NOTES BESANÇON 2021 - 2022
Les Notes sont des petits extraits de pensées, des citations d'auteurs lus, des témoignages d'expériences vécues ou des rêves et des transes initiatiques advenus durant mon cheminement artistique et spirituel.
NB : Les titres d'expositions sont écrits en caractères majuscule et les textes trouvés ou écrits en anglais sont présentés ici en anglais puis traduits parfois en dessous en français.
– LIVRE : LE TRÉSOR DES HUMBLES, MAURICE MAETERLINCK
Voici 2 citations qui me plaisent beaucoup et me font réfléchir à la façon dont le public appréhende, ou n’appréhende plus l’Art et mon travail en particulier ; et c’est sans doute par manque d’âme tout simplement ! (à lire le texte écrit à ce sujet : Au sujet de la disparition de l'âme aujourd'hui | après "Le trésor des humbles" livre de Maurice Maeterlinck)
Le réveil de l’âme
Ce que nous savons de l’Ancienne Egypte permet de supposer qu’elle traversa l’une de ces périodes spirituelles. A une époque très reculée de l’histoire de l’Inde, l’âme doit s’être approchée de la surface de la vie jusqu’à un point qu’elle n’atteignit jamais plus ; et les restes ou les souvenirs de sa présence presque immédiate y produisent encore aujourd’hui d’étranges phénomènes. Il y a bien d'autres moments du même genre où l’élément spirituel paraît lutter au fond de l’humanité comme un noyé qui se débat sous les eaux d’un grand fleuve. Rappelez-vous la Perse, par exemple, Alexandrie et les deux siècles mystiques du Moyen Age.
En revanche, il y a des siècles parfaits où l’intelligence et la beauté règnent très purement, mais où l'âme ne se montre point. Ainsi, elle est très loin de la Grèce et de Rome, du XVIIe et du XVIIIe siècle français. On ne sait pas pourquoi, mais quelque chose n’est pas là ; des communications secrètes sont coupées, et la beauté ferme les yeux. Il est bien difficile d’exprimer ceci par des mots et de dire pour quelles raisons l’atmosphère de divinité et de fatalité qui entoure les drames grecs ne semble pas l’atmosphère véritable de l’âme. […]
Il y a vraiment des siècles où l’âme se rendort et où personne s’en inquiète plus.
Art hindou : importance de la mise en image, de la mise en lumière et de l'illustration des combats vrais et essentiels de la vie ; de leurs violences crues et vivifiantes, ainsi que les forces incompressibles et incommensurables de cette vie, de la Nature, de la sexualité et des Dieux-Déesses tutélaires afin qu'ils puissent surgir, apparaître et guider notre inconscient. (iconographie encore un peu présente par bribes, au moyen âge européen.)
100% EROTICA
Objectifier, chosifier, réifier et dépersonnaliser outrageusement et complètement le corps de la femme afin qu'avec l'extase sexuelle, l'orgasme, le climax ; il puisse finalement réintégrer l'intangible, l'inatteignable, le transcendant, l'intemporel, l'indicible, le divin.
– ÉMISSIONS RADIO : ALEJANDRO JODOROWKSY, FRANCE CULTURE
Tout dans l'Art est devenu une affaire. Il faut distinguer les arts : par exemple, le cinéma est l'Art le plus populaire. C'est la plus prostituée des manifestations culturelles. On l'appelle même une industrie. Une industrie qui sert à nous amuser, pour passer le temps, pour rester tels que nous sommes, au même degré culturel confortable.
Les gens vont sortir de cette crise par la peur qu'ils en ont. Ils ont perdu le sens de la vie et n'ont aucune consolation, ni politique, ni religieuse, ni philosophique. Nous sommes dans une nudité totale où notre unique espoir, la science, fait peur. L'intelligence artificielle et la physique quantique changent notre perception du monde : nous ne savons plus où nous sommes nés.
L'art a toujours cherché à dépasser les limites. Mais aujourd'hui, nous ne nous exprimons pas. Esclaves absolus d'une économie qui nous assassine en ce qu'elle détruit la planète, nous sommes au bord d'une catastrophe climatique et de la perte absolue des valeurs humaines.
Le but de l'art actuel est le développement de la conscience et de la liberté. Être libre c'est connaître réellement et en finir avec les préjugés quels qu'ils soient. Nous nous sommes trompés : la politique, la religion, l'économie se sont trompées. Il nous faut être courageux et faire face à la catastrophe culturelle.
La vulgarité a gagné et la démocratie est en ruines, pourquoi ? Parce que le grand nombre a choisi des monstres et s'en plaint après. Mais c'est nous qui avons choisi cette catastrophe en donnant la parole à des immatures qui ne travaillent pas sur eux-mêmes.
L'Art doit se proposer de guérir l'humanité et pas seulement de s'amuser. Et puis, on s'amuse toujours plus en faisant ce qu'on est réellement. Affaire en cours, le 21 janvier 2021
La cathédrale Notre-Dame de Paris est un être, un film est un être, un tableau c'est un être et nous autres artistes, nous révélons l'être, c'est ça que je pense.
Je dis aux artistes : arrête de gagner ta vie avec ton art, gagne ta vie avec quelque chose et fait l'Art sans penser au fruit de l'œuvre, sans penser à devenir riche ou de vivre de ça, fait le ! Fait l'œuvre, ne te vends pas s'il te plaît ! Ping Pong, le 19 mars 2017
– ÉMISSIONS RADIO : À L’ORIGINE DE "L'ORIGINE DU MONDE" : MONTRER UN VRAI SEXE, UN ACTE POLITIQUE, FRANCE CULTURE, 25.01.2021
La grande ambition de Courbet telle qu’il l’a décrite, c’était de faire de 'l’art vivant'. Il s’agissait de peindre la société de son temps, avec les problématiques de son temps. D’être au plus près de la vie, finalement. Et qu’est-ce qu’il y a de plus près de la vie que la représentation d’un sexe de femme ? Il adore relever tous les défis, y compris celui de représenter le nu féminin par excellence, celui qu’on n’a jamais vu avant lui et qu’on ne verra plus jamais après. Isolde Pludermacher
Causa sui : cause ultime
Sans le désir, nous n'avons aucune existence légitime, n'en déplaise aux amis bouddhistes !
Indulgence (catholicisme) : Dans l'Église catholique romaine, l’indulgence (du latin indulgere, « accorder ») est la rémission totale ou partielle devant Dieu de la peine temporelle parfois nommée pénitence encourue en raison d'un péché déjà pardonné. (Wiki)
– À PROPOS DES RITUELS FUNÉRAIRES CHAMANIQUES , LE DERNIER SECRET DE LA CHAMANE DE BAD DÜRRENBERG, SCIENCE ET AVENIR, 8.02.2021
Tout comme la richesse de cette sépulture pour l’époque considérée. Au début du XXe siècle, la fosse funéraire avait en effet été retrouvée entièrement tapissée d’ocre rouge, et constituait même une double sépulture. La "chamane", une femme âgée de 25 à 35 ans, était enterrée en position assise, un jeune enfant de 4 à 6 mois placé entre ses jambes. Son corps avait été retrouvé enseveli sous une invraisemblable accumulation d’objets, allant d’une trentaine de pointes de flèches en silex conservées dans un os long de grue utilisé comme étui, à une centaine de restes osseux de cerfs rouges, une cinquantaine de pendentifs en dents d’aurochs, de bisons des steppes, de chevreuil, de sanglier, de castor et 65 fragments de carapaces de tortues d’eau douce! Plusieurs sortes de bivalves parmi lesquels des moules et des coquilles d’huitres perlières faisaient également partie des offrandes.
« Le 'primitif', c’est l’autre, et c’est ce que nous étions peut-être avant de devenir ce que nous sommes désormais. C’est le contraire du moderne. C’est celui qui n’est pas passé par tous les stades de l’évolution qui ont été ceux de l’Europe Occidentale. » Philippe Dagen
« Je cite toutes les prescriptions normatives séculaires de l’art occidental en les contrecarrant minutieusement. » Pablo Picasso
À propos du flux d'images narratives incessant et ininterrompu présentes dans mon travail :
Le récit nous est aussi indispensable pour vivre que l’air pour respirer. Ce n’est pas un divertissement mais notre manière même de penser. Pas d’histoire, pas d’humanité. Je raconte donc je suis. Tel est l’enseignement d’Aristote et… des neurosciences.
Les dernières découvertes de la neuropsychologie ont montré qu’une fonction maîtresse du cerveau est la narration : « The mind is a storyteller. »
Au lieu d’enregistrer tout ce qui passe, sur la base d’une logique qui serait celle du ‘premier entrant, premier servi’, notre cerveau nous donne le rôle du protagoniste ; à partir de là il organise notre expérience avec la précision d’un film de cinéma, créant des interactions logiques, et utilisant pour anticiper le futur des connections entre les différentes formes de notre mémoire, les idées et les événements." Le but du cerveau, selon les neurosciences, est donc d’utiliser notre expérience sous forme de récit et nous permettre de nous orienter dans un monde complexe d’informations. Comment le cerveau raconte : le récit comme voyage intérieur, Emmanuel tourpe
Accumulation de symboles.
– LIVRE : QUELQUES EXTRAITS ET AU SUJET DES LIVRES D'ALEXANDRA DAVID-NÉEL
Ces moines ne vaincront pas la mort, parce qu’ils croient à la mort.
- Il en est de même pour l'Art : pour vaincre en Art, il ne faut plus jamais croire en lui !
La mort, il faut s'y plonger, la regarder faire son œuvre de destruction et la nier. Chaque atome de matière qu’elle détruit, il faut le transformer en énergie mille fois et cent mille fois plus vivante que la substance qui disparaît. La vie est une force subtile. Les formes grossières que nous appelons des êtres et des choses ne sont que des apparences illusoires imaginées par des aveugles qui ne perçoivent de la réalité que des ombres déformées.
Magie d’amour et magie noire
La voie qui mène à l’immortalité. Je te l'ai dit, est toute autre. Il faut dissoudre entièrement le périssable, l’annihiler, pour en dégager l’indestructible énergie et, cela, je doute qu’aucun de ces sorciers ose le tenter.
C’est dans ces moments d’insouciance ou l’homme vit comme la plante, inconscient des forces dont il est le produit, que les effets d’actions passées se manifestent, parfois, et transforment son existence.
Comme un fétu de paille arraché, par l’ouragan, au sillon au fond duquel il reposait va s’accrocher aux épines d’un buisson, retombe parmi l’herbe d’une prairie ou disparaît englouti dans les eaux écumantes d’un torrent, ainsi la rencontre des fruits d’actes anciens ou leur maturité déclenche autour de nous des bourrasques soudaines qui nous projettent, hors des routes que nous croyions nôtres, vers un destin inattendu. Le Lama au cinq sagesses« Une âme, ça n'existe pas chez les bouddhiste. Une personnalité, pour les bouddhistes, c'est un amalgame, une composition de différentes choses : des idées, des sensations, etc. »
« Ceux qui ont compris la véritable nature du monde, qui ont saisi le sens profond de la pensée de Nāgārjuna "Comme des images vues en rêve, il regardent toutes choses." et c'est là le dernier mot de la philosophie tibétaine. » France Culture
– INTERVIEW : L'HOMME CONTRE LA NATURE PAR ANDRÉ LEROI-GOURHAN, INA, 1970
- André Leroi-Gourhan : Nous aurons consommé notre monde avant d'avoir changé d’espèce humaine. Et l'Homme a combien de temps à vivre encore de cette manière ?
- ALG : On peut faire une extrapolation biologique et dire que si nous continuons d'évoluer à la vitesse à laquelle ont évolué nos ancêtres, il y a plusieurs dizaines de milliers d'années avant que nous soyons autre chose que l'Homo sapiens, mais dans ce champ de plusieurs dizaines de milliers d'années tout peut arriver du jour au lendemain ou d'une seconde à l'autre.
- Vous faites allusion à la bombe atomique ou hydrogène ?
- ALG : Je fais allusion, pas spécialement à la bombe atomique, mais à tout ce qui... nous aurons consommé notre monde avant d'avoir changé d’espèce humaine.
- Mais où va l’Homme, l’Homo sapiens, comme animal pensant si vous voulez alors ?
- ALG : Comme animal pensant...comme animal tout court, il a, s’il ne se casse pas trop vite, quelques dizaines de milliers d'années à vivre encore avant d'être un Homo super sapiens ou ultra sapiens, mais ce qui me frappe surtout moi c'est le fait que l'Homme se serve d'une machine qui a été conçue pour chasser le mammouth c'est-à-dire son propre corps. Nous avons le même corps que les derniers Néandertaliens pratiquement, et le même cerveau que les Hommes de Cro-Magnon, et nous avons vu se construire par accumulation de symboles tout le monde autour de nous, et tout le monde de la mécanique, tout le monde de l'industrie, et c'est le même Homme qui est actuellement dans les usines qui se trouvait au milieu des steppes au Paléolithique. Le contact entre l'Homme et la nature devient de plus en plus étroit et difficile. Le monde pour lequel nous avions participé pendant plusieurs dizaines de milliers d'années était un monde où la partie de la nature n'était pas une partie perdue, et où l'Homme jouait avec la nature sans la casser, or actuellement nous avons éloigné la nature des individus, il y a des millions d'Hommes qui vivent maintenant dans un monde totalement urbanisé et artificiel, et du même coup nous sommes en train de liquider les dernières girafes, les derniers éléphants, les derniers lions, les dernières baleines, et nous sommes en train de créer un monde qui sera un monde totalement dénué de ce qui faisait à mon sens l'équilibre des activités de l'Homme paléolithique.
- Est-ce-que vous pensez que l'Homme va s’évader de la Terre et qu’il est irrémédiablement condamné à le faire ?
- ALG : En tout cas la Terre n’en sera pas abandonnée pour autant. On a bien découvert l'Amérique sans quitter l'Europe.
Aujourd'hui, en février, c'est la saison des oranges sanguines, j'adore leur chaires juteuse, orange, sucrée et rouge à la sensualité incroyable… je me remémore alors mes voyages à Venise au temps du carnaval et Prévert :
SANGUINE
"La fermeture éclair a glissé sur tes reins
et tout l’orage heureux de ton corps amoureux
au beau milieu de l’ombre
a éclaté soudain
Et ta robe en tombant sur le parquet ciré
n’a pas fait plus de bruit
qu’une écorce d’orange tombant sur un tapis
Mais sous nos pieds
ses petits boutons de nacre craquaient comme des pépins
Sanguine
joli fruit
la pointe de ton sein
a tracé une nouvelle ligne de chance
dans le creux de ma main
Sanguine
joli fruit
Soleil de nuit."
Spectacle, Jacques Prévert
Il faut que mon art soit un peu intercesseur, ce n'est pas sa présence intrinsèque qui est véritablement importante, mais plutôt que mes œuvres agissent sur le spectateur qui les regardent, comme un déclencheur, un révélateur, une étincelle, une alchimie. Ou encore comme une porte, un lieu de passage, un trou de verre, pour ouvrir à de nouvelles voies sur et vers d'autres modes de pensée, d'autres mondes, d'autres désirs et d'autres univers. Un peu comme les stèle fausses-portes présentes dans toutes les tombes égyptiennes qui permettaient au 'Ba', le principe mobile l’âme du défunt, de voyager entre les mondes des vivants et des morts… Et comme en Art les toiles de Chagall nous font imaginer que l'on puisse aimer, copuler, voler et rêver en lévitation, donc hors gravitation et éternellement. Ou les peintures monochromes de Rothko, qui, par la prégnance des couleurs, nous font accéder directement à une espèce d'état de satori, d'illumination, recherché par tous les Bouddhistes Zens etc.
– ÉMISSION RADIO : OLIVIER REMAUD, UNE JOURNÉE PARTICULIÈRE, FRANCE INTER, 7.03.2021
La science et l'animisme s'entendent sur le fait que des blocs de glace peuvent être animés. Les icebergs ne sont pas de simples assemblages de cristaux de glace, plus ou moins arrondis, les uns sur les autres. Ils participent activement à la fabrication et au maintien de la vie sur la planète. Moins il y a de banquise et plus le lien entre les humains se casse. En ce sens, la banquise sert à relier les gens, elle remplit la fonction d'un pont. La glace est la plus forte. Il faut entretenir une juste distance à l'égard des glaces [...] Être discret, avoir du tact, c'est-à-dire, par exemple, ne pas regarder les glaciers dans les yeux la première fois qu'on les fréquente. Il faut en devenir le familier : l'approcher peu à peu, se faire accepter, savoir s'effacer, disparaître, réapparaître très doucement.
– PETITS EXTRAITS DE LETTRES DE GUSTAVE FLAUBERT
L’auteur, dans son œuvre, doit être comme Dieu dans l’univers, présent partout et visible nulle part. L’Art étant une seconde nature, le créateur de cette nature-là doit agir par des procédés analogiques : que l’on sente dans tous les atomes, à tous les aspects, une impassibilité cachée et infinie.
Tu me dis que les punaises de Kuchiouk-Hânem te la dégradent ; c’est là, moi, ce qui m’enchantait. Leur odeur nauséabonde se mêlait au parfum de sa peau ruisselante de santal. Je veux qu’il y ait une amertume à tout, un éternel coup de sifflet au milieu de nos triomphes et que la désolation même soit dans l’enthousiasme.
Cela me rappelle Jaffa où, en entrant, je humais à la fois l’odeur des citronniers et celle des cadavres ; le cimetière défoncé laissait voir les squelettes à demi pourris, tandis que les arbustes verts balançaient au-dessus de nos têtes leurs fruits dorés. Ne sens-tu pas combien cette poésie est complète, et que c’est la grande synthèse ?
Toute la valeur de mon livre, s’il en a une, sera d’avoir su marcher droit sur un cheveu, suspendu entre le double abîme du lyrisme et du vulgaire (que je veux fondre dans une analyse narrative). Lettre à Louise Colet
Mêlé à la vie, on la voit mal, on en souffre ou (on) en jouit trop. L’artiste, selon moi, est une monstruosité – quelque chose de hors nature. Tous les malheurs dont la Providence l’accable, lui viennent de l’entêtement qu’il a à nier cet axiome… Or, (c’est la conclusion) je suis résigné à vivre comme j’ai vécu, seul, avec ma foule de grands hommes qui me tiennent lieu de cercle, avec ma peau d’ours, étant un ours moi-même, etc.
Ce qui nous manque à tous, ce n'est pas le style, ni cette flexibilité de l'archet et des doigts, désignés sous le nom de talent. Nous avons un orchestre nombreux, une palette riche, des ressources variées. En fait de ruses et de ficelles, nous en savons beaucoup, plus qu'on n'en a peut-être jamais su. Non, ce qui nous manque c'est le principe intrinsèque, c'est l'âme de la chose, l'idée même du sujet. Nous prenons des notes, nous faisons des voyages, misère, misère. Nous devenons savants, archéologues, historiens, médecins, gnaffes et gens de goût. Qu'est-ce que tout ça y fait ? Mais le cœur ? La verve ? La sève ? D'où partir et où aller ? Lettre à Louis Bouilhet, 2 juin 1850Que le voyageur est un être sot ! J’étudie tous ceux qui viennent au musée. Sur cinq cents il n’y en a pas un que cela amuse, certainement. Ils y viennent parce que les autres y viennent. Le lorgnon sur l’œil, on fait le tour des galeries au petit trot, après quoi on referme le catalogue et tout est dit. Lettre à sa mère, 9 mars 1851
« La poésie née du christianisme, la poésie de notre temps est donc le drame ; le caractère du drame est le réel ; le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque, qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création. Car la poésie vraie, la poésie complète, est dans l’harmonie des contraires. » Préface de Cromwell, Victor Hugo
« Donner de la densité aux vides en matérialisant l'irréel, ouvrir des espaces denses en irréalisant le réel, car, les deux concepts de 'plein' et de 'vide' possèdent en Chine une extrême densité d'implications philosophiques. » Notes #6 dans Récits d'une vie fugitive, Chen Fou
Aujourd'hui, les artistes confondent un peu l'Art avec le bricolage.
« Regarde ce spectacle ! Les carpes rouges qui bondissent au milieu des lotus en fleur, font penser à tes avant-bras teints de rouge qui s’agitent, cherchant à chasser les abeilles venues pour sucer le nectar de tes yeux, qu’elles prennent pour des iris bleus. » Manimékhalaï ou le scandale de la vertu, Alain Daniélou
On dirait vraiment du Rimbaud d’il y a 2 000 ans, la poésie est vraiment éternelle !
– LIVRE : MANIÈRES D’ÊTRE VIVANT, BAPTISTE MORIZOT
Danser dans les cordes, pour esquiver le dualisme de l’animalité comme bestialité inférieure et comme pureté supérieure. Pour ouvrir un espace encore inexploré : celui des mondes à inventer une fois qu’on est passé de l’autre côté. Les entrevoir, les donner à voir, grande respiration. […]
(La même chose est vraie pour l'Art)
En toute rigueur, chaque animal ne voit pas, ne configure pas le monde depuis son esprit mais depuis son corps : c’est son corps avec ses puissances de sentir et de faire propre qui fonde sa perspective sur le monde. […]
Le point de vue de chacun, alors, n'est pas “dans le corps” (comme un esprit), c'est le corps lui-même, rien d’autre que le corps, mais le corps épais d’ancestralités composées ensemble, qui interprètent le présent toujours à nouveaux frais."
Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi ? De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous.
Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est ; et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : - Il est l'heure de s'enivrer ! Pour n'être pas les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Le Spleen de Paris, Charles Baudelaire
DANCES, EROTIC IMAGES & PATTERNS
QUI SAUVA L'ÉLÉPHANT GADJENDRA DU CROCODILE ?
– ÉMISSION TV : EXTRAITS DES CHEMINS DU SACRÉ, FRÉDÉRIC LENOIRE, ARTE, MARS 2021
Les tireurs à l'arc Kyodo au Japon : « Lorsque l'on atteint l'osmose entre son corps et l'arc on peut atteindre la cible comme il faut. Dans l'enseignement du Kyodo, il ne faut pas perdre de vue le vrai objectif, la technique est importante mais ce qui compte, c'est la recherche de soi.
Ce n'est pas seulement prendre conscience de son être mais trouver l'équilibre entre son corps et son cœur. Il faut approfondir son soi et aller au delà de ses limites afin d'élargir son intérieur ; ainsi, chaque geste finira par contenir un sens. Il faut parvenir à unir son corps et son âme avec l' arc. A ce moment précis, ouvrir l'arc veut dire s'ouvrir soi-même, Quand on arme l'arc et qu'on atteint la cible, il ne faut pas se contenter de ce résultat, l'essentiel est au-delà. Nous changeons notre perception du monde à force de nous entrainer. Il s'agit de la recherche du sens de la vie. Il faut persévérer et l'on finit par atteindre la sagesse. » 2/5, L'expérience de la sagesse« Mon art est sacré parce qu'il ne peut pas être raconté sur un morceau de papier. Personne ne l'a jamais raconté ou documenté. Ma culture est dans mon cœur. » Otto Jungarrayi Sims, membre de la communauté aborigène Warlpiri, Australie.
« La conception d'un jardin zen nécessite à la fois la beauté et la spiritualité. Cette beauté ne peut être obtenue qu'une fois la spiritualité maîtrisée. Pour moi, le jardin zen, c'est le chemin vers le sacré. » Shunmio Masuno, moine bouddhiste zen, Japon. 5/5, L'expérience de la beauté
Ma peinture est également un chemin vers la beauté et le sacré. JPS
Si je m'arrête à considérer ce que l'éthique devrait être réellement, à supposer qu'une telle science existe, le résultat me semble tout à fait évident : rien de ce que nous pourrions jamais penser ou dire ne pourrait être cette chose, l'éthique ; nous ne pouvons pas écrire un livre scientifique qui traiterait d'un sujet intrinsèquement sublime et d'un niveau supérieur à tous les autres sujets : si un homme pouvait écrire un livre sur l'éthique qui fût réellement un livre sur l'éthique, ce livre, comme une explosion, anéantirait tous les autres livres de ce monde. Nos mots, tels que nous les employons en science, sont des vaisseaux qui ne sont capables que de contenir et de transmettre signification et sens - signification et sens naturels. L'éthique, si elle existe, est surnaturelle, alors que nos mots ne veulent exprimer que des faits.Tout ce à quoi tendent tous les hommes qui ont une fois essayé d'écrire ou de parler sur l'éthique ou la religion - c'est d'affronter les bornes du langage. Ludwig Wittgenstein
Ma peinture est libératrice au même titre que le reggae était libérateur pour Bob Marley. Libératrice du corps, des pensées et des dogmes établis ; mais aussi et bien sûr, de l'Histoire de l'Art occidentale et de l'Art contemporain.
L'érotisme est quelque chose qui se partage et qui est construit culturellement par l'ensemble d'une communauté humaine.
I love the round, the curves, the undulation, the world is round …
J'aime le rond, les courbes, l'ondulation, le monde est rond... Niki de Saint Phalle
Peut-être que l'Art est devenu, aujourd'hui plus qu'à aucune autres époques, le seul moyen de survivance pour préserver les traditions et cultures ancestrales ? Preuve à l'appui, les cultures aborigènes australiennes qui semblent ne pouvoir survivre, principalement, qu'en permettant aux aborigènes de devenir artistes uniquement : comme le dit cette peintre Rhoda Titayi : "Nous avons tous dessiné. Nous avons une exposition à venir qui s'appelle Milpatjunanyi, c'est la pratique du dessin dans le sable. C'est ainsi que j'ai appris à dessiner mes Tjukurpa (histoires culturelles), c'est ainsi que nous avons tous appris à dessiner."
Et qui peint, aujourd'hui, ces étonnantes histoires personnelles, ses rêves et ceux de sa tribu, non plus traditionnellement sur du sable, des rochers ou des écorces et en pleine nature, mais sur du papier et sur de la toile dans le hangar industriel du collectif d'artistes APY Art Center ?
Faut-il que tous les chamans véritables deviennent des artistes afin de survivre et d'espérer s'intégrer à la société de consommation ? Arrivons-nous à ce moment pré-apocalyptique où la seule culture qui survivra, sera celle qui pourra être formatée et vendue ?
