité. Si l’abstraction rationnelle “absout” du phantasme les concepts, autre est la fonction de l’intelligence. Loin de séparer quoi que ce soit du phantasme, celle-ci se définit, en tant qu’ abstraite, par un mouvement de “passage à” (transire ad) une connaissance supérieure. “Abstrait” est-il donc en ce sens un concept mystique ?


- JPS
: Oui, on peut dire que l'abstraction permet de représenter, pour certains grands artistes appartenant à des religions iconoclastes, comme Paul Klee, Wassily Kandinsky etc.. ce qui ne peut être représenté, ce qui ne peut être nommé, ce qui ne peut être décrit, en d'autres termes la présence du divin ! À voir l'explosion incroyable de toute la scène new yorkaise des  "expressionnistes abstraits" américains : de Mark Rothko à Barnett Newman, tous deux étant de confession juive, religion qui ne permettait pas contrairement au christianisme, à l'hindouisme ou aux cultures tribales traditionnelles de représentations divines.A lire à ce propos les belles phrases suivantes :

"Shiva en tant que principe causal non divisible est vénéré dans le linga. Ses aspects plus manifestés sont représentés par des images anthropomorphiques. Tous les autres dieux font partie d'une multiplicité et sont représentés par des images."
"Le soleil est considéré comme le Progéniteur des mondes, c'est pourquoi son symbole est l'organe de la procréation". In Mythes et dieux de l'Inde, Alain Daniélou

Live!

Jean-Pierre Sergent - Live, peinture acrylique & sérigraphie sur bande de cuivre collée sur toile, 1992, 2.79 x 2.24 m
Live!, peinture acrylique & sérigraphie sur bande de cuivre collée sur toile, 1992, 2.79 x 2.24 m

- JPS : Incantation à vivre ! À se détourner de la mort, à ne pas se laisser mourir ! Liberté de la toile non montée sur châssis, le cuivre agissant comme un élément magique et de pouvoir chamanique comme chez les indiens Tlingits d'Alaska ou dans le travail de Joseph Beuys...

- MMV : Trois lignes ne font pas un haïku. Il y faut une épiphanie pour qu’il jaillisse. Dimension universelle du message délivré / délivrant de cette “Œuvre au Noir” alchimique, quête spirituelle plongeant ses racines dans notre subconscient, les profondeurs de notre psyché, pour rencontrer ce que Jung appelle “nos ombres”. C’est  la première des trois phases dont l'accomplissement est nécessaire pour achever le Magnum Opus, si puissamment inscrit dans la démarche de l’artiste. Inéluctable tropisme.

Dernière abstraction

Jean-Pierre sergent - Dernière abstraction, quadriptyque, peinture acrylique, journaux & objets sur toile, 1992, 2.76 x 2.76 m

Dernière abstraction
, quadriptyque, peinture acrylique, journaux & objets sur toile, 1992, 2.76 x 2.76 m

- JPS : J'ai réalisé cette peinture après avoir travaillé sur une longue série de peintures abstraites et ce tableau monumental en est l'apogée ! Après l'avoir terminé et avoir travaillé tous les jours et cela pendant de nombreux mois depuis mon arrivée à Montréal, j'ai pris quinze jour de repos, me promenant dans Montréal, rencontrant des amis et m'asseyant parfois devant cette peinture... Un jour j'ai décidé de changer de direction et de me mettre à réutiliser des images de manière plus évidente, car j'aurais pu réaliser de nombreuse variations sur ce même thème, et ça n'aurait eu finalement pas grand intérêt !
- MMV : Hommage de l’artiste au Nouveau Monde ! Ce quadriptyque monumental en point d’orgue à la période abstraite de JPS. Toute image est déjà une abstraction de la réalité. Elle simplifie, elle met en évidence les éléments importants. Autonomie de la forme qui, reconnue indépendante, se libère du contenu, devient elle-même son propre contenu.
Comment ne pas évoquer Worringer et l’ “Abstraktion und Einfühlung" (Abstraction et sympathie symbolique) ?
L’art conçu comme une histoire de la volonté de faire et non plus comme une histoire du pouvoir faire. L’intraduisible terme Einfühlung exprime un état où le sentiment lie l’être humain au monde qui l’entoure. L’Einfühlung, trait d’union entre le dedans et le dehors, oriente le moi vers une forme extérieure qui le reflète. C’est peut-être en cette faculté d’être un avec le réel que réside le pouvoir créateur en acte dans cette œuvre, où la couleur est elle-même une donnée abstraite séparée du ton local (donc de la réalité) pour être livrée à la spéculation. La couleur se libère de la représentation et apparaît chez JPS comme une valeur en elle-même. La forme se consolide, se dresse contre l’éphémère. Elle n’est plus l’image de l’instant multipliable à l’infini. Elle est l’invariable que le peintre fixe sous le variable. La peinture remonte alors de l’accidentel à l’absolu, du concret à l’abstrait, de l’objet à la géométrie de l’objet.