Grande et importante question ? Progrès ou désillusion ?
– EXTRAITS DE L'ARTICLE : 30 000 ANS D'ART MODERNE, PREHISTORY : OBJETS DE POUVOIR
Monet et Picasso ont le mérite d'avoir mis fin à l'obsession de l'Art pour le réalisme et la beauté classique. Mais ils avaient de puissants alliés : les peintres rupestres de l'âge de pierre.
Selon les valeurs esthétiques qui ont dominé la haute culture européenne du XVe au XIXe siècle, les formes plates, dessinées avec force et se chevauchant dans les grottes ne pouvaient pas être de l'Art, ou seulement l'art enfantin de personnes non formées. Elles n'étaient pas accomplies.
« Dans l'œuvre de l'école que nous considérons maintenant, nous trouvons une dureté dans la juxtaposition des teintes, une crudité de la coloration locale, une lourdeur de main, ce qui semble être un évitement étudié du travail délicat et en bref, ce qu'en France on appellerait une franchise naïve et brutale », écrivait un critique anglais des impressionnistes en 1874. Ce langage de la rupture, de la brutalité, de la grossièreté primitive sera tour à tour utilisé par tous les mouvements artistiques modernes. Et le bouleversement des règles esthétiques a dû rendre reconnaissables, intrigantes, les images que l'on commençait à remarquer dans les grottes à cette époque. Si Monet était un peintre, peut-être que les premiers humains d'il y a 12 000 ans l'étaient aussi. Au milieu du 19e siècle, l'art occidental se considérait comme le dernier chapitre d'une histoire ininterrompue, depuis le monde grec et romain jusqu'à la Renaissance. La découverte de l'Art de l'âge de pierre, contemporaine d'une nouvelle disponibilité d'exemples d'art tribal et "primitif" à l'époque de l'empire, a offert une issue à cette histoire fermée. Il n'y a aucun moyen de relier l'Art de l'âge de pierre à nous-mêmes par le biais de la narration - seulement par analogie.
L'exposition Prehistory : Objets de pouvoir est présentée au British Museum, à Londres.
– LIVRE : ROME, NAPLES ET FLORENCE, STENDHAL
8 octobre 1816 - Je ne sais pourquoi l'extrême beauté* m’avait jeté hier soir dans les idées métaphysiques. Milan
* La beauté nous rabiboche aussi avec la vie et le désir de vivre. Le bonheur est contagieux. Il en est extrêmement de même pour l'Art !
J’aime la force et de la force que j’aime, une fourmi peut en montrer autant qu'un éléphant.
Je regrette souvent qu’il n’y ait pas une langue sacrée connue des seuls initiés ; un honnête homme pourrait alors parler librement, sûr de n’être entendu que par ses pairs.
Je ne prétends pas dire ce que sont les choses, je raconte la sensation qu’elles me firent."
Comment expliquer cet effet nerveux et cet agréable pouvoir de tuer le plaisir des beaux-arts que possède l’amabilité française ? Est-elle jalouse d’un plaisir qu’elle est impuissante à partager ? Je crois plutôt qu’elle le trouve d’une affectation ridicule.
Les choses qu’il faut aux arts pour prospérer sont souvent contraires à celles qu’il faut aux nations pour être heureuses. De plus, leur empire ne peut durer : il faut beaucoup d’oisiveté et des passions fortes ; mais l’oisiveté fait naître la politesse et la politesse anéantit les passions. Donc, il est impossible de créer une nation pour les arts. Toutes les âmes généreuses désirent avec ardeur la résurrection de la Grèce ; mais on obtiendrait quelque chose de semblable aux États-Unis d’Amérique et non le siècle de Périclès. On arrive au gouvernement de l'opinion ; donc l’opinion n’aura pas le temps de se passionner pour les arts. Qu’importe? La liberté est le nécessaire et les arts un superflu duquel on peut fort bien se passer.
Nos gens ne peuvent pas s’élever à comprendre que les anciens n’ont jamais rien fait pour orner et que chez eux, le beau n’est que la saillie de l’utile.
Là, assis sur le marche-pied d’un prie-Dieu, la tête renversée et appuyée sur le pupitre, pour pouvoir regarder au plafond, les Sibylles du Volterrano m’ont donné peut-être le plus vif plaisir que la peinture m’ait jamais fait. J’étais déjà dans une sorte d’extase, par l’idée d’être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les beaux-arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, ce qu’on appelle les nerfs à Berlin ; la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber. (syndrome de Stendhal à Florence)
– LIVRE : SERRES CHAUDES, MAURICE MAETERLINCK
Il y a un long chemin de mon cœur à mon âme !
Et toutes les sentinelles sont mortes à leur poste ! Âme, p. 43
Oh ! Des fleuves de lait ont fui dans les ténèbres !
Et les cygnes sont morts au milieu des serpents ! Regards, p. 65
– LIVRE : JEUNESSE DU SACRÉ, RÉGIS DEBRAY
Une métaphore. Que nous apprend-elle ?
Qu'une terre promise ouverte à tous les vents cesserait de l’être. Et que la clôture — grillage, cordon, balustrade, haie, barrière, jubé, chancel, courtine — est d’un autre ordre que le rinceau ou la palmette. Ce n’est pas ornemental mais transcendantal. P. 48Le sacré n'est pas une essence ni une substance. C’est un rapport instauré entre un objet et des sujets, qui relève d'une anthropologie et non d'une ontologie et se passe fort bien des secours de la religion. […] Le sacré n’est pas un petit signe que nous fait en passant «l’autre monde». C’est nous, les passants de ce monde-ci, qui le chargeons de signes plus. Sacral est une qualité que nous ajoutons — dans un moment de détresse et par instinct de conservation —à tels ou tels lieu, objet ou personne mais qui peut aussi, à tout moment, s'en retirer sans altérer la chose elle-même. P. 104
Il suffit de laisser libre cours à l'imagination de la matière qui travaille en sous-main nos rêveries les moins dirigées. Il y a, chacun le sait, du spirituel en sommeil dans l’eau, le feu, la terre — valeurs sensibles et sensuelles dont n'ont jamais pu se détacher les spiritualités les plus hostiles au «grossier animisme païen». Ces valorisations affectives pré- et postchrétiennes, préhistoriques et postmodernes, nulle raison raisonnante n'en viendra à bout. La seule finalité incontestable des êtres vivants étant de se perpétuer, comment ne serions-nous pas fascinés par tout ce qui la met sous nos yeux, en images ? Un filet d’eau qui sourd, un bourgeon qui fleurit, un bambou qui surgit libèrent en nous des émotions et des songes réfractaires à la critique. Tout suggère que la pulsion sacralisante, comme la fonction fabulatrice à laquelle elle est liée (et que le sacré ressortisse à la fable plaide encore plus pour sa nécessité), est à mettre au compte des «réactions défensives de la nature contre le pouvoir dissolvant de l'intelligence.» (Bergson). Un physicien parlerait peut-être de néguentropie. L’inlassable retour de tout ce qui chante, au cœur un monde désenchanté qui use l’une après l’autre ses histoires saintes, élèverait dès lors d'une intelligence non intellectuelle, que l’on pourrait appeler la sagesse des corps collectifs. P. 184
La France, singulièrement et particulièrement, est vraiment non pas le Trou du Cul du Monde (un trou du cul sert à quelque chose et est essentiel à la vie de tous les êtres vivants), pour l'Art et les artistes, comme on pourrait assez aisément et vulgairement le dire ; mais c'est un véritable trou noir physique et cosmique ! En effet, quel que soit la beauté, l'originalité, la pertinence, la force et la puissance de vos œuvres et de votre travail ; absolument personne : professionnels inclus, n'en verra, ni l'intérêt, ni la valeur. Quelque part, c'est un non-intérêt, on ne pourrait même pas ici parler de mépris car on ne méprise que ce que l'on reconnait ou ce qui nous dégoûte. Cette ignorance, même pas bestiale car les animaux eux-même ont une âme et une présence au monde… Cette bêtise française totale, absolue, plénipotentiaire, prétentieuse, arrogante, absorbe toutes les énergies vitales positives : des plus grandes et honorables aux plus intimes et plus silencieuses. Faisant de facto que l'Art, ici même, ressemble aujourd'hui, plus à des couches culottes absorbant la pisse et la merde de nos société et des français infantilisés, immatures, content d'eux mêmes et soumis à bouffer leur merde, même si elle est bio ! Et ils voguent et déambulent dans leur expositions d'art 'contemporain' débile, portant sur eux leur bêtises profonde, leur ignorance, leur dépit, leur suffisance, leur morale bourgeoise (celle-là même qui a tué Van Gogh et tant d'autres artiste), leur athéisme convaincu et leur appétence pour les bonnes bouteilles de vin millésimées et la 'grande cuisine'… Rayonnants comme des soleils cosmiques imbéciles et inutiles. Bien malheureusement, ce grand trou noir nihiliste fonctionne très bien, il nous absorbe, nous absorbera tous et toutes, détruisant toute forme d'intelligence et annihilant toute forme de beauté, de culture, d'éveil spirituel et de vie : c'est la fin !
TITRE D'UNE PROCHAINE CONFÉRENCE : RITUELS, ARTS, ÂMES & DÉSIRS
– LIVRE : SUR LES OSSEMENTS DES MORTS, OLGA TOKARCZUK
Un écrivain dépouille la réalité de ce qu’elle contient de plus important : l’indicible." P. 62
Il faut se souvenir que le monde est une toile gigantesque, qu’il forme un tout et qu'il n'existe rien, absolument rien, qui soit à part. Même le plus petit fragment de l'Univers est lié au reste à travers un cosmos sophistiqué de correspondances qui se laissent difficilement pénétrer par un simple esprit. C’est ainsi que cela fonctionne. Comme une montre suisse. P. 67
Quel est ce monde où la tuerie et la souffrance sont érigées en norme ? Avons-nous perdu la tête ? P. 118
En réalité l’évolution est en quête de beauté, de l'aboutissement le plus parfait de toute forme. P.137
Et un cheveu gris aussi, le mien, dont les atomes gardent en eux la mémoire de l'apparition de la vie, de la catastrophe cosmique qui fut à l'origine de la naissance du monde. P. 156
Du point de vue de la nature, il n’existe pas de créatures utiles ou inutiles. Ce n’est qu'une distinction stupide inventée par les hommes. P. 167
J’ai juste émis une hypothèse dans mon esprit : il s’agissait d’une appropriation par opposition. P. 247
« Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis, c’est la totalité du monde. Le jardin, c’est depuis le fond de l’Antiquité, une sorte d’hétérotopie heureuse et universalisante. » Dits et écrits, Michel Foucault, 1954-1988
Déf : L'hétérotopie est un concept forgé par Michel Foucault dans une conférence de 1967 intitulée « Des espaces autres ». Il y définit les hétérotopies comme une localisation physique de l'utopie. Ce sont des espaces concrets qui hébergent l'imaginaire, comme une cabane d'enfant ou un théâtre.
Déf. Hiérophanie : Concept introduit par Mircea Eliade dans ses travaux sur le sacré et qui signifie que quelque chose de sacré se montre à nous, se manifeste.
« Si nous avons frôlé la beauté, nous ne serons pas venus sur la terre pour rien. » Émission France Inter, Le sens de la vie avec Jean-Claude Carrière, 30.11. 2018
NATURE = ESPACE DE RÉCONCILIATION
Déf. : Pornographie : Représentation (sous forme d'écrits, de dessins, de peintures, de photos, de spectacles, etc.) de choses obscènes, sans préoccupation artistique et avec l'intention délibérée de provoquer l'excitation sexuelle du public auquel elles sont destinées.
Déf. : sérendipité : art de trouver ce qu'on ne cherche pas.
– ÉMISSION RADIO : DAMIEN HIRST EST L'INVITÉ D'AUGUSTIN TRAPENARD
(bien que je n'apprécie pas beaucoup son travail, c'est le moins que je puisse dire ; il cite ici quelques phrases sur l'Art d'assez vraies et intéressantes à lire.)
Longtemps considéré comme l’enfant terrible de l’art contemporain, avec ses animaux dans le formol et ses vanités en diamants, il continue de faire mouche, à travers des œuvres qui interrogent plus que jamais passage du temps et désir d’immortalité.
Les gens pensent que créer, c’est être seul. Mais ce n’est pas vrai. Les idées viennent aussi des autres. L’oeuvre qui me convient doit correspondre exactement à ce que je voulais qu’elle soit, peu importe comment j’y suis arrivé.
La valeur d'une œuvre est changeante. Un artiste crée pour un public qui n’est pas encore né. Il est difficile de spéculer sur la valeur ou le sens futur d’une œuvre, car vous n’avez pas d'emprise sur l'avenir.
Pour parler de l’éternité de l’Art, il faut remonter aux hommes des cavernes, à la grotte de Lascaux. L'art est très lié au passé. On peut étudier l’Histoire mais moi, j’apprends plus sur une époque par ses œuvres que par son Histoire.
Je suis à la recherche de déclics universels, de choses qui paraissent aujourd'hui sans importance mais qui feront sans doute sens plus tard. Comme l'a fait Wharol avec les bouteilles de coca, ou Bonnard avec son tableau de nu dans la baignoire.
En quelque sorte, les tableaux sont comme des traces de pas dans la neige… Mes enfants et petits-enfants sauront qui je suis, même si, d’ici là, ils auront tout oublié de moi.
Selon moi, l’Art est toujours une question de magie. J’aime beaucoup la science, je convoque souvent la médecine dans mes œuvres. Mais j’aime l’idée que 1 + 1= 3, voire plus. C’est pour ça que j’aime l’Art car il permet l’impossible, l’alchimie.
J’aime me perdre dans la peinture. Pour ces Cerisiers en fleurs, je me suis retrouvé seul devant ma toile, avec toute l’anxiété du confinement et je me suis lancé à corps perdu dedans, dans des formats qui permettront au public de s'y plonger aussi.
Le premier tableau de ma mère que j’ai aimé représentait des cerisiers en fleurs. C'étaient aussi des tâches de couleurs mais plus petites. Je me souviens du choc que j’ai ressenti. Ca semblait si facile, mais le résultat était épatant.
Ce que j’aime le plus en peinture, c’est l’illusion. Tout le monde sait qu’un tableau n’est pas une fenêtre mais on accepte d’y voir une fenêtre. On a besoin de cette illusion. La peinture, c’est peut-être le meilleur moyen de révéler la vérité, même si c'est une illusion.
Je crois qu’un de mes premiers dessins était un autoportrait faisant une prière. J’ai été élevé dans la tradition catholique. Je me souviens encore de la façon dont la religion utilisait l’Art pour diffuser ses idées.
C’est difficile de comprendre comment fonctionne le temps. Dans mon travail actuel, je m’intéresse à la collision du passé, du présent et de l’avenir. Ça se ressent aussi dans les Cerisiers en fleurs : elles sont pleines de vie mais de courte durée, comme un écho de notre vie.
J’ai toujours pensé, comme John Ruskin l’a dit, que les grandes oeuvres sont celles qui sont le miroir de la vie. Il y a des gens qui n’aiment pas l’Art et je trouve ça étrange. Un monde sans Art n’a pas de sens.
La beauté est éphémère et superficielle. Je ne crois pas dans la beauté. En revanche, je crois dans la vérité.
Pour moi, artiste, pratiquer mon art c'est réaliser une danse, à la foi un peu dionysiaque… et macabre simultanément, conjointement ; donc, c'est tout à la foi, honorer et danser la Mort et jouir et danser la Vie.
« Nombre de gens préfèrent des illusions qui les sécurisent plutôt que des vérités qui les angoissent. » La Grande Librairie, Michel Onfray
EROS ON PLEXIGLAS
– ARTICLE : BASIC INSTINCT, BRISER LA GLACE AVEC SHARON STONE, HÉLÈNE FRAPPAT, LES CHEMINS DE LA PHILOSOPHIE, FRANCE CULTURE, 13.10.2021
« Je filme les scènes d'amour comme des scènes de meurtre et les scènes de meurtres comme des scènes d'amour. » disait Hitchcock. Dans Basic Instinct, de Verhoeven, les deux vont de pair. [...] Ce qui est extraordinaire dans la scène de l'interrogatoire, c'est que Sharon Stone subvertit, échappe à ce qu'on appelle le male gaze. Même si des policiers ballots sont en train de la mater, dépassés par la situation, le spectateur ne fait pas partie de ce point de vue-là, il n'est pas au milieu de ces policiers qui pourraient se rincer l'œil. On a cette femme qui va montrer sa chatte, vraiment, en écartant les jambes, plusieurs fois. Cette femme exceptionnellement belle et sexy. Et en fait, on est comme face au tableau de Courbet, "L'origine du monde". Son sexe nous regarde, il y a une dimension hypnotique de voir ce sexe féminin montré avec désinvolture et en même temps il est là, il nous fixe et c'est elle qui nous regarde. Elle a le regard, comme un cinéaste a le regard et c'est aussi un autoportrait de Verhoeven qui se fixe, se décrit lui-même en tant que cinéaste, à travers une femme qui possède le regard.
À propos de Jacques Derrida : « La déconstruction, une manière d'analyser les textes, qui mesure l'encart entre les mots et l'écart avec ce qu'ils sont censés représenter. »
L'interrogation est pour moi, la même en ce qui concerne l'ensemble de l'Art Occidental, de Duchamp à Giotto, en passant par Veermer et Picasso, quel est le sens véritable, le fondement, de ce que l'Art peut et veut vraiment représenter ?
Déf. Aperception : pour l'esprit, acte de prendre conscience de soi-même et de son état intérieur.
– ARTICLE : LA MOMIE PÉRUVIENNE, LES CURIEUSES HISTOIRES DU MUSÉUM, FRANCE CULTURE, 05.06.2021
La momie péruvienne qui a inspiré de nombreux artistes au rang desquels Gauguin ou encore Edvard Munch pour son tableau "Le Cri". Découverte en 1877 dans un mausolée des Andes péruviennes, au nord-est du Pérou, d'un peuple appelé les Chachapoyas, qui signifie "les guerriers des nuages", et conservée au Musée de l'Homme, cette momie témoigne de rituels funéraires amérindiens antérieurs aux Incas, chez qui ils ont perduré. Le corps du défunt est placé dans une position semblable à celle du fœtus. A l’origine, la momie était enveloppée d’un fardeau constitué d’enveloppes de tissus protectrices et de vêtements richement ornés. C'est au creux de falaises, souvent à plus de 3000m d'altitude, que le peuple méconnu des Chachapoyas, contemporains des Incas, a confié ses morts entre le VIIIe et le XVe siècle. Il s'agissait d'un homme, entre 20 et 30 ans, qui souffrait d'une maladie infectieuse pulmonaire ayant pu causer sa mort. Cette momie a un caractère terrifiant. Elle n’a plus d’yeux depuis longtemps, mais elle vous fait face avec ses deux orbites, pleines de supplication. La bouche est ouverte, les mains enserrent le visage, de façon hyper contractée. Ce n’est pas qu’un corps qui est momifié, c’est une âme qui pleure, c’est un cri.
– ARTICLE : FRANCIS BACON SOUS LA PLUME DE KUNDERA, LEIRIS ET DELEUZE, FRANCE CULTURE, 12.09.2019
Sa robe, tout comme son comportement, ne permettait pas d’entrevoir la moindre parcelle de sa nudité. Et voilà que, tout d’un coup, la peur, tel un grand couteau, l’avait ouverte. Elle se trouvait devant moi, béante, comme le tronc scindé d’une génisse suspendue à un croc de boucherie. Le bruit de l’eau remplissant le réservoir des W.-C. n’arrêtait pratiquement pas et, moi, j’eus soudain envie de la violer. [...] Je voulais poser brutalement la main sur son visage et, en un seul instant, la prendre toute entière, avec toutes ses contradictions si intolérablement excitantes : avec sa robe impeccable comme avec ses boyaux en révolte. [...] Déplacé et injustifiable, ce désir n’en était pas moins réel. Je ne saurais le renier - et quand je regarde les portraits-triptyques de Francis Bacon, c’est comme si je m’en souvenais. Le regard du peintre se pose sur le visage comme une main brutale, cherchant à s’emparer de son essence. « Jusqu'à quel degré de distorsion un individu reste-t-il encore lui-même ? Jusqu'à quel degré de distorsion un être aimé reste encore un être aimé ? Pendant combien de temps un visage cher qui s’éloigne dans la maladie, dans la folie, dans la haine, dans la mort, reste-t-il encore reconnaissable ? » Une rencontre, Milan Kundera
On ne peut pas expliquer la peinture. Il y a des images qu'on peut interpréter, chaque personne peut les interpréter comme il veut. Moi, je ne les interprète jamais. Mes tableaux je ne les interprète pas, mais je n'interprète pas les tableaux des autres, je ne sais pas même interpréter Rembrandt. Parce que l'art plastique, c'est un côté du système nerveux qui parle tout de suite sans interprétation.
Je travaille d'une façon très accidentelle. J'aime l'ordre dans la peinture, mais la façon de laquelle je travaille c'est un ordre de l'irrationnel. C'est tout ce que je peux dire.
Il ne faut jamais oublier qu'un tableau ne peut pas être aussi violent que la vie elle-même, et la vie est tellement violente...
Moi-même, j'ai tout regardé et j'ai tout absorbé. Je suis une sorte de butineuse.
A la fin de l'entretien, Francis Bacon livre son avis assez pessimiste sur la peinture : « Peut-être que la peinture va mourir ? » car l'art conceptuel prend le dessus sur l'art plastique.
– ÉMISSION RADIO : ON FAIT LE BILAN DE L'INTELLIGENCE AVEC PAUL VALÉRY, FRANCE CULTURE, 04.11.2021
Le poète Paul Valéry prononce en 1935 une conférence qu'il intitule "Le Bilan de l'intelligence" dans laquelle il médite et s'inquiète sur l'esprit humain, ses créations menaçantes et les accélérations du monde.
« Notre monde moderne est tout occupé de l'exploitation toujours plus efficace, plus approfondie des énergies naturelles. Non seulement il les recherche et les dépense, pour satisfaire aux nécessités éternelles de la vie, mais il les prodigue et il s'excite à les prodiguer au point de créer de toutes pièces des besoins inédits (et même que l'on eût jamais imaginé), à partir des moyens de contenter ces besoins qui n'existaient pas. Tout se passe dans notre état de civilisation industrielle comme si, ayant inventé quelque substance, on inventait d'après ses propriétés une maladie qu'elle guérisse, une soif qu'elle puisse apaiser, une douleur qu'elle abolisse.
On nous inocule donc, pour des fins d'enrichissement, des goûts et des désirs qui n'ont pas de racines dans notre vie physiologique profonde, mais qui résultent d'excitations psychiques ou sensorielles délibérément infligées. L'homme moderne s'enivre de dissipation. Abus de vitesse, abus de lumière, abus de toniques, de stupéfiants, d'excitants... Abus de fréquence dans les impressions ; abus de diversité ; abus de résonance ; abus de facilités ; abus de merveilles ; abus de ces prodigieux moyens de déclenchement, par l'artifice desquels d'immenses effets sont mis sous le doigt d'un enfant. »
L'esprit humain est donc capable de créer ses propres chimères, des nouveaux désirs, et les moyens de les satisfaire. Valéry perçoit La splendeur et la misère de l'intellect humain, chose à la fois sublime, et monstrueuse.
– ARTICLE : CAMILLE CLAUDEL, DE L’ATELIER À L’ASILE, LE COURS DE L'HISTOIRE, FRANCE CULTURE, 16.11.2021
« Camille Claudel s'inscrit dès le départ, dans le choix de son Art, dans une rupture avec les normes de la différence des sexes. » Note l'historienne Yannick Ripa auteure de La Ronde des Folles. Femme, folie et enfermement au XIXe siècle.
- « Être ce qu'elle est, c'est déjà de la folie. »
Elle pose la question de la part de l'impact de la société pour déclencher la folie : « Quand on voit les causes d'internement, il y a là une dimension genrée éclatante, à savoir que l'ambition féminine est considérée comme une cause de la maladie et, de surcroît, d'internement. » Si la paranoïa de Camille Claudel est avérée, l'historienne interroge pourquoi elle n'a pas été libérée, même quand les médecins l'y autorisaient.
– ARTICLE : MARK ROTHKO ON HOW TO BE AN ARTIST, ARTSY.NET, ALEXXA GOTTHARDT, 13.09.2018
« The fact that a lot of people break down and cry when confronted with my pictures shows that I can communicate those basic human emotions. » He said in an interview in 1956. « The people who weep before my pictures are having the same religious experience I had when I painted them. »
EXPRESS THE INEXPRESSIBLE
As art critic David Cotner put it, Rothko « used colors, shades and gestures as moving evocations of mythology itself. »
« the most interesting painting is one that expresses more of what one thinks than of what one sees. »
« If you are only moved by color relationships, you are missing the point. » He once told writer Selden Rodman : « I am interested in expressing the big emotions — tragedy, ecstasy, doom, and so on. »
« One does not paint for design students or historians but for human beings and the reaction in human terms is the only thing that is really satisfactory to the artist. »ELIMINATE BARRIERS BETWEEN AUDIENCE AND CANVAS
Rothko took care to remove what he saw as « obstacles between the painter and the idea, and between the idea and the observer. »
« Small pictures since the Renaissance are like novels. » He once said in a lecture at Pratt Institute : « Large pictures are like dramas in which one participates in a direct way. »
« Perhaps to dominate the viewer’s field of vision and thus create a feeling of contemplation and transcendence. »
He wanted to forge clear pathways through which his audience could fully experience his paintings, which became, as scholar Miguel Lopez-Remiro has pointed out : « scenes of communication with the viewer. »REMOVE EGO FROM YOUR ART
He believed that ego, or allusions to the artist’s biography and role in society, only distracted from art’s true power to elicit « pure human reactions. »
« I don’t express myself in my paintings. » He once whispered to critic Harold Rosenberg, while waxing on Abstract Expressionism at a party : « I express my not-self. »
While the text presents many of Rothko’s most developed theories on art and creativity, he very rarely uses the word "I", and doesn’t mention his own paintings or practice. Indeed, his transcendent abstractions, too, are absent of any "I." Instead, they express emotions that are universally understood and experienced by humans.
– ARTICLE : HOW MARK ROTHKO UNLOCKED THE EMOTIONAL POWER OF COLOR, ALINA COHEN, 06.25.2019
« My pictures are indeed façades (as they have been called), » He once said : « Sometimes I open one door and one window or two doors and two windows. I do this only through shrewdness. There is more power in telling little than in telling all. »
« We favor the simple expression of the complex thought.» Abstract Expressionist NY painters said and wrote « We are for the large shape because it has the impact of the unequivocal. We wish to reassert the picture plane. We are for flat forms because they destroy illusion and reveal truth.»
– ARTICLE : POURQUOI LE JAPON NOUS FASCINE-T-IL TANT ?
Richard Collasse, auteur de 'Dictionnaire amoureux du Japon', rappelle : « Une chose qui a choqué les Occidentaux à leur arrivée au Japon, c'est que la nudité est très naturelle. Quand vous regardez dans l'histoire de l'art du Japon, la nudité n'est pas représentée comme elle l'est dans la statuaire grecque ou le quattrocento. Les japonais, à l'inverse, étaient choqués de l'expression des sentiments par les étrangers. »
– FILM : LA RAGE, DE PIER PAOLO PASOLINI, 1963
Mais soudain surgit sur l'écran la photo d'un visage surpris, fortement contrasté en noir et blanc, un regard noir et des cheveux blancs. Le visage de Marylin Monroe.
« C’est le monde qui t’en a donné conscience,
et ainsi ta beauté a cessé d’être beauté.
Mais tu continuais à être enfant,
idiote comme l’Antiquité, cruelle comme l’avenir,
et entre toi et ta beauté accaparée par le pouvoir
se sont mises toute la stupidité et la cruauté du présent.
Tu l’emportais, comme un sourire entre les larmes,
impudique par passivité, indécente par obéissance.
Elle a disparu comme une blanche colombe d’or. »
– LIVRE : LE SHIVA-SVARODAYA, LA NAISSANCE DU SOUFFLE DE VIE RÉVÉLÉ PAR LE DIEU SHIVA, TRADUIT DU SANSKRIT PAR ALAIN DANIÉLOU
Préface de Jean Varenne
- En Occident, en effet, où la vie quotidienne s'organise autour du travail salarié, le temps est littéralement mangé par les activités de subsistance et l'on comprend que celui qui a voué l'essentiel de sa journée à son activité professionnelle n’ait ensuite que peu de loisir à consacrer à des exercices difficiles dont l’apprentissage requiert, au témoignage des yogis de l'Inde, des mois, voire des années de persévérance. P. 9
- De la même façon, les considérations "érotiques" ne doivent pas surprendre: le yogin n’est pas "chaste" au sens vulgaire du terme, il est maître de sa sexualité, ce qui est bien différent. Enfin que la maîtrise du souffle soit un moyen de "lire" les présages n’a rien, non plus d’insolite: il n’y a pas de "Hasard" dans l’univers, mais un ensemble infiniment complexe de nécessités régies par la Nature (autre nom de l’Energie cosmique: shakti, prâna, svara). Qui "réalise" en lui-même cette Puissance, accède à la vie intime de l’univers et donc connaît toutes choses. P. 12
Le son perçu n’est qu’une image de la vibration primordiale du Verbe, par lequel le Créateur profère l'Univers. Il n’existe donc pas de parole divine sur le plan de la vibration de l'air, pas de commandements de Dieu comme le proclament les fausses religions. C’est la substance même de l'Univers qui est le Verbe. Commentaire p. 24
16. Le souffle-vital est le reflet de l'âtman, de l'âme universelle.
20. L’Univers, tout comme le corps des êtres vivants, est une manifestation d’un souffle, support du Verbe. C’est par le souffle que le Grand Dieu, Shîva, crée et détruit les mondes.
26. Tout ce qui a une forme et un nom n’est qu’une apparence. Tout ce que nous croyons voir n’est qu’illusion. L’homme stupide, victime de l'illusion ne perçoit pas la réalité intérieure des choses.
27. Cette science du souffle-vital est supérieure à toute autre forme de connaissance. Elle est la lumière qui éclaire ce receptacle intérieur qu’est l’âme. P. 27
Pingalâ est mâle, lié aux activités intellectuelles, au langage, à l’agressivité. Idâ est féminine, liée aux activités intuitives, aux arts, à la tendresse. Sushumnâ est liée aux perceptions du monde supra-naturel, à la réalisation spirituelle. Elle est contraire aux activités ordinaires de la vie. Commentaire p. 30
77. C’est pourquoi les sages, qui cherchent en toutes choses ce qui est juste, ne se dirigent jamais dans une direction où la mort se trouve. P. 34
140. La Déesse:
Dieu des dieux, le plus grand des dieux qui nous permet de transgresser l’illusion du monde ! Enseigne-moi le secret qui réside dans ton cœur.145. Les êtres de tous les mondes* sont formés des mêmes principes. La différence provient de ce que leurs artères subtiles sont organisées différemment.
* Le monde infernal, le monde terrestre, le monde des esprits et celui des dieux. P. 45149. Déesse aux yeux de lotus ! C’est ainsi que l’Univers, animé ou inanimé, est pénétré par les huit aspects de l’énergie vitale (prâna). Il n’est d’autre science que celle des souffles-vitaux (svaras).
150. II faut, avec une attention constante, depuis l’aube, être attentif (aux variations du souffle). C’est ce que doit faire le yogin, s’il veut échapper à la puissance du Temps (Kâla) et de la mort. P. 46
156. L'eau est blanche, la terre jaune, le feu est, dit-on, rouge, l'air est bleu-sombre comme les nuages, l’éther est multicolore. P. 47
201. Lorsque la terre explosera, se dispersera, se brisera, s’effondrera, toutes les sortes d’action auront le même résultat. P. 52
Cette phrase semble être tellement juste et prémonitoire aujourd'hui, où toutes les actions semblent mener à la même chose : à l'indifférence et à la destruction du monde vivant et sensible.
213. La syllabe-semence du principe 'Air' est YAM. Son symbole est le cercle, sa couleur le noir. En méditant sur lui on peut se mouvoir dans l'espace comme se meuvent les oiseaux. P. 53
225. Si l’on réduit le souffle d’un doigt on se défait du désir, si c’est de deux doigts on réalise la félicité, de trois doigts on obtient la vision poétique (le don prophétique).
229. Ainsi a été révélée la méthode de contrôle du souffle-vital qui permet de réussir en toute entreprise. Cette connaissance ne peut être obtenue que d'un maître et non à travers des milliers d’ouvrages théoriques. P. 56
275. Le monde perceptible (caractérisé par l'apparence et la divisibilité) est issu de l’informel (de l'indivisible). Lorsque l’on perçoit la réalité intérieure des choses, en un instant le formel retourne à l’informel. P. 62
Contre balancement des réalités opposées.
371. Ceux dans le cœur de qui fleurit cette ancienne science (shâstra purânam), secrète, lumineuse, destructrice des forces obscures (tamo guna) rayonnent d’une lumière pareille à celle de la pleine lune et n’ont rien à craindre, même en rêve, de la puissance du temps (kâla) et de la mort. P. 74 "
– LIVRE : MONTAGNES ET RIVIÈRES SANS FIN, GARY SNYDER
« La notion du vide engendre la compassion. » Milarépa
Un ancien Bouddha a dit : « La peinture d’un gâteau de riz ne coupe pas la faim. » Dôgen commente : « Si vous dites que la peinture n’est pas réelle, alors le monde concret des phénomènes n’est pas réel, le Dharma n'est pas réel. L’illumination sans limite est une peinture. L’univers entier, ses phénomènes et le ciel vide ne sont rien d’autre qu’une peinture. Puisqu’il en est ainsi, il n’est d’autre remède pour couper la faim que la peinture d’un gâteau de riz. Si vous ne peignez pas la faim, vous ne deviendrez jamais un être authentique. » P. 8
Les hérons sur l'estran, ne pensent pas aux États-Unis de l’Automobile. P. 30
Le joueur de flûte bossu
Le joueur de flûte bossu se promène partout. S'assied sur les rochers autour du Grand Bassin, sa bosse est un sac. […]
Bisons fantômes, ours fantômes, mouflons fantômes. lynx fantômes, antilopes fantômes, pumas fantômes, marmottes fantômes, hiboux fantômes : tournoyant et se rassemblant, en une majestueuse descente.
Alors l’homme blanc aura disparu.
Papillons sur les pentes couvertes d’herbe et de trembles
des nuages en enclume du bleu profond de Krishna
s’élèvent sur les arcs-en-ciel
et tombe une pluie luisante, chaque goutte
(de minuscules êtres qui tombent doucement de manière oblique : un petit bouddha est sis dans chaque perle) rejoignent les millions de bouddhas-graines de graminées ondoyantes sur le sol. P. 91 […]
Le troglodyte des canyons
Au moment de franchir le rapide des Cent Pas, Su Tung Po, pendant un instant, eut une vision d’immobilité absolue.
« Je fixe l'eau : elle se meut avec une lenteur indicible. »
Dôgen écrivit à minuit « Les montagnes s’écoulent, l’eau est le palais du dragon, elle ne s’écoulent pas. » P. 101
La maison puante du vieux rat changeur
L'univers entier est un océan de lumière éblouissante
Sur lequel dansent des vagues de vie et de mort. (Service religieux pour les esprits des morts)- Coyote dit : Vous les gars vous devriez rester en place, apprendre à connaître votre lieu, faire de bonnes choses. Moi, je suis l’éternel voyageur. P. 131
Rivière du Bec de Corbeau
Tout au bout
L’esprit des fleurs éparpillées dans les graviers
À la fin de l’âge glaciaire nous sommes les ours, nous sommes les corbeaux,
Nous sommes les saumons dans les graviers
A la fin d’un âge glaciaire
Poussant sur les graviers au bout d'un glacier
S'envolant seuls
s’envolant seuls
s’envolant seuls
Tout seuls. P. 134
La danse
« L’énergie est productive contre son gré comme le diable de l'histoire médiévale. Le principe veut que la nature fasse quelque chose contre son gré et, par sa propre emprise, produise de la beauté. » Otto Rössler P. 142L’Esprit de la Montagne murmure en retour :
Tout art et tout chant
est sacré pour le réel.
Comme tel. P. 156
– LIVRE : NOTES SUR LA MÉLODIE DES CHOSES, RAINER MARIA RILKE
Sur l’Art
Et ce que l’amour a une fois illuminé y reste en images et ne se laisse plus jamais perdre. Et les images sont des biens qu’on possède. C’est pourquoi les enfants sont si riches. P. 41
Cette lumière-ci est l’âme des choses, qui ondoie comme une mer en longues vagues jusqu'à leur bord et, là, retombe sur elle-même en chatoyant. C’est le panthéisme de la lumière.
Et les époques panthéistes proviennent d'un grand amour et d’une foi vraie. Elles ont lieu lorsque l’homme devient généreux et bon envers Dieu.Heureuses, les-époques où le Dieu repose. Les hommes qui dressent sa couche d’une main plus discrète ont quelque chose de l’amour infini qu’ont les créateurs, ils sont comme des artistes. P. 54
Car enfin toute œuvre, si large et si diversement coloré que soit son épanouissement, veut avoir été lumière du soleil en son début. P. 56
Du paysageL’art chrétien perdit ce rapport avec le corps, sans pour autant s’approcher vraiment du paysage ; dans cet art, hommes et choses étaient comme des lettres, et il construisait de longues phrases peintes avec un alphabet d’initiales. Les hommes étaient des vêtements, et n’étaient corps qu’en enfer ; et le paysage avait rarement droit d’être la terre. P. 65
Car on ne commença à comprendre la nature que lorsqu’on ne la comprit plus ; lorsqu’on sentit qu'elle était l'Autre, l'élément indifférent qui ne possédait pas de sens pour nous accueillir : c'est alors seulement qu’on fut sorti d’elle, sorti en solitaire d'un monde solitaire.
Et c’est ce qu’il fallait, pour la traiter en artiste ; on n’avait plus le droit de l’éprouver comme une matière en cherchant la signification qu’elle possédait pour nous, il fallait l’éprouver objectivement comme grande réalité présente. P. 71
Il faut sortir de soi pour comprendre le monde.
– LIVRE : LES AVENTURES D’ALICE AU PAYS DES MERVEILLES, LEWIS CARROLL
Bientôt, soudain gagnées par le silence,
En imagination elles poursuivent dans un rêve
Une enfant, qui, dans un pays
Aux merveilles étranges et inconnues,
bavarde en amie avec bêtes et oiseaux
Et elles croient presque que tout cela est réel.
– LIVRE : INSTRUCTIONS AU CUISINIER ZEN, MAÎTRE DÔGEN
Soyez attentionné envers les choses, ne les jetez pas négligemment.
Allumez le feu et faites bouillir. Un vieil adage dit : Que la marmite soit votre propre tête et l’eau qui cuit le riz, le sang qui donne vie à votre corps. P. 17
Qu'entendez-vous par les « mots et les lettres » ?
— Un, deux, trois, quatre, cinq.
— Qu'est-ce que la pratique de la voie ?
— Il n y a pas de trésor caché dans Univers.Un mot, sept mots, trois mots, cinq mots,
pour saisir la vérité des myriades de formes de l'univers ?
Ne vous y fiez pas.
Dans la nuit profonde,
la lune brûlante illumine le vaste océan.
Le joyau du dragon noir que vous cherchez
est ici et là, partout. P. 33Vous avez achevé les deux tiers de votre vie
Sans jamais avoir fait reluire la moindre parcelle de votre âme.
Insatiable, vous dévorez votre vie à courir après des futilités.
Que puis-je pour vous, si vous ne tournez même pas la tête quand je vous appelle ?
Pour celui qui aspire ardemment à la réalisation de la voie et qui s’adonne à la pratique, une poignée de sable offerte devient un trésor, une image de bouddha qu'il est en train de sculpter, un objet de vénération. P. 41Soyez sans préoccupation, concentrez votre attention et maintenez votre esprit fermement déterminé. Abandonnez toute pensée qui ferait une distinction entre le bien et le mal et pénétrez au fond de vous-même.
Après s'être éveillé à la voie, le doyen Fu composa cette stance :
Jadis, du temps où je ne comprenais pas encore,
Le son de la corne peinte m’était voix de tristesse.
Aujourd'hui, sur mon oreiller, je n'ai plus de rêves creux,
Je m'abandonne aux fleurs du prunier, grandes et petites,
qui s'épanouissent telles qu'elles sont.
« Fleurs de pruniers » P. 63
ÂMES, RITUELS & SIMULTANÉITÉS
– LIVRE : LE MIROIR DES ÂMES SIMPLES ET ANÉANTIES, MARGUERITE PORETE
Marguerite Porete, est une femme de lettres mystique et chrétienne du courant des béguines, née vers 1250, brûlée en place de Grève (à Paris, France) le 1er juin 1310 avec son livre Le Miroir des âmes simples, elle compte au nombre des martyrs de la liberté de penser. (Wiki)
La lecture de son livre a été, pour moi, une vraie révélation car ses écrits pleins d'enthousiasme, de force, d'intelligence, de lucidité et de compassion nous plongent directement dans un espace-temps libre. De cette liberté ultime, au-delà de la vie, de la morale, de la souffrance et de la mort. Une liberté inscrite dans une volonté artistique, créatrice, divine. En effet, presque tous les artistes et les mystiques, essayent, au cours de leurs vies, avec leurs pratiques ou leurs travaux, que ce soit la peinture, la poésie, la philosophie, les prières ou les méditations, d'être ou de devenir libre… En tout cas, le plus libre possible. Ils essaient de tendre et d'accéder à cette voie d'espérance, cet état, qu'il est bien difficile d'atteindre ! Or, l'on sent profondément que Marguerite Porete était libre, par nature et par essence, hors de tout système sentimental (amour) ou structure et dogme religieux (croyance et foi) et qu'elle est arrivée, grâce à son accession à cet état d'une âme simple et anéantie… Tout comme le Bouddha, à l'Illumination Mystique Universelle. On l'a sans doute d'ailleurs brûlée pour cela, par simple jalousie, justement !
Il serait vraiment très intéressant de réaliser un film sur elle ! Je la pense personnellement plus radicale et hors des clous que sa contemporaine Hildegard von Bingen dont j'apprécie d'ailleurs également particulièrement le travail mais dont la pensée et les aspirations me semblent malgré tout, très religieusement ego-centrées, mystico-centrées et un peu trop fusionnellement amouro-christiques.
Chapitre 6. Comment l'âme amoureuse de Dieu, vivant en paix de charité, prend congé des Vertus
Vertus, je prends congé de vous pour toujours :
J’en aurai le cœur plus libre et plus gai […]
J'ai quitté votre prison, où j’étais en maint ennui.
Jamais je ne fus libre, que séparée de vous ;
Votre prison ai-je quittée : en paix suis-je demeurée. P. 57Chapitre 7. Comment cette âme est noble, et comment elle ne tient compte de rien
Amour : Cette âme ne tient compte ni de honte ni d’honneur, ni de pauvreté ni de richesse, ni d'aise de mésaise, ni d’amour ni de haine, ni d’enfer ni de paradis. […]
Alors cette âme, devenue rien, possède tout et pourtant ne possède rien, elle veut tout et ne veut rien, elle sait tout et ne sait rien. P. 58Chapitre 17. Qui donc devrait se faire scrupule de prendre ce dont il a besoin dans les quatre éléments que sont la clarté du ciel, la chaleur du feu, la rosée de l’eau et la terre qui nous soutient ? P. 78
Chapitre 69. L'âme : Ces gens que je traite d’ânes, ils cherchent Dieu dans les créatures, dans les monastères par des prières, dans les paradis créés, les paroles humaines et les Ecritures.*
* Car lorsque l’esprit de l’homme est ravi au-dessus de lui-même, il dépasse les étroitesses de l'humaine ratiocination : toute raison humaine succombe au contact de ce qu'elle voit de la lumière divine lorsqu'elle est élevée au-dessus d'elle même et ravie en extase. Note p. 258L’âme : Je le trouve partout, et c’est là qu’il est. Il est une seule divinité, un seul Dieu en trois personnes, et ce Dieu est tout entier partout : c’est là que je le trouve. P. 137
Chapitre 85. Amour : Cette âme est libre, plus que libre, parfaitement libre, suprêmement libre, à sa racine, en son tronc, en toutes ses branches et en tous les fruits de ses branches.
(définition parfaite de l'état de liberté) P. 157Chapitre 86. L’âme ; Voilà qui ne me surprend pas ! Pour tout ce qui touche à cet état, ce sont en effet des gens qui ont des pieds et pas de chemin, des mains pour ne rien faite, une bouche et pas de parole, des yeux et pas de lumière, des oreilles pour ne rien entendre, une raison pour ne pas raisonner, un corps pour ne pas vivre et un cœur pour ne rien comprendre. Voilà pourquoi ceux que vous avez, nourris vont de surprise en surprise ! P. 158
Chapitre 90. Mais ceux qui sont libres font tout le contraire : en effet, tout comme il faut faire, dans la vie selon l’esprit, le contraire de sa volonté pour ne pas perdre la paix, à l’opposé, ceux qui sont libres font tout ce qui leur plaît pour ne pas perdre la paix, puisqu’ils en sont venus à l'état de liberté, c'est à dire tombés des Vertus en Amour, et d’Amour en Néant ! P. 165
Chapitre 95. Les vrais innocents n’ont jamais raison et l'on ne leur fait jamais tort ; ils sont tout nus et n’ont rien à cacher : tous se cachent à cause du péché dAdam, mais pas ceux qui sont anéantis, car ils n’ont rien à cacher. P. 169
Chapitre 109. Vérité : Vous êtes néant, et cela avant mène de m’avoir fait aucun tort en ce que je vous ai donné. Vous êtes même autre que cela, car vous êtes moins que rien, et cela autant de fois que vous avez voulu autre chose que ma volonté. P. 184
Chapitre 110. Comment l’art, en la créature, est une habileté subtile qui est en la substance de l'âme.
Cela vient de ce que celui qui comprend se repose, alors que celui qui parle travaille ; or, la connaissance ne peut souffrir le travail sans en devenir moins noble. P. 185
Chapitre 111. Volonté désobéissante : Aussi ne puis-je plus être ce que je dois, jusqu’à ce que je sois de nouveau là où je fus, et comme j'y fus avant de sortir de Dieu aussi nue que lui est, lui qui est ; oui, aussi nue que j’étais lorsque j'étais celui qui n'était pas. Et il me faut avoir cela si je veux ravoir ce qui est mien ; autrement, je ne l'aurai pas.
L'auteur : Comprenez le sens caché de cela si vous le voulez, mais surtout si vous le pouvez ; si vous ne le pouvez pas, c’est que vous n’en êtes pas là, car si vous en étiez là, vous y seriez ouverts. Si vous avez de quoi écouter cela, c’est que vous n’êtes pas anéantis à ce point-là — autrement, je ne dis pas. Et si sa bonté vous a enlevé la capacité d’écouter, je n'y contredis pas.
L'auteur : Il y a une bonté éternelle qui est amour éternel ; et elle tend, par sa nature de charité, à donner et répandre toute sa bonté. Cette bonté éternelle engendre une bonté communicable ; de cette bonté éternelle et de cette bonté communicable procède l’amour intime de l’amant en l’aimée ; et l’aimée regarde continuellement son amant en cet amour intime. P. 188
Chapitre 114. L’auteur : Je demande aux aveugles, ou à ceux qui sont illuminés et qui voient mieux qu’eux, si la créature humaine peut demeurer en vie tout en étant sans elle-même. Si ceux-là ne me le disent pas, personne ne me le dira, car personne ne le sait s'il n'est de ce lignage. P. 189
Chapitre 133. Amour Divin qui se repose de lui-même en l'âme anéantie : Mon Dieu ! Que le chemin est long, que la distance est grande de cette vie égarée à la vie libérée dont Rien-Vouloir est Seigneur ! Et ce Rien-Vouloir sème la semence divine prise dans le vouloir divin. Cette semence ne peut jamais manquer, mais peu de gens se disposent à la recevoir. J’ai trouvé bien des gens qui ont péri dans l’affection de l’esprit, par les oeuvres des Vertus et dans les désirs d'une volonté bonne ; mais j’en ai trouvé peu qui soient noblement égarés* ; et à coup sûr, j’en ai trouvé moins encore qui soient libres, c'est à dire qui mènent une vie libérée et qui soient tels que ce livre le demande en ayant le seul vouloir que Fin Amour fait avoir. En effet, Fin Amour fait avoir un unique amour et un unique vouloir, et c'est pourquoi mon vouloir est devenu un unique rien-vouloir. Et cet Amour n’est que finesse en ce qu'il est de l’œuvre divine. […] Dieu ne peut accroître sa propre joie… P. 229
Chapitre 134. La parfaite liberté ne connaît pas de « pourquoi ». P 230
* Je me sens personnellement entièrement, fondamentalement, véritablement 'noblement égaré' !
« Pour moi, quand je commence un tableau, je sais déjà que c'est l'annulation du tableau. Seulement un artiste iconoclaste est un bon artiste. »
« L'Art est toujours une bataille entre ce que l'artiste produit et la Terre qui garde toujours son secret. » Anselm Kiefer fait œuvre de mémoire, La Grande Table, France Culture
– ÉMISSION TV : LA GRANDE LIBRAIRIE, SUR LES TRACES DE FLAUBERT, 08.12.2021
« Le seul moyen de supporter l'existence, c'est de s'étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle. Le vin de l'Art cause une longue ivresse et il est inépuisable. C'est de penser à soi qui rend malheureux.» Lettre à Mlle Leroyer de Chantepie, 1858
« La bêtise est quelque chose d'inébranlable ; rien ne l'attaque sans se brider contre elle. Elle est dans la nature du granit, dure et résistante. »
« Je suis écœuré, navré par la bêtise de mes compatriotes. L'irrémédiable barbarie de l'humanité m'emplit d'une tristesse noire. »
« Jamais les intérêts de l'esprit n'ont moins compté. Jamais la haine de toute grandeur, le dédain du beau, l'exécration de la littérature enfin n'a été si manifeste. »
« Si jamais je prends une part active au monde, ce sera comme penseur et démoralisateur. »
« Ce qui me semble beau, ce que je voudrais faire, c'est un livre sur rien, un livre sans attache extérieure, qui se tiendrait de lui-même par la force interne de son style, comme la terre sans être soutenue se tient en l'air, un livre qui n'aurait presque pas de sujet ou du moins où le sujet serait invisible, si cela se peut. »
– LIVRE : POLIR LA LUNE ET LABOURER LES NUAGES | MAÎTRE DÔGEN ZENJI
Assis tel un roi, sous l’arbre de l'Eveil, vous franchissez d’un bond les frontières de l'Eveil, vous franchissez d'un bond les frontière de l'Eveil, vous faites tourner vous-même la grande Roue de l’incommensurable Dharma et exposez la sagesse profonde, ultime et inconditionnée. P. 42
> Peindre = étendre et développer le Dharma
Bendô-wa. Sur le discernement et la pratique de la Voie
Mais ce qui peut être reconnu n’est pas la réalisation elle-même qui ne peut être atteinte par l’esprit en proie à l’illusion. Dans la quiétude du samâdhi, pensée et objet, fusionnant dans la réalisation, dépassent l’Eveil lui-même. Immergés dans le samâdhi inaltérable qui se suffit à soi-même, sans déranger la moindre particule, vous prolongez l’activité des Bouddhas, leur prédication incomparable, profonde et subtile.
Sous son influence, herbes et arbres, la terre elle-même émettent une grande lumière rayonnante, exposant sans fin l’inconcevable Dharma. Terre, herbes et arbres prodiguent l’enseignement à tous, aux gens ordinaires aussi bien qu’aux sages qui, en retour, étendent le Dharma pour le bien des herbes, des arbres et des murs. Le domaine de l’Eveil par soi-même et pour les autres porte invariablement la marque de la réalisation à laquelle rien ne manque et la réalisation elle-même se manifeste sans cesse à tout instant.