History of chaos & Welcome to reality

 

Jean-pierre Sergent - History of Chaos, quadriptyque, peinture acrylique & paint-stick, journaux, Plexiglas, sérigraphies & objets sur toile, 1992, 2.76 x 2.76 mJean-PIerre Sergent, Welcome to reality, quadriptyque, peinture acrylique & paint-stick, journaux, Plexiglas, sérigraphies & objets sur toile, 1992, 2.76 x 2.76 m
1, History of chaos - 2, Welcome to reality, quadriptyques, peinture acrylique & paint-stick, journaux, Plexiglas, sérigraphies & objets sur toile, 1992, 2.76 x 2.76 m



Jean-Pierre Sergent, détail Welcome to reality, quadriptyque, peinture acrylique & paint-stick, journaux, Plexiglas, sérigraphies & objets sur toile, 1992http://www.j-psergent.com/phototheque/p.php?a=RXN7b2djZXQpR2RsZyk4Omw4ISlje20uPz4lNjoiKyMiIi0jJjImKDonNyMoNDsuOjo3JT4mNzc=&m=1351638069

Détails de Welcome to reality, peinture acrylique & paint-stick, journaux, Plexiglas, sérigraphies & objets sur toile, 1992

 

- JPS : Libération ! En art on veut toujours trop bien faire pour ne pas décevoir ou ne pas copier ses pairs ! Peindre ces deux premières grandes peintures jubilatoires où les images apparaissent clairement dans un vortex d'énergie, fut un moment de grande joie, de satisfaction, d'achèvement et de plénitude. Je sortais enfin de tous les carcans, de tous les dogmes de la pensée française qui m'oppressaient vraiment de manière inconsciente, à savoir que forcément, l'abstraction était la voie la plus élevée, la plus importante à suivre, quand on souhaitait être peintre, dans les années 80. Aujourd'hui se serait plutôt la doxa de ne plus faire de peinture du tout et de faire des ready-made et des installations ! Pauvre pensée esthétique française !

- MMV : Premier éveil libératoire !

* Avec History of Chaos, JPS pose ainsi la question de la légitimité même du récit. Il revendique le fragment, duquel l’écriture doit naître ainsi que le hasard de la mémoire. En brisant la linéarité chronologique et en revendiquant le fragment dans l’acte de la narration picturale, l’artiste met en péril son sens. Cette “écriture fragmentaire” est en effet le risque même, dans la mesure où alors le sens est suspendu dans une impossibilité de l’interprétation. Rupture, brisure, morcellement, déchirement du déchiré dans chaque fragment … À l’intérieur de ce chaos apparent, JPS reconstruit un temps subjectif dans son récit qui tend à faire disparaître un temps objectif marqué par la linéarité.
Ainsi s’opère une rupture du schème sensori-moteur, pour reprendre l’analyse que fait Gille Deleuze sur le cinéma de l’après-guerre dans son ouvrage L’image-temps. Le temps est en perpétuel devenir, ce temps qui défait le cercle et l’allonge en permanence dans une corrélation entre la différence et la répétition. L’événement ne cesse d’advenir, réunissant de part et d’autre de la césure de l’Instant l’avant et l’après. Il n’y a pas de succession du temps parce que le temps passe en fonction d’une coexistence paradoxale du passé et du présent.