Puisqu’il en est ainsi, le zazen d'une seule personne, en un seul instant, s’harmonise avec toutes les choses et se répercute à travers tous les temps. Ainsi, dans le passé et le futur, comme dans le présent, dans l’univers sans limites, le zazen porte sans fin le Dharma des Bouddhas. Chaque instant de zazen est par lui-même totalité de la pratique et de la réalisation. P. 43Pensez-y bien, vous ne pouvez oublier que l'unité du corps-esprit est un dogme fondamental du bouddhisme. Dès lors, comment l'esprit seul pourrait-il se dépouiller du corps et échapper à la naissance et à 1a mort, puisque le corps naît et meurt. P. 58
De même que la bûche une fois réduite en cendres, ne peut redevenir bûche, de même les hommes, une fois morts, ne peuvent revenir à la vie. […]
Vie et mort ne sont que des positions dans le temps comme l’hiver et le printemps.
Vous n’appelez pas hiver l'origine du printemps, vous ne dites pas que le printemps devient l’été. […]
Lorsqu’un homme atteint l’Eveil, il en va comme de la lune qui se reflète dans l’eau. La lune n’est pas mouillée, l’eau n’est pas troublée. P. 95« L’univers entier », c’est l’accord continuel du soi avec les phénomènes et des phénomènes avec le soi. […] Quand les phénomènes s’accordent au soi [et réciproquement], l’univers entier est continu. Mais sa nature est antérieure à cet accord, elle ne peut être saisie par cet accord.
« Une perle brillante » n’a pas de nom en soi, c'est nous qui l’appelons ainsi. Une perle brillante traverse l’éternité depuis le passé inimaginable jusqu’à maintenant. A présent, il y a le corps et l’esprit, mais ce ne sont tous deux que la perle brillante. Les herbes ici, les arbres là-bas ne sont pas [vraiment] des herbes et des arbres. Les montagnes sur la terre, les rivières sous le ciel ne sont pas des montagnes et des rivières, elles ne sont que la perle brillante. […]
Par sa capacité d’expression, Hsuan-sha a dit : « L’univers entier est une perle brillante. Qu’y a-t-il à comprendre ? » P. 102Un ancien maître a dit : « Qu’est-ce que l'esprit clair, merveilleux et lumineux ? Les montagnes, les rivières, la terre immense, le soleil, la lune et les étoiles. » […]
L’esprit « naissance-et-mort », c’est seulement la naissance et la mort, le passé et l'avenir, mais ni l’illusion ni l’Eveil. P. 114Vous-mêmes devez avancer et reculer et sauter par-delà le chemin vital où l’autre pénètre l'autre. […]
Certains êtres voient l’eau comme des fleurs merveilleuses, pourtant ils n’utilisent pas les fleurs comme de l’eau. Pour les pretas (Fantômes perpétuellement affamés, l’une des six conditions d’existence dans le samsara) l’eau est un feu ardent, du pus et du sang. Pour les dragons, c’est un palais ou un belvédère.Il est aussi des êtres qui voient dans l’eau les sept trésors ou le joyau mani (le joyau magique qui exauce tous les vœux), d’autres voient-elles des forêts ou des murs ; d’autres encore y entrevoient la nature du Dharma de la pure libération, le corps de l’homme vrai, ou la forme du corps et l’essence de l’esprit. Mais les êtres humains ne voient dans l’eau que de l’eau, source de vie ou de mort, selon les causes et conditions. […]
Arrivés là, vous comprendrez que, lorsque vous entreprenez de négocier la pratique-réalisation de la Voie, vous n’êtes pas limités à une ou deux conduites. Dans l’ultime royaume, il en est mille, il existe en fait dix mille voies. P. 141Par conséquent, l'eau n’est pas simplement un des cinq éléments : la terre, l’eau, le feu, le vent, l’espace ou la conscience ; elle n'est ni bleue, ni jaune, ni blanche, ni noire. Elle ne relève ni des ni des sons, ni des odeurs, ni des saveurs, ni du toucher, ni des objets de la pensée. L’eau en tant qu'élément se réalise elle-même. P. 142
Il en va de même de l'Art et de la peinture : la peinture se réalise elle-même.
Depuis le passé illimité jusqu’au présent illimité, les montagnes ont de tout temps constitué la résidence des grands sages. Les sages et les saints ont tous fait des montagnes leur « chambre intérieure », leur corps et leur esprit. C’est pour eux que les montagnes se manifestent. Vous pouvez donc penser que dans les montagnes est réunie toute une assemblée de grands sages et de saints. Mais, une fois entré dans les montagnes, personne ne rencontre plus personne (Au-dedans de la « chambre intérieure », il n’existe plus de moi ni d’autre.) Ce n’est là que l’activité vitale des montagnes. Il ne reste aucune trace de quelqu’un une fois qu’il est entré dans les montagnes*. P. 146
* Là où naquirent nos père et mère, là nous attend le grand Eveil
Pénétrant au cœur de la montagne profonde
Je me retrouve chez moi
Voici ma véritable capitale
Ici, naguère, j’ai vécu
Ces lieux me sont familiers. P. 218Le Rat est temps, le Tigre est temps, les êtres sensibles sont temps, les Bouddha sont temps. P. 156
Ainsi est l’être-temps*. L’arrivée (tô) (le sens, l’expérience complète du moment présent) est submergée par le sens, non par l’absence de sens. P. 161
* L'être-temps n’est pas limité par les concepts d'existence et de non-existence. L’expérience complète ne peut être définie ni comme existante ni comme non existante, de telles désignations indiqueraient qu’on la considère du dehors.Un jour Jôshû dit aux moines : « Quand j’étais dans le sud, je n'ai fait que zazen pendant trente ans. Si vous voulez résoudre le problème de la naissance-et-mort (shôji) concentrez-vous seulement sur le zazen. Si, au bout de trois, cinq, vingt ou trente ans, vous n’avez pas obtenu la Voie, coupez-moi la tête et pissez dans mon crâne. » P. 166
IMMO « L'Ainsité* » Jên-mo et immo désignent la Vérité qui est par elle-même libre de toute détermination, non conceptualisante, illimitée, insubstantielle, vide et non duelle. P. 171
* Déf. Ainsité : La réalité absolue. Ce qui est tel que c’est. Vide d’existence. L’espace absolu libre d’élaborations conceptuelles. Ce terme est complémentaire de la vacuité.
Le tathatâ n'est rien d’autre. C’est la forme incomparable de la Voie du Bouddha qui contient l’univers entier, qui transcende tous les mondes et qui est illimitée.
Puisque nous sommes des parties du monde entier, pourquoi nous faudrait-il trouver le tathatâ ? II n'est rien d'autre que l’aspect réel de la Vérité telle qu’elle apparaît à travers le monde. Il est impermanent et vide. Ce corps n'est pas réellement le nôtre. Tout change. Notre vie est continuellement affectée et modifiée par les circonstances, le temps qui passe. Jamais elle s’arrête. Autour de nous, évoluent d’innombrables choses que nous ne reverrons jamais. Notre esprit aussi est en perpétuelle mutation. Certains se demandent : « S’il en est ainsi, sur quoi s’appuyer ? » P. 172Mais, pour comprendre clairement cela, vous devez avoir dépassé l’illusion du passé, du présent et du futur. L’Éveil*, c’est transcender l’Eveil ; aller jusqu’au fond de l’illusion, c’est transcender l’illusion et parvenir au grand Eveil. De toutes façons, vous êtes cernés soit par l’Eveil, soit par l’illusion. P. 173
Si nous nous attachons à atteindre l’Eveil en rejetant l'illusion*, nous tombons dans le dualisme qui est lui-même illusion. Note P. 262
* Réf. : La māyā hindou dans mes peintures, est-ce que je peins une réalité des choses, une version épique et dionysiaque de l'aventure humaine, ou justement la maya, la grande illusion mystico-cosmique ? Comme il est dit dans cette phrase : de toute façon, vous êtes cernés, alors peu importante vraiment le sens profond de la réalisation.
LES CHANTS DE LA VOIE DU PIN PARASOL
Existe-t-il de par le monde un seul être véritable ?En ce monde,
Qui peut se prétendre être véritable ?
Lequel d’entre nous
Est-il capable de discerner
Où finit le ciel bleu ?La distance entre l’Etre et l’existant, ou bien est incommensurable, ou bien elle n’existe plus.
Que l'on dévie, ne serait-ce que de l’épaisseur d’un cheveu,
Un gouffre profond sépare instantanément le ciel de la terre. P. 219Il faut toujours rester très concentré et présent dans la vie et dans le travail, car il s'y passe beaucoup de choses, sans arrêt et en profusion.
Ju-ching disait : « Ecartes-toi des grandes villes et même des villages. Fais ta demeure dans les montagnes profondes et les vallées désertes… »
Là au moins, il se trouvait en contact direct et permanent avec l’ordre cosmique, il pouvait suivre en permanence le spectacle perpétuellement renouvelé de son incessante création. P. 243
NEIGE
Toute ma vie, se sont emmêlés vrai et faux, bien et mal
Tandis que je jouais avec la lune, riais avec le vent, écoutais les oiseaux…
Enfin cet hiver, j’ai soudain compris que c’était la neige qui faisait la montagne. P. 246Poème de fin le Kekai sekai Ici
« Du fond de l’esprit germent les semences,
La vérité se manifeste a travers toutes les formes.
Le fruit est mûr, l'Eveil est accompli
Soudain les fleurs s’épanouissent et le monde se révèle. » P. 288
– ARTICLE : KEITH HARING ON THE IMPORTANCE OF IMAGINATION IN ART AND LIFE, ARTSY, ALEXXA GOTTHARDT, 09.30.2019
People always ask me: « Where do you get all these ideas » Keith Haring ? »
« Information is coming from all kinds of sources, new sources every day…I digest it, channel it through my own imagination, and put it back into the world.
But often it just comes out of my imagination without trying to make it mean anything specific. The challenge is to be in a state of mind which allows spontaneity and chance while still maintaining a level of awareness which allows you to shape and control the image.
I don’t think art is propaganda; it should be something that liberates the soul, provokes the imagination and encourages people to go further. It celebrates humanity instead of manipulating it."
Art lives through the imaginations of the people who are seeing it. Without that contact, there is no Art. »
« The human imagination cannot be programmed by a computer. » He asserted: « Our imagination is our greatest hope for survival. »
– LIVRE : HOMO DEUS, UNE BRÈVE HISTOIRE DU FUTUR, YUVAL NOAH HARARI
La théorie de la relativité ne met personne en colère parce qu'elle ne contredit aucune de nos croyances chéries. La plupart des gens se fichent pas mal que l’espace et le temps soient absolus ou relatifs. Si vous croyez possible de courber l’espace et le temps, eh bien, faites donc ! Allez-y, pliez-les. Je n’en ai cure. En revanche, Darwin nous a privés de notre âme. Si vous comprenez pleinement la théorie de l’évolution, vous-comprenez qu’il n’y a pas d’âme. C’est une pensée terrifiante pour les chrétiens et musulmans fervents, mais aussi pour bien des esprits séculiers qui n'adhèrent clairement à aucun dogme religieux, mais n'en veulent pas moins croire que chaque humain possède une essence individuelle éternelle qui reste inchangée tout le long de la vie et peut même survivre intacte à la mort. […]
C'est pourquoi la théorie de l'évolution ne saurait accepter l’idée d’âme, du moins si par «âme» nous entendons quelque chose d’indivisible, immuable et potentiellement éternel. Une telle entité ne saurait résulter d’une évolution par étapes. P. 120, 121Peut-être que je rêve, et que chaque personne que je rencontre n’est qu’un personnage de mon rêve. Peut-être suis-je piégé dans un monde virtuel, et tous les êtres que je vois ne sont-ils que des simulations. […]
Dès lors que vous admettez la faisabilité même de ce scénario, les mathématiques vous conduisent à une conclusion effrayante : puisqu’il n’y a qu’un monde réel, alors que le nombre de mondes virtuels potentiels est infini, la probabilité que vous habitiez l'unique monde réel est proche de zéro. P. 137Si tu rencontres le Bouddha
L'idée que la religion est un outil de préservation de l’ordre social et d’organisation de la coopération à grande échelle peut contrarier ceux qui la considèrent avant tout comme un chemin spirituel. Toutefois, de même que l'écart entre religion et science est plus ténu que nous le pensons ordinairement, l'écart entre religion et spiritualité est bien plus large. La religion est un deal, la spiritualité un voyage. P 203Selon Harris, tous les humains partagent une seule valeur suprême : minimiser la souffrance et maximiser le bonheur. Tous les débats éthiques sont donc des discussions factuelles autour de la façon la plus efficace de maximiser le bonheur. P. 215
La culture moderne rejette cette croyance en, un grand plan cosmique. Nous ne sommes pas les acteurs d’un drame plus grand que nature. La vie n’a ni scénario, ni dramaturge, ni metteur en scène, ni producteur… ni sens. Selon nos connaissances scientifiques, l’univers est un processus aveugle et sans dessein, plein de bruits et de fureurs et qui ne signifie rien. […]
Il n’y aura pas de dénouement heureux, ou malheureux, ni de dénouement du tout. Les choses arrivent simplement l’une après l'autre. Le monde moderne ne croit pas en un dessein, juste à la cause. Si la modernité a une devise, c’est « Les emmerdes, ça arrive. » […]
La culture moderne est la plus puissante de l’histoire ; elle ne cesse de rechercher, d’inventer, de découvrir et de croître. En même temps, aucune autre culture n’a été davantage en proie à une angoisse existentielle. P. 220, 2217. La révolution humaniste
Le deal moderne nous offre le pouvoir à condition que nous renoncions à notre croyance en un grand plan cosmique qui donne sens à la vie. […]
Le grand projet politique, artistique et religieux de la modernité a consisté à trouver un sens à la vie qui ne s’enracine pas dans quelque grand projet cosmique. Nous ne sommes pas les acteurs d’un drame divin, personne ne se soucie de nous et de nos faits et gestes, personne n’assigne donc de limites à notre pouvoir ; mais nous demeurons convaincus que nos vies ont du sens. P. 244Ce qui est vrai de l’éthique et de la politique (au Moyen Âge) l’est aussi de l’esthétique. L’art médiéval était régi par des aunes objectives. Les normes de la beauté ne reflétaient pas les marottes des hommes. Les goûts humains étaient plutôt censés se conformer à des diktats supra-humains. Raisonnement parfaitement censé en un temps où les gens croyaient que l'Art était inspiré par des forces supra-humaines plutôt que par les sentiments humains. Ce sont les muses, les anges ou le Saint-Esprit qui animaient la main des peintres, des poètes, des compositeurs et des architectes, Souvent, quand un auteur écrivait un bel hymne, on ne lui en attribuait pas le crédit pour la même raison qu’on ne l’attribuait pas à sa plume. Celle-ci était tenue et dirigée par une main humaine, à son tour tenue et dirigée par la main de Dieu. […]
La musique humaine doit donc faire écho à la mélodie divine de l'univers, plutôt que refléter les idées et les caprices des compositeurs de chair et de sang. Les hymnes, chants ou airs les plus beaux étaient habituellement attribués non pas au génie de l’artiste humain, mais à l’inspiration divine.
De telles vues ne sont plus en vogue. Pour les humanistes, la sensibilité humaine est la seule source de création artistique et de valeur esthétique. La musique est créée et jugée par notre voix intérieure qui n’a besoin de suivre ni les rythmes des astres ni les commandements des muses et des anges : les uns sont muets, les autres n'existent que dans notre imagination. Les artistes modernes cherchent à entrer en contact avec eux et avec leurs sentiments, plutôt qu’avec Dieu. P. 251Outre l'odorat et l'attention, nous avons aussi perdu notre capacité de rêver. Dans beaucoup de cultures, ce que les gens font et voient dans leurs rêves n’est pas moins important que ce qu’ils font et voient éveillés. Aussi les gens cultivaient-ils leur capacité de rêver, de se souvenir de leurs rêves et même de contrôler leurs actions dans le monde onirique ; c’est ce qu’on appelle le « rêve lucide». Les experts en la matière pouvaient se déplacer à volonté dans le monde onirique et prétendaient même pouvoir accéder à des plans d’existence supérieurs ou rencontrer les visiteurs d’autres mondes. Le monde moderne, en revanche, écarte les rêves, y voyant au mieux des messages subconscients, au pire des détritus mentaux. Aussi les rêves ont-ils un rôle bien plus réduit dans nos vies ; peu cultivent leurs talents de rêveur, et beaucoup prétendent pas rêver du tout ou ne pouvoir se souvenir d’aucun de leurs rêves.
Le déclin de notre capacité de sentir, d’être attentif et de rêver rend-il nos vies plus pauvres et plus grises ? Peut-être. Quand bien même, cela en valait la peine pour le système économique et politique. Votre patron souhaite que vous consultiez sans relâche vos emails plutôt que de humer le parfum des fleurs ou de rêver de fées. Pour de semblables raisons, il est probable que les futures améliorations de l’esprit humain refléteront les nécessités politiques et les forces du marché. P. 389
– LIVRE : CONJONCTIONS ET DISJONCTIONS, OCTAVIO PAZ
Je cite, ici, beaucoup d'extraits ce livre (sans doute trop nombreux) d'Octavio Paz car je me sens très proche de tout ce qu'il nous comte et démontre et que tous ces passages pourraient aider à la compréhension de mon travail ainsi qu'éclairer ma démarche artistique profonde. Je pense qu'il fait partie d'un des dix livres (un peu plus) importants à lire, dont aujourd'hui ma liste serait par exemple la suivante :
- 108 Upanishads, Martine Buttex
- Essais sur le bouddhisme zen, D. T. Suzuki
- Les Mille et Une Nuits
- Histoire des croyances et des idées religieuses et le Chamanisme, Mircea Eliade
- Que ma joie demeure et Les Vraies Richesses, Jean Giono
- Un Barbare en Asie, Henri Michaux
- La tentation de Saint Antoine, Gustave Flaubert
- L'œuvre d'Alexandra David-Néel
- L'œuvre d'Antonin Artaud
- Elan Noir parle: La vie d'un saint homme des Sioux Oglalas, John Neihardt, etc, etc.
Dans ce livre, j'ai pu trouver ou retrouver, l'importance et les similitudes entre les rites tantriques et mon travail ; car, comme les adeptes du Tantra lors de leurs rituels, je sublimise la matière inerte (images pornographiques), profane, souillée ; en matière noble et 'sacrée', en objet artistique. Révélant, ainsi, la force énergétique réelle et intrinsèque de cette matière, de toute matière, de toute vérité. C'est un peu comme être alchimiste et créateur de sanctuaires, dans ces temps modernes, dans cette époque profondément sécularisée.
Ce qui est vraiment subjuguant dans ce livre, ce sont les idées de conjonctions-disjonctions agissantes entre les différents modes de penser, comme dans l'hindouisme, le bouddhisme ou le christianisme. Et de réaliser de l'Art, de traiter Le Corps et l'Esprit : en Occident et en Orient de manières diamétralement opposées et parfois cependant similaires. Confrontations ne devant cependant pas se limiter à ces deux blocs, mais s'appliquer également aux anciennes cultures amérindiennes, africaines, océaniennes ainsi qu'australiennes etc…
Et aussi le vaste désir inextinguible de l'auteur d'accéder aux notions et pulsions de liberté innombrables : intellectuelles, sexuelles, corporelles, spirituelles et métaphysiques, qui lui semblent plus évidentes et plus puissantes en Orient ? Il insiste aussi en même temps, sur la dimension misérablement étriquée et maniérée de l'art occidental contemporain.
Cela rejoint totalement ma vision des choses, l'Occident s'étant totalement, fourvoyé en désacralisant toute chose et aujourd'hui, avec la disparition de chaque sociétés traditionnelles, 'premières' uniques ; il y a fort à parier, que ce que nous appelions l'Art et les Cultures, sont devant nos yeux, en train de disparaitre à jamais. Évanescence et réminiscence des âmes humaines… Cris de nos morts pour ne pas qu'on les oublie, mais comment prier encore et les honorer aujourd'hui sans âmes et sans rituels ?
La métaphore
Polyphéme voit sa face difforme comme un autre firmament. Transformations : le trou du cul : l’œil du cyclope : celui du ciel. Le soleil réduit la dualité visage-cul, âme-corps, à une image unique, éblouissante et totale. Nous recouvrons l’ancienne unité, mais cette unité n’est ni animale ni humaine ; elle est cyclopéenne, mythique.
Il serait superflu de répéter ici tout ce que nous a appris la psychanalyse au sujet de la lutte entre le visage et le cul, entre le principe de réalité (répressif) et le principe de plaisir (explosif). Je ferai seulement remarquer que la métaphore dont j’ai parlé - sous sa forme ascendante (le cul comme visage) aussi bien que sous sa forme descendante (le visage comme cul) - sert alternativement l'un et l’autre principe.En disant que le cul est comme un autre visage, nous nions la dualité âme-corps ; nous rions parce que nous avons résolu (ressoudé) la discordance que nous sommes. […]
Ni le phallus ni le cul n'ont le sens de l'humour. […]
Mais les éjaculations violentes du phallus, les convulsions de la vulve et les explosions du cul effacent le sourire de notre visage. Nos principes sont ébranlés par la secousse d’un tremblement psychique aussi puissant que les tremblements de terre. Secoués par la violence de nos sensations et de nos imaginations, nous passons du sérieux à l’éclat de rire. P. 12, 13L’éclat de rire non seulement, supprime la dualité, mais nous oblige à nous fondre dans le rire général, dans la grande confusion physiologique et cosmique du cul et du phallus : le volcan et la mousson.
Une nouvelle fois : l’éclat rire est un retour à un état antérieur, nous revenons au monde de l’enfance, collective ou individuelle, au mythe et au jeu. Retour à l’unité du commencement, avant le tu et le je, dans un nous qui englobe tous les êtres, les animaux
les éléments. […]
Le sérieux est l'attribut des ascètes et des et libertins. L’éclat de rire est un relâchement ; l’ascétisme, une rigidité : il endurcit le corps afin de préserver l'âme. […]La vulve est la maison de « vajra* » et aussi la sagesse. Séries de métaphores composées de termes appartenant tantôt au monde matériel, corporel, tantôt au monde spirituel, incorporel : le foudre et le phallus, la vulve et la sagesse, le diamant et la béatitude du yogi libéré. P. 14 & 15
* Vajra désigne le foudre, de même que la nature diamantine, invulnérable et indestructible aussi bien de la doctrine que de l’état de béatitude conquis l’ascète.
Incarnation et dissipationDe toute façon, il y a une différence : les sociétés anciennes ont élaboré des institutions et des méthodes qui, plus facilement et moins dangereusement pour l’espèce que celles d’aujourd’hui, absorbaient et transformaient les instincts agressifs. D’une part, les mécanismes de symbolisation : les systèmes de transformation des obsessions, des impulsions et des instincts en mythes et en images collectives; de l'autre, les rites : l'incarnation de ces images en cérémonies et en fêtes. Il me paraît superflu de préciser que je ne crois pas plus à la supériorité des civilisations qui nous ont précédés, qu’à celle de la nôtre.
J'ai bien peur que la « société saine » ne soit une utopie ; si elle n’en est pas une, sa place n’est ni dans le passé ni dans l’avenir, du moins tels que nous voyons celui-ci du présent. Pourtant, il me paraît évident que l'Antiquité (ou les Antiquités, car il y en a plusieurs) offrait un éventail de possibilités de sublimation et d’incarnation plus riche et plus efficace que le nôtre.
Les cultures dites primitives ont créé un système de métaphores et de symboles qui, comme l'a montré lévi-Strauss, constituent un véritable code de signes à la fois sensibles et intellectuels : un langage. Le langage a pour fonction de signifier et de communiquer les significations ; mais l'homme moderne a réduit le signe à la pure et simple signification intellectuelle, et la communication à la transmission de l'information. Nous avons oublié que les signes sont des choses sensibles et qui agissent sur les sens.
(Il y a des années, Kostas Papaioannou me disait à peu près la même chose, en me montrant des statues féminines de la fertilité : le bonheur en personne, l’accord avec le monde.) […]
Le rite ancien se développe à un niveau qui n’est pas tout à fait celui de la conscience : ce n’est pas la mémoire qui se rappelle le passé, mais le passé qui revient. J’ai appelé ailleurs cela l'incarnation des images.
De ce point de vue, l'art est l’équivalent moderne du rite et de la fête : le poète et le romancier construisent des objets symboliques, des organismes qui émettent des images. Ils font ce que fait le sauvage : ils transforment le langage en corps. P. 18 & 19Et à l'heure qu’il est, nous sommes menacés d’une nouvelle ère glaciaire : à la guerre froide succède le libertinage à froid symptôme de la baisse de tension érotique : la dégradation des formes. Car le principe de plaisir, qui est explosion et subversion, est aussi et par-dessus tout rite, représentation, fête ou cérémonie. Sacrifice et courtoisie : Éros est imaginaire et cyclique, au contraire du happening qui n’a lieu qu'une seule fois.
Le phallus et le con sont des objets (des organes) symboliques, mais aussi des émetteurs de symboles. Ils sont le langage passionnel du corps. Un langage que seules la maladie et la mort, mais non la philosophie, réduisent au silence. Le corps n’est pas imaginaire parce qu’il manque de réalité, mais parce qu’il est la réalité la plus réelle : image enfin palpable, et pourtant changeante et condamnée à disparaître. Dominer le corps, c’est supprimer les images qu’il émet, et c’est en quoi consistent les pratiques du yoga et de l’ascète. […]
Car la réalité du corps est une image en mouvement fixée par le désir.Si le langage est la forme la plus accomplie de la communication, la perfection du langage ne peut être qu’érotique et inclut la mort et le silence : l’échec ? Le silence n’est pas l’échec mais l’achèvement, la culmination du langage. Et pourquoi nous obstiner à dire que la mort est absurde ? Que savons-nous de la mort ? […]
Je ne dis pas que l’Art, de même que tout ce que nous faisons, ne soit pas sublimation, culture, et comme tel, hommage à la mort. J’ajouterai qu’il est sublimation cherchant à s’incarner à retourner au corps. Le jeu de mots est exemplaire et, qu’il soit cynique ou satirique, moral, sa moralité dernière réside dans sa dissipation. L’Art est le contraire de la dissipation, au sens physique et spirituel du mot : il est concentration, désir en quête d’incarnation. P. 22 à 24
Un or néfasteIl est naturel que la satire s’exerce à l’endroit des classes dominantes et des systèmes en vigueur : le principe de Plaisir est subversif. L’ordre dominant, quel qu’il soit, est répressif. […]
Toujours Rousseau et Hobbes : la société artificielle est autoritaire et hiérarchisée ; la naturelle est libre et égalitaire. Or, le sexe est subversif non seulement parce il est spontané et anarchique, mais aussi parce qu’il est égalitaire : il n’a ni nom ni classe. Et surtout : il n’a pas de visage. Il n’est pas individuel : il est générique. Le fait que le sexe n’a pas de visage est à l’origine de notre malheur. Le sexe et la figure sont séparés, l’un en bas, et l’autre en haut ; de surcroît, le premier est caché par les vêtements et la seconde est à découvert. […]
Cette séparation, qui a fait de nous des êtres humains, nous condamne au travail, à Histoire et à la construction de tombeaux. Elle nous condamne aussi à inventer des métaphores pour la supprimer. Le sexe et toutes ses images ( des plus complexes aux plaisanteries de salle de garde) nous rappelle qu’il fut un temps où le visage était près du sol et des organes génitaux. Il n'y avait pas d’individus et tous étaient partie du tout. […]
Max Weber a découvert une relation entre l’éthique protestante et l’essor du capitalisme. Pour leur part, certains épigones de Freud, en particulier Erich Fromm, soulignent qu'il existe un lien entre le capitalisme et l’érotisme anal. […]
L’érotisme anal est une phase infantile, prégénitale, de sexualité individuelle qui correspond, dans le domaine des mythes sociaux, à l’âge d’or. P. 27 à 29Une sublimation qui est, en réalité, sa négation. La transmutation du soleil originel (or qui était à tous, tout qui était d’or) en œil omniscient de l’État bureaucratico-policier est aussi étonnante que la transformation de l’excrément en billets de banque. Mais à ma connaissance, nul n’a abordé ce sujet. De même, il est regrettable que personne n’ait étudié, de ce point de vue, un style d’art qui se situe précisément à l’aube de notre époque et qui est l’antithèse du « socialisme » autant que du capitalisme moderne. Un style que l’on pourrait appeler « le baroque excrémentiel ». P. 32
ConjugaisonsDans les temples indiens, la vie ne combat pas la mort : elle l’absorbe. Et la vie, à son tour, se dissout comme se dissout un jour dans l'année et une année dans le siècle. P. 39
Dans la civilisation indienne, exaltation du corps ; dans l'lslam, disparition du corps dans la géométrie de la pierre et du jardin.
Si le bouddhisme est pessimiste (et je vois mal comment une pensée critique pourrait ne pas l’être), son pessimisme est radical et inclut la négation de la négation : il nie la mort avec la même logique qu’il nie la vie. Ce raffinement dialectique lui a permis, à sa grande époque, d’accepter et de glorifier le corps. Par contre, dans les grands temples hindous de Khajuraho et même dans celui de Konarak (moins rococo et vraiment imposant par sa belle ampleur) l’érotisme finit par devenir monotone. Il y manque quelque chose : la joie ou la mort, une étincelle de vraie passion qui secouerait ces interminables guirlandes de corps ondoyants et de visages souriant dans une sorte de béatitude sucrée. Fabrication en série de l’extase : un orgasme maniéré. La nature est elle aussi absente de ces jeux corporels, plus compliqués que passionnés. L’hindouisme est excessif moins par ses pouvoirs intrinsèques, pourtant considérables, que parce qu’il a digéré toutes hétérodoxie et ses contradictions ; à son affirmation démesurée manque le contrepoids de la négativité, cet élément critique qui est le noyau créateur du bouddhisme. […]
Les corps enchevêtrés de Khajuraho sont l’équivalent de ces commentaires à un commentaire d’un commentaire des Brahmasutra : les subtilités de l'argumentation n’égalent pas toujours la véritable profondeur, qui est simple. La pullulation de seins, de phallus, de hanches, de cuisses et de sourires extatiques finit par écœurer. Il n’en est pas de même sur les monuments bouddhistes, ni à Bharhut, ni surtout à KatIï. Les grands reliefs sculptés sur pans du portail de Karli sont des couples nus et souriants : non pas des dieux ou des démons, mais des êtres comme nous, quoique plus forts et plus vivants. […]
Aucune civilisation (bouddhiste) n’a créé des images aussi pleines et aussi parfaites du plaisir terrestre. Pour la seule et unique fois une haute culture historique a pu avantageusement rivaliser avec le néolithique et ses statuettes de la fertilité. Le pôle opposé de l'Islam et de sa géométrie de reflets au fond des bassins.Il est évident qu’elle se trouve au point d’intersection de la culture humaine et de la sub-culture animale, mais où est ce point ?
Pour le moment, nous ne pouvons que répéter qu’âme et corps, visage et sexe, mort et vie sont des réalités différentes qui portent des noms différents dans chaque civilisation et ont par conséquent des significations totalement différentes. P. 40 - 43Ce léger déséquilibre s’appelle recours à la sublimation (culture) d’une part, et d’autre part possibilité d'irriguer la culture au moyen de la spontanéité (création) et cette autonomie limitée se nomme liberté. L’essentiel est que la relation ne soit pas en repos : c’est le dialogue entre oscillation et immobilité qui donne vie à la culture et qui donne forme à la vie. Autre règle, inspirée comme les précédentes de celles qu’a découvertes l’anthropologie structurale : les termes ne sont intelligibles qu’en relation et non considérés isolément. Tchouang-tseu l’avait déjà dit : le mot vie n’a de sens que par rapport au mot mort, le chaud que par rapport au froid, le sec que par rapport à l'humide. […]
La comparaison des feuilles de température de diverses civilisations peut nous apprendre, ou plutôt confirmer ce que nous savons tous empiriquement, à savoir qu’il existe des civilisations froides, des civilisations chaudes et d’autres dont les périodes fiévreuses alternent brusquement avec des périodes glacées. P. 45, 46Un des domaines préférés de l’exploration est le contraste, en Occident, entre la tonalité spirituelle exaltée des XII et XIII siècles et la coloration sensuelle de la Renaissance. Sur ce sujet, on doit à E. R, Dodds une magistrale description de l’origine et de la domination progressive et étouffante du concept d’âme sur les anciennes croyances grecques, jusqu’au moment où la révolte du corps désintégré l’édifice de l’éthique sociale. […]
Dans son premier ouvrage, Dodds décrit la révolte de l’irrationnel (corps) contre les rigueurs de la philosophie classique et ses constructions rationnelles ; dans le second, il examine l'arrière-plan irrationnel et angoissé de la civilisation antique à son crépuscule et la transformation de ces impulsions en une nouvelle rationalité religieuse (non-corps). Ces ouvrages ne contiennent pas que cela, bien entendu, mais ce que je souhaite mettre en évidence, c’est l’intervention décisive des signes que j’ai appelés corps et non-corps […]
Dans les Quatre Soleils de Jacques Soustelle, l'anthropologue français présente une série de réflexions sur le possible destin de la civilisation de l’Occident. Cet essai a ceci de particulier que son auteur se place dans la perspective des conceptions cosmogoniques des anciens Mayas et des anciens Mexicains. C’est la première fois, je crois, que l'histoire universelle est considérée du point de vue de la civilisation méso-américaine. Soustelle souligne la surprenante modernité de la pensée précolombienne. Pour ma part, je soulignerai que cette cosmogonie en perpétuelle rotation, faite de la prééminence alternative du principe créateur et du principe destructeur, révèle un pessimisme et une sagesse non moins profonds que ceux de Freud. C'est là un nouvel exemple, le plus clair peut-être, de la relation dynamique entre les signes corps et non-corps. Autre analogie : dans la philosophie du mouvement des Méso-Américains, la notion de catastrophe cosmique (la fin de chaque soleil, ou ère, par un cataclysme) équivaut à notre notion moderne d'accident, dans les sciences aussi bien que dans notre vie historique. P. 48
Ève et prajnâpâramitâLes oppositions entre le tantrisme et le protestantisme sont du type lumière et ombre, chaleur et froid, blanc et noir. Tous deux sont aux prises avec le conflit insoluble entre le corps et l’esprit (vacuité pour le bouddhiste) et tous deux le résolvent par une exagération. Le protestantisme exagère la séparation entre le corps et l’esprit, au bénéfice du second ; le tantrisme postule l’absorption du corps, encore au bénéfice de l' « esprit » (vacuité). Tous deux sont ascétiques, mais dans l’un prédomine la répression du corps, dans l’autre sa réintégration : deux attitudes qui engendrent deux types obsessifs de sublimation, l’une morale et utilitaire, l'autre amorale et mystique. […]
Agehananda Bharati remarque que le tantrisme hindou et le tantrisme bouddhique ne renferment aucune nouveauté spéculative, rien qui ne se trouve déjà dans les doctrines de l‘hindouisme et celles du bouddhisme mahâyâna. […] Les deux tendances s’accordent à affirmer que cette expérience consiste dans l’abolition ou la fusion des contraires : le féminin et le masculin, l’objet et le sujet, le monde phénoménal et le monde transcendental. Un absolu qui est pour l’hindou l’être plein et la vacuité ineffable pour le bouddhiste. La tradition indienne avait aussi affirmé, et en termes semblables, l’abolition ou la fusion des contraires (samanvaya) et l’ascension vers un état de plaisir indescriptible, non sans analogie avec ceux de nos mystiques : union avec l’absolu (ānanda) ou dissolution dans la vacuité (samatâ) ou retour au principe du principe, à l’inné (sahaja). La particularité du tantrisme consiste dans la décision d’abandonner le domaine conceptuel et celui de la morale courante (bonnes œuvres et dévotions) pour pénétrer dans une « nuit obscure » des sens. Le tantrisme prône une expérience totale charnelle et spirituelle, qui doit se réaliser concrètement et réellement dans le rite.
Le tantrisme bouddhique comme le tantrisme hindou recueillent (il serait plus juste de dire : réincorporent) une très ancienne tradition de rites orgiastiques et de fertilité probablement antérieure à l’arrivée des Aryens dans le sous-continent indien et qui, par conséquent, remonte au moins au deuxième millénaire avant Jésus-Christ. […]
Chez nous, la sorcellerie et les autres survivances du paganisme ont été supprimées ou bien elles se sont fondues, très atténuées et défigurées, dans le corpus du catholicisme ; en Inde, non seulement l’ancien courant a secrètement irrigué les religions officielles, mais encore, à l'intérieur de celles-ci, est parvenu à se constituer comme un domaine propre, au point de s’affirmer, dans le tantrisme, comme une voie légitime, quoique excentrique, vers la libération des transmigrations et un état de jouissance et d’illumination. Les attitudes des orthodoxies indiennes et chrétiennes devant leurs paganismes respectifs (corps) constituent des exemples privilégiés et extrêmes de conjonction et de disjonction… P. 70 -73Les attitudes envers les aliments sont révélatrices. La règle générale du protestantisme est la sobriété et, par suite, la simplicité et la valeur nutritive du repas. Pas de jeûnes excessifs ni d'orgies gastronomiques : une cuisine insipide et utilitaire. Le banquet tantrique est, avant tout, un excès ; et son utilité, si toutefois ce qualificatif peut lui être appliqué, est ultra-mondaine. […] En Inde, tous les mets sont mélangés dans un seul plat, soit par ascétisme, soit par hédonisme : les deux pôles de la sensibilité hindoue. […]
Le tantrisme exagère cette attitude et au cours du festin rituel on mange avec une grossièreté volontaire. Ainsi se trouve mis en relief le caractère religieux de l’acte : retour au chaos originel, absorption du monde animal. D’un côté, repas simple, et de l’autre, excès de condiments ; utilité nutritive, valeur sacramentelle ; sobriété, excès ; distance et réserve devant les aliments, rapprochement et voracité ; séparation des mets, confusion de matières licites et illicites. […]
Le Tantra Hevajra est explicite : « Avec le corps nu et orné des accoutrements d'os, on doit manger le sacrement sous sa forme la plus sale et impure. » Le sacrement se compose de minuscules morceaux de chair d’homme, de vache, d'éléphant, de cheval et de chien, que le dévot doit mélanger, pétrir, purifier, brûler et manger en même temps qu’il ingère les « cinq ambroisies ». […]
Le langage tantrique est un langage poétique, et c’est pourquoi ses mots ont toujours une pluralité de significations qui sont, pourrait-on dire, réversibles. La réversibilité implique que tout mot ou toute chose peut se changer en son contraire et ensuite, ou simultanément, redevenir soi-même. Le suppôt fondamental du tantrisme est l'abolition des contraires — sans les supprimer ; ce postulat l’entraîne à un autre : la mobilité des significations, le continuel va-et-vient des signes et de leurs sens. La chair est effectivement concentration mentale ; la vulve est un lotus qui est la vacuité qui est la sagesse ; la semence et l’illumination sont une seule et même chose ; la copulation est, comme le souligne Mircea Eliade, samarasa « identité de jouissance » : fusion du sujet et de l’objet, retour à l’un. […]
Le repas tantrique est une transgression. A la différence des transgressions de l’Occident, qui sont des agressions tendant à annihiler ou à frapper le contraire, celle du tantrisme a pour but de réintégrer de (ré-incorporer) toutes les substances, y compris les substances immondes telles que l’excrément, et les substances prohibées comme la chair humaine. […]
Inutile de m'étendre davantage sur ce sujet : l’extrême immatérialité du sacrement protestant souligne la séparation entre l'esprit et la matière, l'homme et le monde, l’âme et le corps ; le festin tantrique est une transgression délibérée, une rupture des règles qui a pour but de provoquer la réunion de tous les éléments et de toutes les substances. Abattre les murailles, dépasser les limites, supprimer les différences entre l'horrible et le divin, l’animal et l’humain, la chair morte et les corps vivants : samarasa, saveur identique de toutes les substances. P. 75 - 78J’ignore si l’idée de la métempsycose aide les Indiens à supporter la réalité de la mort. Mourir est difficile en tous temps et dans toutes les civilisations, et je crains bien que le rôle de cette croyance ne soit semblable à celui des nôtres : un artifice qui nous protège contre l’horreur que nous éprouvons devant la fragilité et l’infortune de l’existence, une projection de notre peur devant l’extinction définitive. Le Bouddha lui-même a condamné les nihilistes qui postulaient l’anéantissement universel et absolu. Quoi qu’il en soit, l’attitude des Indiens devant les morts est plus naturelle que celle des chrétiens protestants ; cependant, ils ne se complaisent pas comme nous autres Espagnols et Hispano-Américains dans leurs représentations physiques, chamelles — sauf dans le tantrisme. Le goût des Mexicains pour les squelettes et 1es têtes de mort n’a d’équivalent dans aucune partie du monde, si ce n’est dans l’art bouddhique du Tibet et du Népal. Une différence nos squelettes sont une satire de la vie et des vivants ; les leurs sont redoutables et licencieux. Il y a plus : aucune allégorie de Valdés Leal, aucune tête de mort de Posada ne possède la signification hallucinante, à force de réalité, de ce cadavre autour duquel, d’après certains informateurs, dans certaines cérémonies secrètes tourne le rite tout entier. […]
La morale — peu importe laquelle : la bouddhiste, la chrétienne, l’athée — est dualiste : ici et là, le bien et le mal, la gauche et la droite. Mais le tantrisme, à peine est-il besoin de le dire, n’est pas immoral : il prétend transcender tous les dualismes, et c’est pourquoi même le qualificatif d'amoral ne peut lui être appliqué. L’attitude tantrique, justement parce qu’elle est extrêmement religieuse, n’est pas morale. Dans ce qui relève de l’inspiration divine, il n’y a ni ici ni là, ni ceci ni cela — ni points cardinaux ni préceptes moraux.
Le tantrisme est une tentative surhumaine d’aller vraiment au-delà du bien et du mal. Une telle démesure pourrait faire penser à Nietzsche. Mais le « nihilisme » de Nietzsche est philosophique et poétique, il n’est pas religieux. De plus, il est solitaire : l’éclat de rire et la danse du surhomme au-dessus de l’abîme de l'éternel retour. Au centre, au cœur du tantrisme, il y a quelque chose que Nietzsche repousse : le rite. Et pourtant, le rite est l'éternel retour, il n’y a pas de retour des temps sans rite, sans incarnation et sans manifestation de la date sacrée. Sans rite, il n’y a pas de retour.Le tantrisme est, avant tout, un rite sexuel. La cérémonie du mariage chrétien est publique, mais la copulation entre les époux est privée. La cérémonie tantrique consiste dans la copulation en public, soit de plusieurs couples, soit d’un au milieu du cercle des dévots. […]
L'absorption de la mort par la vie est l’envers du christianisme ; leur disparition dans un troisième terme, sunyata, est l'envers du paganisme méditerranéen. P. 84 - 87Chez les Chrétiens, l’amour est profane ; il est même entaché de péché. Le tantrisme ignore ce que nous appelons amour et son érotisme est sacramentel. P. 88
Le protestantisme exagère l’horreur chrétienne envers le corps. Celui-ci étant origine et cause de notre perte, la décence exige de n’en point parler, sauf dans le cas de description scientifique, objective et neutre. Pour le tantrisme, le corps est le double réel de l’univers qui, à son tour, est une manifestation du corps diamantin et incorruptible du Bouddha. […]
Ainsi, deux notions plutôt conceptuelles du bouddhisme mahâyâna, la compassion du Bodhisâttva et l'action de la pensée au cours de la méditation (upâya), acquièrent un symbolisme à prédominance érotique et deviennent des homologues de phallus et de sperme ; de même sunyata (vacuité) et prajna (savoir) évoquent les organes sexuels féminins.
Pendant le coït, il s’agit de fondre l’élément masculin à l'élément féminin, c’est-à-dire de transcender la dualité. L'acte sexuel est un homologue de la méditation, et tous deux le sont de la réalité, scindée en le ceci et le cela mais qui, en soi, n’est que transparence vide. […]
La transmutation est obtenue, une fois encore, par l'union avec le principe féminin, à un moment qui représente le point culminant ou la conjugaison de toutes les énergies. Ainsi transsubstantiée, la goutte de semence, (bindu) au lieu de se répandre, monte le long de l’épine dorsale pour enfin éclater dans une explosion silencieuse : c’est le lotus qui s’ouvre en haut du crâne. « La Réflexion est Consommation » : le bindu est bodhicitta, pensée en blanc, vacuité. La rétention du sperme est une opération alchimique et mystique : il ne s’agit pas de préserver la relation entre le corps et l’âme, mais de dissoudre le premier dans la vacuité. La disjonction représentative dans le protestantisme et la conjonction explosive dans le tantrisme finissent par coïncider.
A la physiologie magique que j’ai sommairement exposée, se juxtapose une géographie religieuse : « Ici, dans le corps, sont les fleuves sacrés Jamuna et Gange, ici sont Pragaya et Bénarès, le Soleil et la Lune. Dans mes pérégrinations j'ai visité des sanctuaires mais aucun n’est plus saint que celui de mon corps. » (Poème de Saraha). P. 91Il faut être dans le secret. Je dis bien être dans et non connaître le secret. Il faut participer : tisser le voile est un acte d’amour, et le détisser en est un autre. De même pour le langage hermétique des Tantras : pour le déchiffrer vraiment, il ne suffit pas d’en connaître la clé (bien que cela compte aussi), mais il faut pénétrer dans la forêt de symboles, être symbole parmi les symboles. La poésie et le tantrisme ont ceci en commun qu’ils sont des pratiques, des expériences concrètes. P. 93
La réalité phénoménale est identique à la réalité essentielle : l’une et l’autre sont vacuité : Samsara est Nirvâna. […]
Dans les images hindoues, la représentation la plus énergique souvent aussi redoutable et féroce, du principe actif est la Sakti, le pôle féminin de la réalité. A première vue, la notion hindoue contredit les idées de presque toutes les sociétés sur la femme. Elle ne manque pourtant pas de logique : l’absolu (représenté par Siva) est le sujet absorbé dans le sommeil de son infini solipsisme ; l’apparition de la Sakti est la naissance de l'objet (la nature, le monde concret) qui tire le sujet de sa léthargie. L’iconographie représente la Sakti en train de danser sur le corps endormi de Siva, qui entrouvre les yeux. P. 96
L’Ordre et l'AccidentSi le taoïste vise à reconquérir l’état naturel, c’est parce que être immortel signifie justement se réintégrer dans le mouvement rythmique du cosmos, se réengendrer sans cesse comme l'année et ses saisons, le siècle et ses années. P. 115
Dans le confucianisme, le processus de sublimation fut la culture : imitation de la nature et des classiques ; dans le protestantisme, la répression morale. Les deux attitudes s’expriment plastiquement, pour ainsi dire, dans leurs réactions opposées devant le sperme et l’excrément.
En Inde et en Chine, la conjonction a été le mode de relation entre les signes corps et non-corps. En Occident, ce fut la disjonction. Dans sa dernière phase, le christianisme exagère la séparation : condamnation du corps et de la nature dans l’éthique protestante. L’autre pôle de la relation (esprit, âme) est fort éloigné du Tao de Lao-tseu, de la vacuité de Nâgârjuna ou de l’ordre naturel de Confucius : le royaume idées et des essences incorruptibles. Divorce entre le ciel et la terre : la vertu consiste à sacrifier la nature pour mériter le ciel. Dans son ultime phase, le christianisme engendre la société a-religieuse moderne et substitue à la verticale entre les termes, la relation horizontale le ciel devient histoire, futur, progrès ; la nature et le corps, sans cesser d’être ennemis, cessent d’être objets de condamnation, pour devenir sujets de conversion. […]
La conquête, domination et conversion de la nature, a des racines théologiques, bien que ceux qui l’entreprennent aujourd’hui soient des hommes de sciences a-religieux, voire athées. La société contemporaine a cessé d’être chrétienne, mais ses passions sont celles du christianisme. Bien que notre science et notre technique ne soient pas religieuses, leur nature est chrétienne : elles sont inspirées par la fureur pieuse des croisés et des conquistadores qui ne vise plus à la conquête des âmes mais à celle du cosmos. P 123Il suffit de feuilleter une revue de mode pour constater l’état lamentable auquel le nouveau matérialisme a réduit la forme humaine : les corps de ces femmes sont l’image même de l'ascétisme, de la privation et du jeûne.