* Welcome to reality : hymne à la Joie ! Renaissance. Émancipation. Shiva dansant. Vortex d’énergie. Flux sanguin.

 

Shiva dansant

Kâlî, Shakti de Shiva, représente son aspect ou sa composante féminine, ainsi que son principe d’énergie. Elle est la mère de la vie, mais aussi de la mort.

La représentation s’impose, jaillissante dans sa dramaturgie, rideau pourpre du théâtre des sens, arène brûlée au soleil jaune, muleta rouge sang … Auto-portrait de l’artiste démiurge, chemise rouge sang. Le sang pulse. Il ne [se] trompe pas.
Vibration / réflexion / réverbération du Plexiglas où les courbes, les arcs, les flèches dessinent et désignent la féminité triomphante.

Fashion & Bisons

- Fashion & Bisons, peinture acrylique, filet de chantier, billes de verre &  sérigraphies sur aluminium sur toile, 1992, 0.91 x 1.38 m

Fashion & Bisons, peinture acrylique, filet de chantier, billes de verre &  sérigraphies sur aluminium sur toile, 1992, 0.91 x 1.38 m

- JPS : J'ai réalisé une vingtaine de peintures de ce format en utilisant des bandes de cuivre, d'aluminium, de plomb ou de zinc, sérigraphiées d'images et serties entre deux bandes de filets de chantiers en plastique collé avec une pâte de peinture acrylique épaisse et de couleur primaire. La matière est un mélange de billes de verre, d'impasto gel et de peinture acrylique. Ces peintures-objets ont une très belle présence physique...

- MMV : Objets-témoins par excellence.
Densité, épaisseur de la chair, de la matière innervée par le sens. De l’itération hypnotique des deux thèmes surimposés naît le rythme d’une danse rituelle : sacrificielle, sacrée, sexuelle … Corps-Accord. Corps à corps improbable et fascinant d’une attraction archaïque : la puissance et la grâce, l’animalité et le spirituel … la femme-bison de Sergent, archétype érotique, diffuse sa magie verte entre les mâchoires solaires des filets de chantier.

Suites aléatoires

Jean-Pierre Sergent, - Suites aléatoires, polyptyque, peinture acrylique & photocopies sur Plexiglas, 1992, 0.35 x 2.14 mSuites aléatoires, polyptyque, 12 peintures acrylique & photocopies sur Plexiglas, 1992, 0.35 x 2.14 m

- JPS : Premiers assemblages linéaires de travaux sur Plexiglas. Les images et les textes, choisis parmi de nombreuses coupures de presse, ont été photocopiés et agrandis, puis collés à l'arrière des panneaux de Plexiglas : Horus le faucon égyptien, un bébé qui crie, l'Odalisque d'Ingres etc...

- MMV : De l’Horizontalité ! Des suites récurrentes linéaires.
En mathématique, une suite infinie aléatoire est une suite de symboles d’un alphabet qui ne possède aucune structure, régularité, ou règle de prédiction identifiable.
Pi est-il un nombre aléatoire ? Irrationalité et transcendance de Pi. Télescopage des thèmes, époques, cultures. Anachronisme fécond où s’entrechoquent l’irrationnel et le transcendant, percussions d’un orchestre natif d’où jaillit le cri primal du nouveau-né … Horus, Dieu des espaces aériens …


Odalisque d'ingres

Grande Odalisque d'Ingres, 1814, Musée du Louvre, Paris
Image ©Yvo Jacquier


La Grande Odalisque et l’intelligence du Sacré, la géométrie sacrée qui porte en elle une force symbolique intemporelle et universelle, le Nombre d’Or …

Pourquoi ? Pourquoi pas …

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