La disjonction occidentale, contrairement à ce qui se passait dans la conjonction orientale, empêche le dialogue entre le non-corps et le corps et nous entraîne fatalement à accumuler les sublimations. Or, comme le dit Brown, « la voie de l'accumulation des sublimations est aussi la voie de l’accumulation de l’agression ». Le résultat est l’explosion. Il n'est pas nécessaire de décrire en détail les atrocités de l'Occident. J‘admets volontiers, d’ailleurs, que celles des autres civilisations n’ont pas été moins terribles. Un revanche, j'insisterai sur un élément : la tonalité spécifique de la violence occidentale. Pour l'Occident chrétien, les sociétés étrangères ont toujours été l'incarnation du mal : on a vu en elles l’ennemi du non-corps ; les sociétés étrangères (sauvages et civilisées) étaient des manifestations du monde inférieur : corps. Et elles furent traitées comme des corps, avec la rigueur que mettaient les ascètes à châtier leurs sens. […]
Pour le protestantisme, le fossé était devenu infranchissable, résultat : l'extermination des Indiens d’Amérique ou leur internement les « territoires réservés ». […]
D’une manière ou de l’autre, par le rite ou par la résignation philosophique, l’homme pouvait réconcilier avec son malheur. Une telle réconciliation, illusoire ou non, possédait une vertu spécifique : celle d’insérer le malheur dans l’ordre cosmique et humain, de rendre l’exception intelligible, de donner un sens à l’accident. P. 126, 127L’Accident est devenu un paradoxe de la nécessité : il possède la fatalité et l’indétermination de la liberté. Le non-corps, transformé en science matérialiste, est synonyme de la terreur : l’Accident est, un des attributs de la raison que nous adorons. Attribut redoutable comme la corde de Siva ou le foudre de Jupiter. La morale chrétienne lui a cédé ses pouvoirs de répression, mais, en même temps, toute prétention morale a disparu de ce pouvoir surhumain. C’est le retour de l'angoisse des Aztèques, quoique sans présages ni signes célestes. La catastrophe devient banale et dérisoire, parce que l’Accident, en fin de compte, n'est qu’un accident. P. 129
La relation de conjonction empêcha, dans l'Asie ancienne, le développement excessif du sadisme et du masochisme. Aucune civilisation, sauf peut-être l’aztèque, ne peut offrir un art capable de rivaliser en férocité sexuelle avec celui de l'Occident. Mais il y a une différence : l’art des Aztèques a été une sublimation religieuse, alors que le nôtre est profane. Lorsque je parle de cruauté, je ne me réfère pas aux sanglantes représentations de l’art religieux de la fin du Moyen Age, ni à celles de la Contre-Réforme en Espagne ; je veux parler de l’art moderne, du XVIII siècle à nos jours. Sade est unique parce que, dans cette matière, l’Occident a été unique. La relation entre non-corps et corps prend, dans les œuvres érotiques européennes, la forme : torture et orgasme. La mort comme aiguillon du plaisir et comme maîtresse de la vie. De Sade à l'Histoire d’O, notre érotisme est un hymne funèbre ou une pantomime sinistre. Chez Sade, le plaisir débouche sur l'insensibilité : à l’explosion sexuelle succède l’immobilité de la lave refroidie. Le corps devient couteau ou pierre ; la matière, le monde naturel qui respire et palpite, se transforme en une abstraction : un syllogisme acéré qui supprime la vie et finit par s’égorger lui-même. Curieuse condamnation : il se tue et ainsi revit, pour se tuer à nouveau. P. 130
L’histoire du corps dans la phase finale de l’Occident est celle de ses révoltes. A ma connaissance, à aucune autre époque et dans aucune autre civilisation, l’élan érotique ne s'est manifesté comme une subversion pure ou à prédominance sexuelle. Je veux dire : l’érotisme est plus qu’une simple urgente nécessité sexuelle, il est une expression du corps. Or, le signe corps n’est pas indépendant ; il est une relation et toujours un vers, un face à, un contre ou un avec le signe non-corps. La rébellion de l’Occident semble indiquer que la disjonction entre les signes a atteint un tel degré que leur relation tend à disparaître presque totalement. […]
Il n’y a pas d’érotisme sans référence au non-corps, de même qu’il n’y a pas de religion sans référence au corps, La sexualité pure n’existe pas chez les hommes, ni sans doute chez les animaux supérieurs. Réalité chez les espèces inférieures, c’est un mythe, une idée, parmi les hommes. La fonction de l’érotisme, dans toutes les sociétés, est double : d’une part, il est une sublimation et une transmutation imaginaire de la sexualité, et à ce titre sert le non-corps ; d’autre part, il est une ritualisation et une actualisation des images, et à ce titre sert le corps. P. 132 - 134En occident, depuis le XVIII siècle, l’érotisme a été intellectuel et révolutionnaire. Les philosophes libertins ont été d’abord athées et matérialistes, accessoirement sensualistes et hédonistes. Leur érotique était la conséquence de leur matérialisme et de leur athéisme, un aspect de leur polémique contre les pouvoirs répressifs de la monarchie et de l’Église. Le combat entre les signes corps et non-corps est devenu un débat et la lutte est passée du domaine des images, des symboles et des rites, à celui des idées et des théories. P. 135
Tout n’est pas hygiène et confort dans la société industrielle développée. Outre que la fantaisie et la volupté en sont absentes, il y a aussi la dégradation du corps. La science a réduit celui-ci à une série de combinaisons moléculaires et chimiques ; le capitalisme l'a réduit à un objet d’usage, comme les autres produits manufacturés. La société bourgeoise a divisé l’érotisme en trois zones : l’une, dangereuse, du code pénal ; l’autre, du ministère de la Santé publique et du bien-être social ; la troisième, de l’industrie des spectacles. L’orgasme est le but universel — un parmi ceux de la production, et plus rapide et éphémère que les autres. L’éthique protestante a sublimé l’excrément ; le capitalisme a introduit le principe de la production rationnelle en matière d’érotisme. […]
La vérité est que l’art contemporain ne nous a pas donné une image du corps : c’est là une mission que nous avons confiée aux couturiers et aux agents de publicité. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’un défaut de l’art actuel, mais d’une carence de notre société. L’art révèle, célèbre ou consacre l’image du corps que chaque civilisation invente. Ou plutôt, l’image du corps ne s’invente pas : elle jaillit, elle se détache comme un fruit ou un enfant du corps du monde. L’image du corps est le double de celle cosmos, la réponse humaine à l’archétype universel non humain. P. 142, 143Corps et monde se caressent ou se déchirent, se reflètent ou se nient : les Vierges de Chartres sourient comme les jeunes filles crétoises, mais leur sourire est différent : elles sourient à Un autre monde - à l’autre monde. […] L’univers se dédouble dans le corps, qui est son miroir et sa créature. Notre époque est critique : elle a détruit l’ancienne image du monde et n’en a pas créé une autre, Aussi n’avons-nous pas de corps. Art de la désincarnation, comme chez Mallarmé, ou art hilarant et terrifiant comme dans la peinture de Marcel Duchamp. P. 144
Le déclin du futur est un phénomène qui se manifeste, bien entendu, là où il a brillé comme un véritable soleil : dans la société occidentale moderne. Voici deux exemples de sa décadence : la crise de la notion d'avant-garde dans le domaine de l'art, et l’irruption violente de la sexualité. La forme extrême de la modernité en art est la destruction de l’objet ; cette tendance, qui se manifeste d'abord comme une critique de la notion d’« œuvre d’art », atteint aujourd’hui son point culminant dans une négation de la notion même d’art. Le cercle se ferme, l’art cesse d’être « moderne » : il est un présent instantané. Pour ce qui est de la sexualité et du temps : le corps n’a jamais cru au progrès. sa religion n’est pas le futur mais l’aujourd’hui. P. 150
La situation de l’art, cet autre héritier du christianisme, n’est pas meilleure. Sa prostration n’est pourtant pas la conséquence de la rigidité intolérante d’un système, mais plutôt de la confusion de tendances et de manières. L’art vit et meurt de sa maladie congénitale : le style. Il n’est pas, d’art qui n’engendre un style et il n’est pas de style qui ne finisse par tuer l’art. En introduisant l’idée de révolution dans l’art, notre époque a créé une pluralité de styles et de pseudo-styles. Cette abondance aboutit à une autre abondance : celle de styles mort-nés. Les écoles prolifèrent et se répandent comme une tache fongueuse jusqu’à ce que leur abondance même finisse par faire disparaître les différences entre les diverses tendances ; les mouvements vivent ce que vivent les insectes : quelques heures ; l’esthétique de la nouveauté, de la surprise et du changement aboutit à l’imitation, à l’ennui, à la répétition… Que nous reste-t-il ? En. premier lieu, l’arme des moribonds : l’humour. Comme l'a dit le poète irlandais Patrick Kavenagh au médecin qui l'examinait : « I'm afraid I’m not going to die… » Il nous reste à nous gausser de la mort et, ainsi, à la conjurer. Il nous reste à recommencer. P. 152L'homme perpétuellement expulsé, projeté vers le temps et en quête d'un autre temps — un temps prohibé, inaccessible : le maintenant. Non l’éternité des religions, mais l’incandescence de l’instant : consommation et abolition des dates. Quel est la voie qui mène à ce présent ? André Breton a parlé quelque part de la possibilité d’intégrer dans la vie moderne un sacré extra-religieux, composé du triangle de l’amour, de la poésie et de la rébellion. Ce sacré ne peut émerger que du fond d’une expérience collective. La société doit le manifester, l'incarner, le vivre, et ainsi se vivre, se consommer. La révolte comme voie de l’illumination. Ici et maintenant : saut sur l'autre rive. P. 155
– FRANCIS BACON, LOGIQUE DE LA SENSATION PAR GILLES DELEUZE
Pitié pour la viande! Il n'y a pas de doute, la viande est l'objet le plus haut de la pitié de Bacon, son seul objet de pitié, sa pitié d'Anglo-Irlandais. (...) La viande n'est pas une chair morte, elle a gardé toutes les souffrances et pris sur soi toutes les couleurs de la chair vive. Tant de douleur convulsive et de vulnérabilité, mais aussi d'invention charmante, de couleur et d'acrobatie. Bacon ne dit pas « pitié pour les bêtes » mais plutôt, tout homme qui souffre est de la viande. La viande est la zone commune de l'homme et de la bête, leur zone d'indiscernabilité, elle est ce « fait », cet état même où le peintre s''identifie aux objets de son horreur ou de sa compassion. Le peintre est boucher certes, mais il est dans cette boucherie comme dans une église, avec la viande pour Crucifié, peinture de 1946. C'est seulement dans les boucheries que Bacon est un peintre religieux.
– ARTICLE : SUR L'ART ET LA RESISTANCE PAR GILLES DELEUZE, EXTRAITS DE SA LECTURE À LA FEMIS LE 17.05.1987
Malraux
Quel est le rapport de l’œuvre d’art avec la communication ? Aucun. Aucun, l’œuvre d’art n’est pas un instrument de communication. L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication. L’œuvre d’art ne contient strictement pas la moindre information. En revanche, il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance. Alors là, oui. Elle a quelque chose à faire avec l’information et la communication, oui, à titre d’acte de résistance, quel est ce rapport mystérieux entre une œuvre d’art et un acte de résistance ? Alors que les hommes qui résistent n’ont ni le temps ni parfois la culture nécessaire pour avoir le moindre rapport avec l’Art, je ne sais pas. Malraux développe un bon concept philosophique. Malraux dit une chose très simple sur l’Art, il dit : "c’est la seule chose qui résiste à la mort". Je dis revenons à mon truc de toute à l’heure, au début, sur qu’est-ce que c’est, qu’est-ce qu’on fait quand on fait de la philosophie ? On invente des concepts. Et je trouve que là, c’est la base d’un assez beau concept philosophique. Réfléchissez… Alors oui, qu’est-ce qui résiste à la mort. Ben oui, sans doute, il suffit de voir une statuette de trois mille ans avant notre ère pour trouver que la réponse de Malraux est une plutôt bonne réponse. Alors on pourrait dire, alors moins bien, du point de vue qui nous occupe, ben oui, l’Art c’est ce qui résiste, c’est ce qui résiste et c’est être non pas la seule chose qui résiste, mais c’est ce qui résiste. D’où ; d’où le rapport, le rapport si étroit entre l’acte de résistance et l’art, et l’œuvre d’art. Tout acte de résistance n’est pas une œuvre d’art bien que, d’une certaine manière elle en soit. Toute œuvre d’art n’est pas un acte de résistance et pourtant, d’une certaine manière, elle l’est. Quelle manière mystérieuse là il nous faudrait là peut-être, je ne sais pas, là il nous faudrait une autre réflexion, une longue réflexion pour… ce que je veux dire c’est, si vous me permettez de revenir à :“Qu’est-ce qu’avoir une idée en cinéma ? ou qu’est-ce qu’avoir une idée cinématographique ?“. lorsque je vous disais, prenez le cas, par exemple, entre autre, des Straub lorsqu’ils opèrent cette disjonction voix/sonore dans des conditions telles que… remarquez l’idée ah ah elle est… d’autres, de grands auteurs l’ont prise d’une autre manière, je crois chez les Straub, ils la prennent de la manière suivante : cette disjonction, encore une fois, la voix s’élève, elle s’élève, elle s’élève, elle s’élève et encore une fois, ce dont elle nous parle passe sous la terre nue, sous la terre déserte, que l’image visuelle était en train de nous montrer, image visuelle qui n’avait aucun rapport avec l’image sonore, ou qui n’avait aucun rapport direct avec l’image sonore. Or quel est cet acte de parole qui s’élève dans l’air pendant que son objet passe sous la terre ? Résistance. Acte de résistance. Et dans toute l’œuvre des Straub, l’acte de parole est un acte de résistance. De Moïse au dernier Kafka, ah… en passant par, je cite pas dans l’ordre, je ne sais pas l’ordre, un Non réconciliés jusqu’à Bach. Rappelez vous, l’acte de parole de Bach, c’est quoi ? C’est sa musique, c’est sa musique qui est acte de résistance ; acte de résistance contre quoi ? C’est pas acte de résistance abstrait, c’est acte de résistance contre et de lutte active contre la répartition du profane et du sacré. Et cet acte de résistance dans la musique culmine dans un cri. Tout comme il y a un cri dans Woyzek, il y a un cri de Bach : "dehors, dehors, allez vous en, je ne veux pas vous voir". Ça, c’est l’acte de résistance. Alors quand les Straub le mettent en valeur ce cri, ce cri de Bach, ou quand ils mettent en valeur le cri de la vieille schizophrène dans, je crois, Non réconciliés, etc..., tout ça, tout doit en rendre compte d’un double aspect. L’acte de résistance, il me semble, a deux faces : il est humain et c’est aussi l’acte de l’Art. Seul l’acte de résistance résiste à la mort, soit sous la forme d’une œuvre d’art, soit sous la forme d’une lutte des hommes.
Et quel rapport y a-t-il entre la lutte des hommes et l’œuvre d’art ?
Le rapport le plus étroit et pour moi le plus mystérieux. Exactement ce que Paul Klee voulait dire quand il disait "Vous savez, le peuple manque". Le peuple manque et en même temps, il ne manque pas. Le peuple manque, cela veut dire que — il n’est pas clair, il ne sera jamais clair — cette affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et un peuple qui n’existe pas encore n’est pas ne sera jamais claire. Il n’y a pas d’œuvre d’art qui ne fasse pas appel à un peuple qui n’existe pas encore. Alors, enfin, bon ben, il est très … et bien voila, je suis profondément heureux de, de votre très grande gentillesse de m’avoir écouté, et je vous remercie beaucoup.
Jean-Pierre Sergent, Besançon le 30 décembre 2021
2022
– ARTICLE : NEUROSCIENCES : COMMENT L'ART NOUS GUÉRIT, ELSA MOURGUES, FRANCE CULTURE, 07.01.2021
Les multiples bienfaits de l'Art
Les bienfaits de l’Art sont connus depuis des millénaires d'après le docteur Pierre Lemarquis, neurologue :
C’est Aristote qui a peut-être le premier conceptualisé l’effet cathartique de l’Art. Il nous dit dans son art poétique que si on va au théâtre, le fait de regarder les acteurs ça nous permet de vivre par transitivité leurs émotions et donc peut-être de se purger de nos pulsions. Aristote est confirmé par les travaux des neurosciences. [...]
L'Art, ce médicament
En observant un tableau, on ressent une palette d’émotions, de sensations. C’est en partie parce que l’art provoque des réactions chimiques dans notre cerveau.
"On peut considérer qu’il agit presque comme un médicament parce que qu'est-ce qu’on trouve comme substances qui sont sécrétées en réaction en particulier à une œuvre d’art ? On va avoir de la dopamine, il y a certainement sécrétion de sérotonine, ce qu’on trouve dans tous les antidépresseurs, on va avoir aussi des effets sur la morphine endogène." [...]
"On sait aussi que quand on voit une œuvre d’art, par exemple si on voit la Joconde, notre cerveau fonctionne comme si on était réellement en face d'une femme, face à Mona Lisa. Comme si on était en train de discuter avec elle. Curieusement, les œuvres d’art qui ne sont pas des entités biologiques, sont perçues par notre cerveau comme si c’était des personnes vivantes.
En assimilant l’Art à des personnes, notre cerveau active les "neurones miroirs" liés aux circuits de l’empathie, ce qui explique qu’une chanson puisse vous réconforter. L’Art active aussi les circuits neuronaux du plaisir et de la récompense stimulant notre goût de vivre. [...] « Un jour on saura peut-être qu’il n’y avait pas d’art mais seulement de la médecine. » J. M. G. Le Clézio
« Dans les traditions tribales de l'Afrique ancienne, les masques étaient portés par les danseurs de cérémonie. Chaque masque organique transformait le porteur en l'esprit spécifique du masque. Cet état de transe était obtenu par la musique et la danse traditionnelles. Un médium entre les humains et les dieux. »
– ÉMISSION RADIO : "À REBOURS", LA NATURE MONSTRUEUSE DE J.K. HUYSMANS, LES CHEMINS DE LA PHILOSOPHIE PAR ADÈLE VAN REETH, FRANCE CULTURE, 31.12.2020
En 1884, l'écrivain Joris-Karl Huysmans signe un roman anti-romantique, décadent, noir, dur, le parangon de la fin de siècle : 'À rebours', qui décrit la dimension monstrueuse et morbide de la nature. Pourquoi un tel rejet ? La nature peut-elle être morbide, dangereuse, mauvaise ?
Qui pourrait, aujourd'hui, dire qu'il préfère l'artificiel au naturel ? Le papier-peint aux fleurs ? Le caoutchouc aux pétales frais ou le métal flamboyant aux tiges élancées ?
En 1884, bien avant nos "retours à la nature", et en plein mouvement naturaliste, il y en a pourtant eu un, au moins :
un personnage à rebours, né d'une imagination à rebours, pour qui le végétal n'avait rien d'un havre de paix ou de la culture joyeuse et collective, mais tout d'un monstre à la fois dangereux et paresseux...
Ce personnage, c'est Jean des Esseintes, et son créateur, Joris-Karl Huysmans, dont le dégoût des fleurs, de leurs couleurs et de leurs parfums, inspire encore aujourd'hui les écrivains solitaires et les rockers décadents !
L'invitée Françoise Court-Perez, spécialiste de la littérature du XIXème siècle :'À rebours' s’oppose à Rousseau, la bonté, la nature de l’homme et la nature naturelle. Il y a un anti-romantisme dans ce livre, quand 'Les Rêveries du promeneur solitaire' annonçait le romantisme. On pourrait être plutôt dans une lignée de préciosité noire, dure. Je pense que le mot que je retiendrais c’est parangon, ce livre est le parangon de la décadence, de la fin de siècle. "À rebours" est à rebours de tout… C’est un rejet global de ce qui est vie et de ce qui est vivant dans une époque.
L'influence de Baudelaire
Baudelaire est au cœur d’'À rebours'. Il récuse la beauté naturelle de la femme, avec cette phrase célèbre : « la femme est naturelle c’est-à-dire abominable », dans un article sur l’éloge du maquillage en 1863. Il considère que l’Homme doit s’élever au-delà de la nature et que la femme doit emprunter tous les arts, tous les moyens, donc le maquillage, pour s’élever au-dessus de la nature. Baudelaire se considère comme un artiste-philosophe, il a une pensée culture/anti-nature qui trouve la légitimation du maquillage pour la femme qui n’est pas concevable comme une beauté nue.
Pourquoi rejeter la nature ?
Le décadent se veut une race finissante, il a horreur, comme Schopenhauer, de la procréation, de la reproduction. Dans 'À rebours', on est dans la recherche d’un raffinement qui est aussi une quintessence. Tout ce qui est reproduction est répugnant. La femme est répugnante parce qu’elle procrée, en grande partie, et l’assimilation de la femme à la fleur fait mieux comprendre le rejet de la fleur… Et dans 'À rebours', il est souvent question de fleurs…
« Je pense qu'une œuvre d'art ça met de l'ordre. […] J'aime beaucoup la poésie des russes, car c'est pour eux une question de vie ou de mort. La poésie ou la littérature ne sont jamais là juste pour faire beau, pour faire des êtres de bons les citoyens…» Fanny Ardent, Le grand atelier, France Inter, 9.01.2022
– ARTICLE: HOW TO BE AN ARTIST, ACCORDING TO GEORGIA O’KEEFFE, BY ALEXXA GOTTHARDT, ARTSY
« Great artists don’t just happen, any more than writers, or singers, or other creators. » O'Keeffe said. « They have to be trained, and in the hard school of experience. » […]
« Success doesn’t come with painting one picture. It results from taking a certain definite line of action and staying with it,” she continued. "I believe in having everything and doing everything you want.» she once wrote, « If you really want to—and if you can in any possible way. » Indeed, O’Keeffe lived her dream uncompromisingly and ecstatically. To this day, she continues to inspire others to do the same.
« Les grands artistes n'arrivent pas par hasard, pas plus que les écrivains, les chanteurs ou les autres créateurs. » a déclaré O'Keeffe. « Ils doivent être formés, et à la dure école de l'expérience. » [...]
« Le succès ne vient pas en peignant un seul tableau. Il résulte de l'adoption d'une certaine ligne d'action définie et du maintien de cette ligne, », a-t-elle poursuivi. « Je crois qu'il est possible de tout avoir et de faire tout ce que l'on veut. », a-t-elle écrit un jour, « Si on le veut vraiment - et si on le peut par tous les moyens possibles. » En effet, O'Keeffe a vécu son rêve sans compromis et de manière extatique. Aujourd'hui encore, elle continue d'inspirer les autres à faire de même.
Une vision holiste des mondes amérindiens : "Les Inuits ont une perception du monde qui les entoure comme un tout qui intègre l'ensemble des éléments, qu'ils soient humains ou non humains, qu'ils soient vivants ou non vivants et qui fait que pour eux tout ceci est un tout et que l'ensemble du territoire est habité." Claire Houmard, émission France culture, Inuits : la fureur de survivre, 11/01/2022
– FILM : LE CHIEN JAUNE DE MONGOLIE
Phrase de fin du film : « Quand j’ai envie de jouer avec toi, tu dors ! Dors petit chien ! Peut- être que tu étais un fainéant dans ta vie antérieure…? » Dit l’'héroïne' Nansa, la petite fille de 6 ans à son petit chien blanc et roux Zochor. Ce film est vraiment magnifique, plein de tendresse entre les 5 acteurs ainsi qu’avec la nature environnante. Une autre petite fille y parle même de girafe dans les nuages du ciel, en pleine Mongolie... On regrette parfois de n’être pas né dans de tels endroits si paisibles, idylliques mais restant cependant soumis aux aléas climatiques, à la sauvagerie des loups et du 'nouveau' progrès économique.
Mon travail est intrinsèquement et profondément anarchique.
– LIVRE : DE LA VANITÉ, MONTAIGNE
S’il nous en reste en gros de quoi faire notre effet (de l'argent), cet excès de la libéralité de la fortune, laissons-le un peu plus courir à sa merci (de son serviteur) ; la portion du glaneur*. P. 25
* Cette étonnante 'portion du glaneur' (à utiliser comme titre d'expo) est exactement celle-là que j'utilise dans mon travail. En effet, je récupère, cueille et glane, tout ce qui est gratuit et généreusement offert : les laissés pour compte et les rebus que nous 'offre' cette société de consommation profuse : principalement les images pornographiques mais pas que, circulant, inondant d'un flux continu, ininterrompu et infini le web ; pour édifier, nourrir et construire mon corpus d'images afin de les réinterpréter, les recycler, les redynamiser dans mes œuvres, démarche humble et vertueuse donc.
Le poète, dit Platon, assis sur le trépides Muses, verse de furie tout ce qui lui vient en la bouche, comme la gargouille d’une fontaine, sans le ruminer et peser, et lui échappe choses de diverse couleur, de contraire substance et d’un cours rompu. Lui-même tout poétique, et la vieille théologie poésie, disent les savants, et la première philosophie. C'est l'originel langage des Dieux. P. 108
L'Art donc, comme la poésie pour Montaigne, est cette source, cette force vitale, ce langage des dieux, qui jaillit du fond de la terre et que rien ne peut ni contenir, ni atténuer et qu'il faut nécessairement laisser sourdre tel quelle.
Horace, Ode 16 du livre III : « Plus nous nous privons, plus les dieux nous apportent. Démuni de tout, je rejoins cependant le camp de ceux qui ne désirent rien… À qui demande beaucoup, il manque beaucoup. »
"Je me console aisément de ce qui adviendra ici quand je n'y serai plus ; les choses présentes m'embesognent assez : « Je confie le reste à la Fortune. » Ovide, Métamorphoses, livre XI." P. 115
LA PORTION DU GLANEUR
J'aime à ce que mes pentures aient, à la fois : la présence physique d'un Veermer, la puissance sexuelle d'un Pollock et la spiritualité profonde d'un Rothko.
PULSIONS D'ART INFINIES | INFINITE ART IMPULSES
– ARTICLE : "LES YANOMAMI NOUS METTAIENT DES BÂTONS DANS LES ROUES. SI NOUS N'AVIONS PAS PRIS LEUR FORÊT, NOUS N'AURIONS PAS D'OR !" PAR BARBARA NAVARRO
Comme le dit le porte-parole des Yanomami, Davi Kopenawa, dans son livre La chute du ciel (excellent livre et témoignage vivant et émouvant d'un des derniers chamans) :
La terre entière du Brésil était autrefois occupée par des gens comme nous. Aujourd'hui, il est presque vide, et c'est la même chose partout. Les premiers habitants de la forêt ont presque tous disparu. Ceux qui existent encore ici et là ne sont que le reste du grand nombre que les blancs ont tué, il y a longtemps, pour s'emparer de leurs terres. Puis ... ces mêmes blancs n'ont pas eu peur de s'éprendre des objets dont ils dévoraient les propriétaires comme des ennemis. [...]
Depuis lors, ils gardent ces biens enfermés dans les vitres de leurs musées pour montrer à leurs enfants ce qui reste de ceux que leurs aînés ont tués. Mais quand ils seront grands, ces enfants ne demanderont-ils pas : "Hou ! Ces choses sont vraiment belles, mais pourquoi avez-vous détruit ceux qui les possédaient ?". Alors leurs pères répondront : "Ma ! Si ces gens étaient encore en vie, nous serions encore pauvres. Ils nous barraient la route. Si nous ne nous étions pas emparés de leur forêt, nous n'aurions pas d'or.
Écrire un texte ou citer : "Le Gudimallam Lingam a été daté entre le 3e et le 1er siècle avant notre ère. Le pilier phallique (La représentation de la forme phallique à Gudimallam Lingam connote tout le contraire dans ce contexte. Elle contextualise la "rétention séminale" et la pratique du célibat et représente Shiva comme "il représente le contrôle complet des sens et le renoncement charnel suprême") est anatomiquement précis et représente Shiva avec une antilope et une hache dans les mains, debout sur les épaules d'un Démon Nain." Wiki.
Déf.: Serendipity: The faculty of making fortunate discoveries by accident. (Fr: heureux hazard)
IMAGE : "Shiva en Nataraja exécutant la "danse de la félicité furieuse". Shiva est vu ici comme le créateur, le conservateur et le destructeur de l'univers, dansant dans le vide du cosmos jusqu'à sa réalisation. Le tambour symbolise le rythme de la vie et les flammes représentent la destruction cosmique." Inde, 950 - 1000 AD.
– ARTICLE : ALLAN SAVORY, ÉCOLOGISTE, ZIMBABWE
Les gens parlent de la Science en termes brillants. Qu'est-ce que la Science ? Les gens sortent de l'université avec un master ou un doctorat et ensuite, vous les emmenez sur le terrain et ils ne croient littéralement rien à moins que ce soit dans un article revu par les pairs, c'est la seule chose qu'ils acceptent. Vous leur dites : observons, réfléchissons, discutons... Ils ne le font pas ! Ils disent : est-ce que c'est dans un article scientifique ou pas ? C'est leur vision de la Science. Je pense que c'est pathétique ! Ils entrent dans les universités comme de brillants jeunes gens ; ils en sortent lobotomisés ! Ils ne savent même pas ce que signifie la Science. Ils pensent que ça veut dire uniquement ce qu'il y a dans des articles scientifiques et rien de plus… Non, c'est de l'académisme et si un papier est revu par les pairs, ça veut dire... que tout le monde pensait la même chose, donc ils l'ont prouvé. Une conséquence involontaire est que lorsque de nouvelles connaissances émergent, comme de nouvelles idées scientifiques... elles ne peuvent jamais être revues par des pairs donc nous bloquons toutes les nouvelles avancées scientifiques qui sont des avancées importantes. Si vous regardez les avancées historiques dans la Science, presque toujours, elles ne viennent pas du centre de certaines professions mais elles viennent de la périphérie, des frontières, des espaces non explorés. Les meilleurs fabricants de bougies du monde ne pouvaient même pas penser à la lumière électrique. Les percées ne viennent pas de l'intérieur, elles viennent souvent de l'extérieur des constructions techniques et intellectuelles. Nous allons tuer toute l'humanité à cause de cette stupidité.
Je pense que nous vivons aujourd'hui, tous ensemble et mondialement, une période de rumination, d'interrogation, de remise en cause, de mise en abîme et de stupéfaction, devant les mondes et modes religieux et traditionnels qui semblent s'écrouler, politiquement et même démocratiquement. Mais surtout, et ce qui n'a jamais été le cas auparavant, de la disparition, de l'effacement des espèces du vivant et de la nature de notre planète. Cette prise de conscience et ce rejet de cet avènement, de cette mise en place uniformisatrice planétaire d'un monde totalement futile, superficiel, a-théiste, a-spirituel, consumériste et matérialiste, se retrouve particulièrement présent dans les travaux de beaucoup d'artistes contemporains, qui traitent justement de ces sujets avec effarement et grand désespoir mais dont les travaux n'ont malheureusement plus que l'énergie de ces souffrances et de ces désespoirs induits.
Inutile de citer ici la liste innombrable de ces artistes contemporains mais on pourrait bien évidement citer, en contre-exemple de cet état d'art désespérant : les travaux de Francis Bacon et d'Anselm Kieffer, dont presque toutes les peintures sont, pour la plupart, similairement en rapport et en réaction aux atrocités de la deuxième Guerre Mondiale mais dont cependant, il se dégage une certaine énergie vitale résiduelle qui est consubstantielle à la vie, étant même parfois d’une insupportable souffrance... Ces pauvres énergies désespérantes, ces derniers souffles de vie, ne sont même plus présents dans les travaux d'artistes des générations suivantes, peut-être n'ont-ils pas encore assez souffert ?
« Je suis la création, je suis la compassion, je suis kalyani, je suis mahakali. »
– ARTICLE: JOAN MITCHELL ON HOW TO BE AN ARTIST, ALEXXA GOTTHARDT, ARTSY, 10.11.2018
LET FEELING BE YOUR GUIDE
Mitchell placed feeling and painting on the same pedestal: both gave meaning to life. « Feeling is something more: It’s feeling your existence. » she said to Michaud. « Painting is a means of feeling 'living'. »
WHEN YOU’RE STUCK, LOOK TO NATURE
« Through the window I saw two fir trees in a park, and the grey sky, and the beautiful grey rain, and I was so happy, » she said. « It had something to do with being alive. I could see the pine trees, and I felt I could paint. » [...] « I carry my landscapes around with me. »
"FRAME" THE EXPERIENCES THAT MOVE YOU
Mitchell followed a unique ritual to remember the many objects, colors, and experiences that moved her. She called it 'framing'—a means of paring an event down to a single image, and then storing it her mind, like a metaphysical mood board. [...]
« I 'frame' everything that happens. » Mitchell kept a treasure trove of images like these in her mind and drew on them, almost subconsciously, in the studio. In turn, she created abstract paintings that harnessed the feelings these memories inspired, rather than their physical qualities. Sandler, for his part, saw memory as an essential aspect of Mitchell’s process: « Memory, as a storehouse of indelible images, becomes her creative domain.» He wrote.
LOSE YOURSELF IN THE PROCESS
« I think that’s probably why I paint, because I don’t exist anymore. » [...] « When I am working, I am only aware of the canvas and what it tells me to do. » she told Michaud. « I am certainly not aware of myself. Painting is a way of forgetting oneself. »
In numerous interviews, she likened this process to riding a bicycle with no hands. « I am in it.…It is a state of non-self-consciousness. » she continued. « It does not happen often. I am always hoping it might happen again. It is lovely. »
« Because when I do paint, I am not aware of myself. As I said before, I am 'no hands,' the painting is telling me what to do. »
– ARTICLE: CELEBRATING SAKTI, THE FEMININE PRINCIPLE, MONIPIDA DEY, THE DAILY GUARDIAN, 02.14.2022
The concept of Mother Goddess worship is now lost (except perhaps surviving in token symbolisms) across the world, as religious orders broke down and changed over the course of human history. It however survives and thrives in India through its Sakti worship. This form of Devi worship, which started with the beginning of human civilization and still continues unbroken, is thus a joyous celebration of nature and womanhood.
Worship of the feminine principle or Sakti, also variously termed as the Devi, Matrikas or Mother Goddesses, is considered as the oldest religion in the history of human civilization, and the worshippers are known as Saktas. Here the Devi is not limited to being just a consort of a male devta (as Uma or Parvati in Shaivism, and Sridevi and Bhudevi in Vaishnavism), but here She is the one in focus as the main deity. This article will take a look at this worship of the feminine principle or Sakti from early human history, which wondrously still continues among the Hindu, Jain, and Buddhist communities.
GOING BACK IN HISTORYIn all ancient cultures or primitive societies women were seen as the foundation pillars upon whom rested the important tasks of giving birth and rearing the young, while teaching them what were seen as social norms, culture-heritage, behavioral habits, and traditions of those times. The women were seen as life producers with regenerative capacities, hence her organs that helped in procreation became the symbols of new life, and motherhood became the core figure in magic-religious cults of those times. The Paleolithic female figures found in abundance from various excavation sites with exaggerated maternal organs, stand as an evidence, showing the popularity of Mother Goddess worship in prehistoric times; a practice still popular in India, in a more developed form of worship of the Sakti or the feminine principle.
LOOKING AT THE INDIAN SCENARIORegarding the rites and rituals followed by the food gatherers and agricultural societies, the worship of mother goddess was at the core of all their magic-religious beliefs. However, the pastorals had a very different way of living, and they endured greater hardships in their daily lives. The pastorals were more dependent on a good leadership to protect their cattle, and this in turn gave rise to the development of community heroes and ancestors, who were worshiped and highly revered by the members of this community. Since the pastorals spent a large time under the open skies and endured the wrath of the nature in form of storms, harsh sun, or heavy rains, their gods were inevitably connected to the sky, in which nature and astral objects were personified as gods. The Supreme God of the pastorals is thus a man who leads and protects them, much like the headman of a joint patriarchal family. On the other hand, agricultural societies who are dependent on the earth to produce their crops developed the worship of feminine energy and the cult of Mother Goddesses, which involved rituals related to fertility and magic.
MOTHER GODDESSES AND FERTILITYBriffault who connected the red color with menstrual blood and fertility further said that in many countries across the world it was an ancient custom for women to color their bodies with red ochre in order to improve their chances of fertility. The same tradition is still seen in Hindu women who wear vermilion (sindur) after marriage, signaling their bindings to one man and the readiness to procreate, and it is for the same reason that widows and unmarried girls do not wear sindur. Holi, which is also a ritual of fertility, originally showed the profusion of color red.
In Tantric form of worship the focus remains on the rituals centering on the female genitals (lata sadhana), and the tantric yantras that symbolize female organs. During Durga puja a yantra known as sarvatobhadramandala symbolizing the female procreation organs is drawn on the ground in the form of alpona. Then a purnaghata or a purnakumbha symbolizing the womb is placed on it and sindurputtali or the figure of a baby is drawn on the ghata, and finally five leaves or amrapallava is placed on the ghata with a sindur-smeared coconut on top. Thus, this simple fertility ritual connects female regenerative powers of both humans and plants (human and natural fertility) to ensure continual procreation. […]
The concept of Mother Goddess worship is now lost (except perhaps surviving in token symbolisms) across the world, as religious orders broke down and changed over the course of human history. It however survives and thrives in India through its Sakti worship. This form of Devi worship, which started with the beginning of human civilization and still continues unbroken, is thus a joyous celebration of nature and womanhood that has the power to create new life, give birth, and keep the human species alive. « Je suis la création, je suis la compassion, je suis kalyani, je suis mahakali. »
– ÉMISSION TV : TWIST : LA CULTURE DE LA MÉMOIRE AUJOURD'HUI, ARTE, 13.02.2022
« Je ne signe plus rien, ras le bol de ce marché de l'art de merde. » Thomas Bayrle, artiste allemand [...]
La scène artistique ouest-allemande de l'après guerre : « Essayez de vous imaginer cette époque, c'était un autre monde et c'était très facile de provoquer alors. […] Aujourd'hui, les gens ne regardent plus les tableaux. ils voient juste 20 millions accrochés au mur. C'est très malheureux. » Markkus Lüpertz.
L'Art c'est comme la psychanalyse, ça ne sert absolument plus à rien (à moins qu'on y croie !) mais certains en profitent cependant pour faire beaucoup d'argent !
– ARTICLE: DO YOU RECOGNIZE THESE 10 MENTAL BLOCKS TO CREATIVE THINKING? | BY GARY BOLYER
Being a 'Serious' Person
« Most of what keeps us civilized boils down to conformity, consistency, shared values, and yes, thinking about things the same way everyone else does.
There’s nothing wrong with that necessarily, but if you can mentally accept that it’s actually nothing more than groupthink that helps a society function, you can then give yourself permission to turn everything that’s accepted upside down and shake out the illusions.
Leaders from Egyptian pharaohs to Chinese emperors and European royalty have consulted with fools, or court jesters, when faced with tough problems.
The persona of the fool allowed the truth to be told, without the usual ramifications that might come with speaking blasphemy or challenging ingrained social conventions. Give yourself permission to be a fool and see things for what they really are. »
L'Art, c'est ce qui permet à l'inconscient collectif, à l'âme du vivant, de rester en vie, de se régénérer. Les artistes en sont indéniablement les gardiens, les géniteurs et les responsables.
La situation contemporaine actuelle française est complètement 'marasmatique'.
– ARTICLE : LES PREMIERS PHARAONS ÉGYPTIENS VÉNÉRAIENT LES POISSONS-CHATS | NATIONAL GEOGRAPHIC, ELISA CARTEL
Cet humble résident du Nil n’est peut-être pas le premier animal qui vient à l’esprit quand on pense aux animaux sacrés de l’Égypte ancienne. Mais la résilience têtue et l’emprise des poissons-chats sur la mort étaient autrefois vénérées. […]
La capacité du poisson-chat à se déplacer dans les profondeurs troubles du Nil semble lui conférer des qualités magiques. Les Égyptiens croyaient que le poisson-chat avait le pouvoir de guider la barque solaire surmontée du disque solaire à travers l’obscurité de la Douât, l’au-delà égyptien. On pensait alors que l’au-delà était un royaume d’eau, le poisson-chat pouvait donc protéger les morts en plus des vivants.
– ÉMISSION TV LA GRANDE LIBRAIRIE, BRUNO LATOUR, MÉMO SUR LA NOUVELLE CLASSE ÉCOLOGIQUE, PAR FRANÇOIS BUSNEL, 23.02.2022
BL : Parfois, un changement de monde c'est comme un dormeur qui se retourne dans sur son lit, qui passe de sa gauche à sa droite. C'est pas plus compliqué que ça. […]
FB : On vous a entendu et c'est passionnant, non parler de ce que l'homme pouvait faire, comment on pouvait muter ? Et dieu dans tout ça ? […]
BL : C'est l'homme avec toutes les choses qui l'agite et qui l'anime et les divinités font partie des êtres dont nous dépendons. Alors ça, c'est quand même un fait anthropologique assez classique. […] On est toujours tenu par des méta-personnes qui nous font exister. Si c'est pas Dieu, c'est le progrès ou c'est le profit. […] Dieu est une vieille configuration, par contre, je crois à l'importance de comprendre la société en y ajoutant la religion. Donc mon intérêt pour la religion, c'est l'ensemble des liens qui permettent de comprendre le collectif mais ça n'a aucun rapport avec l'idée d'une espèce de substitution de la question écologique à la question religieuse. Ce qui est intéressant dans la question justement écologique, c'est qu'elle est mondaine, elle est laïc, elle n'est pas religieuse. Le fait de s'intéresser aux conditions d'existence terrestre. Ça peut-être religieux au sens traditionnel chrétien de l'incarnation. […] Par contre, le fait de vouloir atterrir, c'est par définition, mondain et profane ; c'est de retrouver un sens de la terre mais sans du tout se mettre à y amener quelque chose qui serait vraiment en haut ! Précisément, toutes ses métaphores du haut…
FB : On a besoin d'une transcendance ?
BL : Non pas du tout, la transcendance c'est la catastrophe dans laquelle on était… On y est dans la transcendance, avec le développement. […] on arrêtait pas de se développer, d'y aller vers ce monde utopique. Ça la transcendance, on en a eu, on a usé et abusé… La grande question, c'est précisément l'atterrissage, l'enfouissement, précisément le retour sur terre en quelque sorte. Et ces questions là, c'est justement celles qui ont été défaites, à chaque fois par le développement de cette théorie laïque, disons, qu'on appelle l'économisation, le développement, le progrès et la production. Tout ça c'est des thèmes religieux. C'était cette idée que l'on allait effectivement sortir de la misère, ce qui était évidemment très bien, mais aussi sortir du monde réel, humain, pour aller dans un monde transcendant, mais un transcendant très bizarre, qui était celui de l'utopie moderniste. Mais à partir du moment où vous vous dites : mais non, on n'a pas la terre qui correspond à cette utopie, cela veut dire qu'il faut abandonner un peu de regarder le ciel en attendant qu'il vienne vous sauver. C'est là qu'il faut regarder (en bas), d'ailleurs si il y a quelqu'un qui a fait ce travail de modification, c'est le Pape François dans son encyclique, qui m'intéresse beaucoup, parce que lui il fait pareil, il ne faut pas regarder en haut, mais vers le bas. Ce qui pour un Pape, est quand même assez costaud comme opération. De rediriger l'attention, précisément vers le bas. C'est une vieille tradition chrétienne, mais qui avait été oubliée.
– ARTICLE : À LA FONDATION GIANADDA, UN DUBUFFET TRÈS SAGE, JOURNAL DES ARTS
Sophie Duplaix, Conservatrice en Chef au Musée National d’Art Moderne (MNAM)-Centre Pompidou et Commissaire de l’exposition, remarque dans son éclairante introduction publiée dans le catalogue : « en laissant surgir, par le grattage, les couches de couleur sous-jacentes qu’il avait apposées sur la toile », l’artiste oppose métaphoriquement les « valeurs de la culture » aux « valeurs sauvages ».
Une plongée dans la matière
Ce désastre joyeux, voire ce massacre, s’amplifie avec la célèbre série des « Corps de dames » (1950-1951). Ces nus empâtés et atrocement déformés, à l’écart de toute idéalisation du corps féminin, ces corps ouverts aux enveloppes déchirées, scandaliseront par la gestualité de la touche à l’intérieur d’une morphologie grotesque et excessive. La formidable Métafizyx (1950), dont le sexe affronte brutalement le spectateur, a ainsi tout d’une idole archaïque.
Complète, la manifestation propose un échantillon de chaque période du « père » de l’Art Brut. Mais cette présentation, sage, est un peu trop convenue. On connaît la fameuse phrase de Jean Dubuffet : « L’Art doit surgir où on ne l’attend pas, par surprise. »
Ce monde est profondément choquant car aujourd'hui, même les artistes deviennent extrêmement cons. Ils ne sont plus que de pauvres comptables et représentants de commerce individualistes ne rêvant que de pouvoir et d'argent.
Before our white brothers came to civilize us we had no jails. Therefore we had no criminals. You can't have criminals without a jail. We had no locks or keys, and so we had no thieves. If a an was so poor that he had no horse, tipi or blanket, someone gave him these things. We were to uncivilized to set much value on personal belongings. We wanted to have things only in order to give them away. We had no money, and therefore a man's worth couldn't be measured by it. We had no written law, no attorneys or politicians, therefore we couldn't cheat. We really were in a bad way before the white men came, and I don't know how we managed to get along without these basic things which, we are told, are absolutly necessary to make a civilized society. Seeker of Visions
Avant que nos frères blancs ne viennent nous civiliser, nous n'avions pas de prisons. Par conséquent, nous n'avions pas de criminels. Vous ne pouvez pas avoir de criminels sans prison. Nous n'avions pas de serrures ni de clés et donc, nous n'avions pas de voleurs. Si un homme était si pauvre qu'il n'avait pas de cheval, de tipi ou de couverture, quelqu'un lui donnait ces choses. Nous étions trop peu civilisés pour accorder une grande valeur aux biens personnels. Nous voulions avoir des choses uniquement pour les donner. Nous n'avions pas d'argent, et la valeur d'un homme ne pouvait donc pas être mesurée à l'aune de celui-ci. Nous n'avions pas de loi écrite, pas d'avocats ni de politiciens, et nous ne pouvions donc pas tricher. Nous étions vraiment dans une mauvaise passe avant l'arrivée des hommes blancs, et je ne sais pas comment nous avons réussi à nous en sortir sans ces choses fondamentales qui, nous dit-on, sont absolument nécessaires pour faire une société civilisée. Chercheur de visions, John Lame Deer
– LIVRE : NOVALIS, LES DISCIPLES À SAÏS
L’intuition, en celui qui s’est arraché de tout et qui s’est fait une île de soi-même, l’intuition ne se lève pas d’elle-même, ni sans difficulté. Aux enfants seulement, ou aux hommes-enfants, qui ne savent pas ce qu’ils font, cela peut arriver. Une longue, une perpétuelle fréquentation, une contemplation libre et artiste, toute l’attention donnée aux moindres signes et aux indices les plus légers, une vie intérieure de poète, des sens exercés, une âme simple et religieuse, telles sont les choses exigées essentiellement d'un amant la Nature et à défaut desquelles, nul n’accomplira son désir. Il ne paraît pas sage de vouloir saisir et comprendre un monde humain sans être plein, soi-même, d’une humanité épanouie. Aucun des sens ne doit sommeiller, et s’ils ne sont pas tous également éveillés au même degré, il faut pourtant que tous soient sur le qui-vive, qu'aucun ne soit opprimé ni ne se relâche. P. 50
La nature tout entière n’exprime-t-elle pas, aussi bien que font le visage et le geste, le pouls et les couleurs, l’état où se trouve quelqu’un de ces êtres supérieurs et admirables que nous nommons les hommes ? Le roc, dès le moment que je lui parle, ne devient-il pas un authentique tu ? Et que suis-je d’autre moi-même, lorsque mélancoliquement je regarde dans ses ondes et que mes pensées se perdent dans son doux écoulement, si ce n’est le fleuve lui-même ? Seul un calme et gonflé de jouissance peut comprendre le monde des plantes, un enfant joyeux, seul, ou un sauvage, peu comprendre les animaux. Que quelqu’un ait jamais compris les pierres et les étoiles, je n’en ai pas connaissance ; mais il a fallu certainement que celui-là fût un être sublime. P. 69
La description faite avec soin de cette histoire du monde, intérieurement, est la véritable théorie de la Nature ; par la liaison en soi et la continuité de son monde spirituel, et par son harmonie avec l’Univers, se dessine de soi-même un système de pensée qui se fait l’image exacte et de la formule de l’Univers. Mais l’Art est difficile, de cette calme considération, de cette contemplation créatrice du monde ; sa pratique exige une méditation incessante et une sévère sobriété ; et la récompense n'en sera point l’applaudissement des contemporains, qui ont peur de la difficulté, mais seulement la joie de savoir et de veiller, la joie d'un intime contact avec l’Univers. […]
L’artiste a raison de mettre, au-dessus de tout, l’activité créatrice : son essence est, en effet, de produire et de créer avec science et volonté, et son art — l’instrument qui lui permet de se servir de tout — est de pouvoir, à sa façon, imiter l'Univers ; c'est pour cela que l’activité se fait le principe même de son monde, et que son monde est son art." P. 71, 72
POLYPHONIES : ARTS, CULTURES & CIVILISATIONS
– ARTICLE: KEITH HARING ON HOW TO BE AN ARTIST, ABIGAIL CAIN
Lesson #2: Create an artwork in a single sitting
« Pure art exists only on the level of instant response to pure life. » That’s not to dismiss the quality of historical paintings created over the course of several months or years, he noted. But in the midst of the computer age, art has evolved. « A modern artist has to produce images quickly and efficiently enough to keep up with our changing world, » he continued. […]
Drawing in snow, he noted later, was the perfect way to reflect these concepts. Because the images melt away almost immediately, it frees the artist to make more authentic, inventive, spontaneous work. « You draw fast and you are always aware that you are creating something very temporary, very auto-destructive, very instant. It goes quickly and there is not time to worry about it, » he explained. When you know that the work you’re creating is temporary, he continued, « Then you realize you are reacting instead of acting. Responding instead of contriving. Art instead of imitation. Primal response. »
Yet, he cautioned, don’t become an automaton. « The elements of chance, and magic, and spirit cannot be sacrificed in this quest » for efficiency, he said. […]Lesson #3: Leave the meaning of your art open-ended
The quickest way to kill your art, according to Haring, is to rigidly define it. « There is no need for definition, » he wrote. « Definition can be the most dangerous, destructive tool the artist can use when he is making art for a society of individuals. » That’s not to say an artist can’t have certain concepts or themes in mind when creating an artwork. But the « Artist’s ideas are not essential to the art as seen by the viewer.…The viewer does not have to be considered during the conception of the art, but should not be told, then, what to think or how to conceive it or what it means. »
This idea went hand in hand with his belief that artists should consider more than just the art world. « The viewer should be able to look at art and respond to it without wondering whether he ‘understands’ it. It does not aim to be understood! Who ‘understands’ any art?.…Nobody knows what the ultimate meaning of my work is because there is none.…It exists to be understood only as an individual response. »
Lesson #4: Lower the stakes
As an art student in New York, Haring found that using expensive materials like canvas actually inhibited his artmaking. « I’m paranoid about what it will look like ’cause I spent $12.00 on the painting, and I think it should be worth something, » he wrote. « However, when I paint on paper that I have found or purchased cheaply, and use ink that is watered down, I do a whole 4’ x 9’ painting for next to nothing. I love to paint. And you can see it in the work. »
Everything Haring made, he considered a work in progress. « The paintings are not final statements, » he wrote. « They can be changed, reshaped, combined, destroyed. » In November 1978, Haring created a 'painted environment' for the School of Visual Arts’s student gallery that involved altering —even destroying— older works for the sake of a new one.
« If a piece is final, that implies that it is perfect, or the purest form attainable, » he explained. « I do not believe I am capable of imitating the perfection of nature. » That mindset, he believed, kept him moving forward in his practice. « Risks are what make the difference between new ideas and re-worked old ideas. » he wrote.
« According to Bhagavat puran 8.7.44 a great personality always accepts voluntary suffering so that general people may not suffer much. This is the core philosophy of aghoris too. Hence one should not get afraid of them. »
« Selon le Bhagavat puran 8.7.44, une grande personnalité accepte toujours de souffrir volontairement, afin que le grand public ne souffre pas trop. C'est aussi la philosophie de base des aghoris. Il ne faut donc pas avoir peur d'eux. »
« Ancient Egyptian magical texts, red ink was used to mark the structure of the ritual so that one could quickly find one's way through long instructions. Often marked were the title of the ritual, the beginning of the invocation, the objects needed. »
« Dans les anciens textes magiques égyptiens, l'encre rouge était utilisée pour marquer la structure du rituel afin que l'on puisse se retrouver rapidement dans les longues instructions. Le titre du rituel, le début de l'invocation, les objets nécessaires étaient souvent marqués. »
Dèf. : Parvati (autre nom de la déesse: Umā) est une déesse hindoue. Son nom signifie « femme de la montagne ». Elle est la réincarnation de Sati, la première épouse de Shiva, qui s'est immolée dans le feu sacrificiel de son père Daksha. Sœur de Vishnou et épouse de Shiva, elle est considérée comme « principe féminin suprême » par les shaktas et dans certains cultes tantriques. En tant que shakti de Shiva, elle est à la fois puissance de procréation et de destruction. Wiki
Alors que l'Art devrait être, rester et puis, parfois, redevenir un espace d'espoir, de liberté et de rêve absolu, total et inconditionnel ; il est devenu aujourd'hui, bien malgré la volonté des 'véritables' artistes, et ceci totalement paradoxalement, à cause des implications financières intrinsèques au Marché de l'Art international contemporain, une pratique désespérée, servile et soumise…
« In a recent interview, Chase, the book’s author, emphasized Asawa’s innate ability to create something beautiful out of any situation. "What inspired me the most was her ability to turn swords into plowshares," Chase said. “Every time life dealt her a blow, she turned it into something wonderful, something creative."
Asawa’s journey is a lesson in the art of transformation. As she once said, "Sculpture is like farming. If you just keep at it, you can get quite a lot done.The world will never stop throwing obstacles in our way; the only thing we can control is how we handle it all." Each step in Asawa’s life gently reminds us of her mother Haru’s most important values: gaman—endurance; nintai—patience; and enryo—restraint. » The Enduring Legacy of Ruth Asawa’s Mesmerizing Sculptures, Artsy, Daria Harper, May 14, 2020
Dèf. Dharma : Quant à la locution sanâtana dharma "Loi éternelle ", elle désigne la tradition hindoue et implique l'interrelation des divers phénomènes : « tout se tient dans l'univers ». Dharma exprime ainsi l'ordre des choses en tous les domaines (physique, moral, mental…), l'ordre socio-religieux, individuel et cosmique.
L'Art reprend exactement tous les codes et aprioris les plus vulgaires du capitalisme pour les magnifier et les justifier.
« L'Art, pour moi, est innadressé. Au début, le merle commence à chanter et plus il s'isole du groupe, plus il s'émancipe du chant spécifique, plus il devient virtuose ; puis à un certain moment, son propre chant s'enchante lui-même, et il arrive un moment où il ne s'adresse plus à personne, comme Bach. » Pascal Quignard, La Grande Librairie, 30 mars 2022
Le philosophe Jacques Rancière publie 'Les Trente Inglorieuses' aux éditions La Fabrique et y poursuit sa réflexion sur les marges, les exclus, les illégitimes…
« Un film français qui veut rendre compte des transformations ou des meurs et du monde contemporain, en général ça fonctionne avec des stéréotypes. […] La culture, la promesse culturelle a été quelque chose extrêmement importante et puis après, ça c'est effiloché. On ne voit aucune force politique avoir besoin de la culture aujourd'hui. Le monde de la culture est devenu de plus en plus homogène et fait partie de cette espèce de gauche militante en essayant d'utiliser l'Art, le cinéma, la vidéo la danse, comme des moyens de dire quelque chose sur la société, de dire quelque chose contre l'ordre dans lequel on vit et en même temps se sont des choses qui se traduisent médiocrement sur le plan de la représentation institutionnelle. Il y a un moment où les artistes ont cru dans la politique culturelle mais ils n'y croient plus aujourd'hui. » L'Invité des Matins par Guillaume Erner, France Culture, 01.04.2022
Déf. : Limbes : Mot consacré parmi les théologiens pour signifier le lieu où les âmes des justes de l'ancien testament attendaient que Jésus-Christ fût venu opérer le mystère de la rédemption ; quelques théologiens y mettent aussi les enfants morts sans baptême. (Réf. tableau : Descente dans les limbes, 1325, par Giotto di Bondone)
– ARTICLE : EAU DOUCE : SUR NEUF LIMITES PLANÉTAIRES, SIX ONT DÉSORMAIS ÉTÉ DÉPASSÉES, PIERRE ROPERT, FRANCE CULTURE, 24.01.2022
Certains de ces polluants peuvent être trouvés dans le monde entier, de l'Arctique à l'Antarctique, et peuvent être extrêmement persistants. Nous avons des preuves accablantes d'impacts négatifs sur les systèmes terrestres, y compris la biodiversité et les cycles biogéochimiques", a assuré Carney Almroth, l'un des co-auteurs de l’étude. On considère ainsi qu’à l’heure actuelle, la masse totale de plastiques sur la planète représente plus du double de la masse de tous les mammifères vivants… or, environ 80 % de la quantité de plastiques produits restent dans l'environnement. Le volume de substances chimiques disséminées dans la nature est d’ailleurs devenu si important que les scientifiques ne sont plus en mesure de les surveiller efficacement et donc de mesurer leur impact…
– LIVRE : LE LÉOPARD DES NEIGES, PETER MATTHIESSEN
Il serait bien prétentieux et superfétatoire de commenter ce livre qui offre déjà, en lui-même, une somme colossale d'informations et d'émotions. J'en cite de nombreux passages, plus au sujet des anciennes pratiques spirituelles de ces régions himalayennes (Tibet, Nepal et Bhutan) que Peter nous offre et nous décrit, (comme d'ailleurs sa prédécesseure plus que fameuse Alexandra David Néel) et qui, aujourd'hui, disparaissent ou ont disparu au siècle dernier. Puisque nous sommes tous et toutes rendus et entrés et ce, emportant l'humanité toute entière, dans l'époque difficile et annihilatrice du Kali Yuga*. Et que presque chaque petite pratique spirituelle a aujourd'hui disparue ou presque. Et que tous les Dieux et les lieux de recueillement, les derniers recoins de la spiritualité, les derniers temples, les dernières églises, les derniers jardins sacrés ont tous été désacralisés et ils sont souillés quotidiennement par des hordes de touristes irrespectueux et débiles, ainsi même que notre propre Terre-Mère-Nature si belle et si précieuse.
Je parle moins de la recherche de la panthère des neige, cet animal plus que sauvage et mythique. Non qu'elle ne m'intéresse pas mais je préfère la laisser dans mes rêves et mon imagination, bien au chaud et en sécurité. Je ne cite pratiquement aucuns des longs récits de souffrance et de joie de Mattiessen, lors des conquêtes de cols et de sommets en escaladant les plus hautes montagnes du Monde car tout un chacun, même dans sa vie quotidienne et banale peut en faire l'expérience dans son corps et dans son âme, même si nous ne gravissons pas tous de hautes montagnes. De fait, vivre la plus simple et la plus humble des vies, demande force et courage ; je pense ici, en particulier, aux personnes âgées pour lesquelles, se lever et s'asseoir dans leur fauteuil représente également des Everest insurmontables.
Je pense, aussi, qu'il faut laisser respirer, naviguer, divulguer et s'envoler les idées et les concepts tout en les faisant se reposer tout doucement et tranquillement, comme un levain soulevant et aérant la pâte du pain qui, lui-même, ne sera manger que des centaines d'années plus tard… Donc, comme on le dit à New York : "Less is more" !
* Le Kali Yuga : l’âge sombre où toutes les grandes croyances s'éteignent peu à peu parmi les hommes. Les hindous croient que la civilisation humaine dégénère spirituellement au cours du Kali Yuga, qui est dénommé « l'âge noir » car durant cette période, les gens sont aussi éloignés que possible des Dieux (une sorte d'hiver de l'Humanité). C'est le cycle temporel hindou où les êtres souffrent le plus et sont les plus nombreux à souffrir et ce faisant, où il est plus facile d'atteindre la Délivrance (Moksha) des réincarnations.
« L'âge sombre du Kali Yuga est le couteau et les rois sont des bouchers ; la justice s'est envolée. Dans cette nuit obscure du mensonge, la lune de la vérité n'est pas visible partout. » Le livre saint du sikhisme, Guru Granth Sahib (WIKI)
Tous les phénomènes sont des processus, des connexions, tout évolue et cette évolution est visible : il suffit de s’ouvrir l’esprit par la méditation ou d’abattre les écrans qui l’occultent par le truchement des drogues ou des rêves, pour constater que rien n’a de limites précises, que, dans l’interpénétration sans fin de tout ce qui constitue l’univers, un flot moléculaire, une énergie cosmique vibrent dans la pierre et l’acier comme dans la chair. P. 81 [...]
En tout cas, qu'il soit pèlerin ou moine diabolique, saint ou sorcier, il semble doué de ce que les Tibétains appellent la 'folle sagesse' : il est libre. Vers le nord, P. 101
En réfèrence à cette phrase : Je crois être de plus en plus profondément anarchiste !
« Au fond, le seul courage qui soit exigé de nous est celui qui nous permet d’affronter ce que nous pouvons rencontrer de plus étrange, de plus singulier, de plus inexplicable. En ce sens, l’humanité a été timorée et il en est résulté un dommage irréparable à l'égard de la vie ; les expériences appelées « visions », ce qu‘on appelle « le monde des esprits », la mort, toutes ces choses dont nous sommes si proches ont été, jour après jour, repoussées loin de nous, si bien que les sens qui nous auraient permis de les percevoir se sont atrophiés. Sans parler de Dieu. » Rainer Maria Rilke
VERS L’OUEST« Pareil au nuage d’été qui, en harmonie avec le firmament et la terre, vogue librement dans le ciel bleu d'un horizon à l’autre, porté par le souffle de l’atmosphère ; de même le pèlerin s'abandonne au souffle de la vie plus vaste qui le conduit au-delà des plus lointains horizons vers un but déjà présent en lui, mais encore caché à sa vue. » Le Chemin des nuages blancs, Lama Govinda P. 24
29 SEPTEMBRE
Ce rappel de la mort omniprésente nous déprime. Je pense au cadavre du pays ghurka porté sur des épaules maigres sous la pluie de la montagne, aux vêtements noirs flottant au vent ; je revois le vieillard mourant à la sortie de Pokhara, j’entends une fois de plus le dernier soupir de ma femme. Ce sont de tels spectacles qui incitèrent Sakyamuni à quitter Lumbini pour se mettre en quête du secret de l'existence qui libérerait les hommes des affres de ce monde des sens, désigné par le mot de samsara
« Ne pleure pas sur moi, pleure sur ceux qui restent retenus par ces désirs dont le fruit est souffrance… car quelle confiance avoir dans la vie lorsque la mort est toujours proche ? Même si mon affection me ramenait vers les miens, nous serions finalement séparés par la mort. Les êtres vivants se réunissent et se quittent comme les nuages qui, un moment rassemblés, s’écartent, comme les feuilles qui tombent des arbres. Il n’y a rien dont nous puissions être assurés dans une union qui n'est qu’un rêve… » Coomaraswamy, P. 38
30 SEPTEMBRE
Nous continuons tout l’après-midi à remonter la Kali Gandaki qui descend du Mustang et du Tibet vers la plaine du Gange. Comme elle coule entre les deux gigantesques massifs de l'Annapurna et du Dhaulagiri qui l'un et l’autre atteignent plus de 8 000 mètres, ses gorges sont les plus profondes du Monde. Kali veut dire « femme noire » et il est vrai que les falaises à pic, le torrent gris, les rochers sombres, plongent ces eaux dans des ténèbres infernales. Kali la noire, la dévoratrice cruelle, symbole femelle du Temps et de la Mort, est une des épouses du dieu hindou de l’Himalaya, le grand Shiva, fécondateur et dévastateur ; son image noire, avec son collier de crânes humains, est l’emblème de cette rivière obscure qui dévale en grondant de cimes inconnues, perdues dans les hautes nuées et remplit d’épouvante le cœur des voyageurs depuis le jour où le premier homme qui tenta de la traverser, fut entraîné dans ses tourbillons. P. 45
De même que les religions hébraïque et chrétienne considèrent que la perfection spirituelle ne sera pas atteinte par ceux qui se borneront à ne chercher Dieu que pour eux-mêmes : « As-tu éprouvé dans ton être la grande souffrance de l’humanité, O Candidat à la Lumières ? » […]
Peut-être influencé par la simplicité de la philosophie chinoise du Tao (la Voie), le farouche « moine aux yeux bleus », « celui qui contemple le mur », exhortait ses disciples à passer outre aux rivalités sectaires, aux textes contraignants, aux images proliférantes et à l’apparat sacerdotal des religions établies, pour retourner à l’intense méditation qui avait ouvert le chemin du Bouddha. Grâce à une succession de grands maîtres, le bouddhisme Zen (dont Bodhidharma fut le Premier Patriarche en Chine) imprégna la culture et l’Art de l’Orient de la sobriété et de la clarté de sa vision. Dans la pensée Zen, le simple attachement aux « paroles d’or » du Bouddha est susceptible de compromettre l’ultime perception, d’où l’expression du Zen : « Tuez le Bouddha ! » Pour les adeptes du Zen, c’est l’Univers qui joue le rôle de livres saints car la religion n’est rien d’autre que la conscience de l’infini à chaque instant de la vie.
2 OCTOBRE
« Ô merveille, Ô mystère
Je porte du bois pour le feu, je tire l’eau du puits. » P'ang Chu-shih P. 51
5 OCTOBRE
Au cours de ses premiers étés, mon fils, abandonnant ses Jouets, s’immobilisait parfois près d’une heure, extatique dans son bac à sable du verger tandis que les tourterelles et les grives volaient de-ci de-là, dans le vent tiède, la danse des feuilles, la fuite des nuages, les chants d’oiseaux, le parfum des troènes et des roses. L’enfant n’observait pas : il était en paix au cœur de l’Univers, chose parmi les choses, inconscient des commencements et des fins, encore à l’unisson de la création primordiale, se laissant traverser par tous les phénomènes, toute la lumière. L’extase, c’est l’identité avec tout ce qui existe et ses dessins vivement colorés l'exprimaient, pareil au chasseur aurignacien qui devenait le cervidé qu’il peignait sur la paroi d'une grotte, aucun « je » ne le séparait de l'oiseau ou de la fleur. La même identification spontanée avec l'objet se retrouve dans les audacieuses peintures sumi du Japon, manifestations expressives de la culture Zen, puisqu'une manière authentique de trouver la Voie consiste à se confondre avec ce que l'on fait.
Nous considérons, bizarrement, que l’instinct de conservation, la peur de la mort, doivent nous couper du bonheur de l'expérience pure, simple et non interprétée, dans laquelle le corps, l’esprit et la nature ne font qu’un. Et cette altération de notre optique, ce repli devant l’émerveillement, ce recul de homard dans quelque anfractuosité protectrice en lieu et place d’un libre vagabondage, cette notion instinctive et désespérée que notre existence s’écoule sans être vécue, se reflètent dans une prolifération sans joie, une pourriture par l’argent, une pollution monstrueuse de la terre, de l’air et de l’eau dont nous sommes nés. Comparez les dessins naturels, exubérants, de l’enfant et les « tableaux » raides et corsetés du peintre devenu conscient de sa peinture, qui essaie de représenter la « réalité » comme d’autres la voient. Embarrassé alors, il « sort » de son œuvre et, percevant son isolement au milieu de tout ce qui l’entoure, il prend conscience du silence ambiant et s’alarme de l’immense signification de la Création. L’armure du « je » commence à se former, l'élaboration, l'affirmation désespérée d’une identité séparée, la solitude : « L’homme s’est replié sur lui-même au point de ne plus voir le Monde qu’à travers les interstices étroits de sa caverne. » "The Marriage of Heaven and Hell", William Blake […]
Une nuit, en 1945, à bord d’un navire de guerre, en pleine tempête sur le Pacifique, le matelot qui devait me relever, souffrant du mal de mer, ne vint pas prendre son quart et je restai seul pendant huit heures dans un maelström de vent et de vagues, de bruit et de fer ; sans relâche, les vagues s’écrasaient sur le pont, si bien que l’eau, l’air et le métal ne faisaient plus qu’un. Submergé, épuisé, flagellé au point de ne plus pouvoir ni penser ni sentir, je perdis conscience de mon identité ; le cœur que j’entendais battre devenait le cœur de l’Univers, je respirais à l’unisson des puissantes houles du globe terrestre et cet anéantissement me semblait moins effrayant qu’exaltant. Plus tard, j’eus l’impression d’avoir perdu quelque chose, mais quoi ? Je me le demandais sans rien comprendre.
La plupart des poètes connaissent ces manques angoissants et dans les œuvres en prose que je lisais, des passages étranges surgissaient des pages comme des licornes. "Le Joueur de Flûte aux Portes de l'Aurore" (Kenneth Grahame : Le Vent dans les saules) en fut un lointain exemple, ainsi que la description des poissons chantants dans roman de Knut Hamsun, un passage de Borges, un autre de Thoreau, plusieurs de Hesse qui ne décrit guère autre chose. Les personnages de Hamsun tendent à se détruire ; Hesse et lui, avec l’autorité de l’échec, ont mis en garde contre le charme de la recherche mystique, ainsi que Kierkegaard qui déclarait que trop de « possibles » ouvraient la porte à la folie. Mais lorsque je tombai sur cet avertissement, je souffrais déjà de ce que Kierkegaard appelle « la maladie de l’infini », errant d’un sentier à un autre sans comprendre clairement que j’étais embarqué dans une quête, sans le moindre indice de ce que je cherchais. Je savais seulement qu’au fond de chaque souffle, un vide aspirait à être rempli. P. 57 - 59
« La seule vie valable est celle qui tend, pour chaque homme, à la réalisation totale et inconditionnelle, de sa loi individuelle… S’il ne s’y conforme pas… il aura dépouillé sa vie de toute signification. » C.G. Jung P. 61
7 OCTOBRE
De telles analogies sont sans doute superficielles mais il en existe d’autres, plus remarquables, entre des cultures séparées par tant d’espace et de temps. Les relations animistes avec le monde environnant qui imprègnent la vie des Gurungs et autres tribus de ces montagnes reculées (de certaines même qui ont adopté des religions modernes) ainsi que celles des Esquimaux Chukchi et autres derniers représentants des civilisations de la chasse et de la cueillette dans l’est de l’Asie, ne diffèrent guère, dans leur esprit, de celles qui existent chez la plupart des Esquimaux et des Indiens d’Amérique du Nord. Le grand oiseau du tonnerre de ces derniers est connu des Toungouses des forêts sibériennes ; les symboles du soleil et des yeux sacrés, les croix de fils, les arbres cosmiques et les svastikas qui symbolisent les doctrines ésotériques de l’Ancien Monde, de l’ancienne Egypte au Tibet d’aujourd’hui, sont répandus dans le Nouveau Monde depuis une époque très lointaine, si lointaine en fait que les dates assignées aujourd’hui aux invasions successives des chasseurs nomades Behring, ne semblent pas les expliquer, (Ces dates sont sans cesse reculées et elles n’ont peut-être pas grand sens car, par temps clair, on peut, en fait, voir chacun des deux continents des îles situées au large de l’autre et nous ignorons si des gens ne circulaient pas dans les deux sens à travers la mer et les glaces, alors même que la Beringia était encore sous l’eau.) P. 71
Les civilisations peuvent mourir vite : le changement de climat qui a tari les oueds et détruit les savanes du Sahara central, a éparpillé les civilisations pastorales du Fezzan et du Tassili au cours des quelques siècles qui suivirent l'an 2500 avant notre ère. […]
Selon un lama tibétain ces mystères sont « les faibles échos de cultes qui existèrent de temps immémorial en Asie centrale et septentrionale ».
Un autre croit que tous les peuples, « depuis l’origine… ont eu quelque lumière de ces connaissances secrètes ». Cette opinion est partagée par les ethnologues qui constatent l’existence du même type de chamanisme non seulement en Asie et dans les Amériques mais en Afrique, en Australie, en Océanie et en Europe. La diffusion historique, voire préhistorique, de telles doctrines, est étayée par des correspondances frappantes dans la pratique entre ce que les Occidentaux - qui en ont perdu les secrets - appellent avec un mélange de fascination et de mépris le « mysticisme » ou l'« occultisme » mais qui, pour les cultures moins aliénées, passées et présentes, n’est qu’un autre aspect de la réalité.
On pourrait tracer d’innombrables parallèles entre les doctrines orientales et les traditions des Indiens d’Amérique, par exemple le concept aztèque de l’existence assimilable à un rêve ou la grande terreur du vent et du ciel, que les Ojibwas de nos prairies du Nord partagent avec les Aryens disparus des steppes asiatiques.
Les prêtres devins tibétains et les chamans sibériens pratiquent le voyage en rêve, la télépathie, la chaleur mystique, le déplacement rapide, la prédiction de la mort et la métempsycose, que connaissent tous les sorciers du Nouveau Monde : l'homme-médecine algonquin qui, sous la forme d’un oiseau, se rend dans le monde des esprits, les chamans-jaguars de l’Amazone, seraient impressionnés mais non surpris par les pouvoirs attribués aux yogis et aux naljorpas*. L’énergie ou essence ou souffle vital, appelé prana par les yogis hindous et chi par les Chinois, est appelé orenda par les Crees. Les concepts tels que le karma et le temps circulaire sont admis sans discussion dans presque toutes les traditions des indigènes d’Amérique : le temps assimilé à l’espace et la mort à un devenir, sont implicites dans la conception que se font de la Terre les Hopis qui évitent toutes les constructions linéaires, sachant aussi bien que n’importe quel bouddhiste que Tout est Ici et Maintenant. Comme dans les grandes religions orientales, l’indigène américain fait peu de différence entre les activités religieuses et les actes quotidiens : la cérémonie religieuse est la vie même. P. 72 - 73* Ceux qui ont atteint la sérénité parfaite.
CULTURE-CONSCIENCE : LA BALEINE ET LE POISSON ROUGE
En scannant tous ces longs extraits du superbe livre de Matthiessen, je me rends compte à quel point son livre est profond et si riche d'enseignements spirituels plus ou moins ésotériques. Je me rappelle en avoir conseillé la lecture à quelques amis… Mais me je rends bien compte aujourd'hui, lors de cette relecture, combien ces passages très denses, conceptuels et très ancrés dans les pratiques spirituelles orientales, ne peuvent que perdre le lecteur lambda dans la confusion créée par les innombrables détails et descriptions de ces pratiques étranges et pouvant apparaitre, tout juste comme de l'exotisme culturel. Heureusement, il reste le long cheminement dans les montagnes himalayennes ou autres, dont tous et toutes peuvent avoir fait l'expérience. Malgré tout, je crois qu'il me faudra, à l'avenir, m'abstenir de conseiller de tels livres, ayant une telle densité car quelqu'un ayant appris à ne compter que jusqu'à trois, ne pourra jamais compter jusqu'à soixante-dix, ni bien sûr, jusqu'à un milliard ou même jusqu'à cinq… De même qu'il est totalement impossible à n'importe quel quidam de gravir l'Annapurna !
Mon grand-père Maurice, tout à la fin de sa vie, me disait souvent, lors de nos merveilleuses sincères et amicales discussions, qu'il était très difficile, voire impossible, de donner à quiconque, quelques conseils que ce soit, quant au chemin à suivre dans la vie. Car nous sommes tous de composition différente et avons tous des espoirs et des désirs dissemblables. Je crois que je devrais, bien humblement, laisser mes amis français, lire bien au chaud et tranquillement dans leurs gentilhommière et avec grande délectation, le trop fameux et trop célèbre bobo-marcheur-écrivain, le pseudo-spirituel Sylvain Tesson ou les Houlebecq, les Onfray etc ! Ou encore alors, leur conseiller de regarder largement les œuvres pseudo-artistiques et insipides de Soulages, de Koons, d'Hirst ou de Murakami (Takashi et non pas Haruki bien sûr !)… C'est plus facile, ça ne demande aucun effort et ça rentre pleinement dans leur bocal sécurisé par la société du spectacle : indépassable, surpuissante, inénarrable et plénipotentiaire !
Mais en fait, je vis tout seul et personne ne me demande rien, alors n'anticipons pas trop et restons ZEN !
Il semble certain que la spiritualité véritable, n'a rien de spectaculaire et que sa pratique demande de longs efforts, une ascèse, beaucoup de sacrifices, une éthique et beaucoup d'humilité, voire une esthétique ! Et je pense vraiment et sincèrement qu'aujourd'hui, il y a encore quelques années, j'avais un peu plus d'espoir ! mais ces espoirs ont tous été déçus, annihilés et même déchus… les uns après les autres ! Je crois que c'est peine perdue et que les enseignements spirituels profonds ne correspondent absolument pas fondamentalement, au "Bon et Bel et Juste et Ordonné et Saint" esprit rationnel et cartésien français ! Car, comment une baleine Bleu, le plus grand mammifère marin, parcourant lors de sa migration, dans les grands océans sauvages, entre 10 000 à 25 000 km chaque année, faisant un aller-retour entre les eaux froides de l'Arctique ou de l'Antarctique et les zones chaudes de l'Equateur, pourrait-elle communiquer et comprendre la vie d'un poisson rouge (métaphore parfaite et exacte de l'occidental ou du français moyen), vivant dans un bocal d'appartement, ne contenant que quelques litres d'eau douce et nageant, toujours dans le même sens, quelques décamètres par jour ?
9 OCTOBRE
George Schaller (zoologiste et le compagnon de route de Matthiessen) se refuse à croire que l’intelligence des Occidentaux puisse vraiment assimiler les perceptions non linéaires de l’Orient ; comme beaucoup d’Européens et d’Américains, il estime que la pensée orientale fuit la « réalité » et que, par conséquent, le courage de vivre lui fait défaut. Mais le courage d’exister ici, maintenant et nulle part ailleurs, c’est précisément ce que le Zen, du moins, exige : mange quand tu manges, dors quand tu dors ! Le Zen n’a aucune indulgence pour le « mysticisme », encore moins pour l'occultisme, bien que l’importance qu’il attribue à l’« Illumination » (appelée kensho ou satori) soit justement ce qui le différencie des autres religions et philosophies.
J’évoque pour GS les mystiques chrétiens tels que Maître Eckhart, saint François, saint Augustin et sainte Catherine de Sienne qui passa trois ans dans le silence et la méditation « Le chemin du ciel est déjà le ciel » disait-elle et c’est là l'essence même du Zen qui n’élève pas la divinité au-dessus des humbles miracles de chaque jour. GS m’objecte que tous ces gens vivaient avant que la révolution scientifique ait transformé la nature même de la pensée occidentale, ce qui, évidement, est vrai ; mais il est également vrai, que depuis quelques années les scientifiques occidentaux se tournent avec un intérêt nouveau vers les connaissances intuitives de l’Orient. Einstein a insisté, à plusieurs reprises, sur la méfiance que lui inspiraient les restrictions de la pensée linéaire, arrivant à la conclusion que les théories établies sur des bases de pure logique sont complètement dépourvues de réalité, en admettant que l’on puisse définir exactement ce qu’est la « réalité » ; il a toujours insisté sur le rôle capital de l’intuition dans sa pensée. La théorie de la relativité fait d’ailleurs appel à des notions proches des concepts bouddhistes de l’identité du temps et de l’espace qui, comme la cosmologie hindoue, a son origine dans l’enseignement des Vedas. Einstein, remarque quelque part, que sa théorie pourrait être facilement expliquée aux Indiens qui parlent des langues uto-aztèques, parmi lesquels les Pueblos et les Hopis (« Les Hopis ne disent pas "la lumière est allumée" mais seulement "allumée", sans sujet ni indication de temps ; le temps ne peut pas bouger puisqu’il est aussi l’espace. Le temps et l’espace ne sont jamais séparés ; il n’existe pas de mots ni d’expressions qui s'appliquent au temps ou à l’espace comme étant distincts l’un de l’autre. Ceci se rapproche du concept de "champ" de la physique moderne. De plus il n’existe pas d’avenir temporel ; l'avenir est déjà avec nous, dans son devenir et sa réalisation. Ce qui représente pour les Occidentaux des différences de temps, représente pour les Hopis des différences de validité.
La science évolue vers des théories d’unité fondamentales, de symétrie cosmique (cf. celle de champ unifié) ; or, en quoi ces théories diffèrent-elles, finalement, de l’unité que Platon définissait comme « indicible » et « indescriptible », de cette connaissance holistique partagée par tant de peuples de la Terre, y compris les chrétiens, avant que la révolution industrielle ne transforme les Occidentaux en nouveaux barbares ? Aux Etats-Unis, avant que la niaiserie spiritualiste de la fin du XIXe siècle ne confonde mysticisme et occultisme, au grand dam de l’un et de l'autre, William James a écrit un livre magistral sur la métaphysique, Emerson a décrit « le sage silence, la beauté universelle, à laquelle toutes les parties. toutes les particules sont également reliées, l’Unique éternel.. » ; Melville a évoqué « ce profond silence, la seule voix de Dieu » ; Walt Whitman a célébré le plus ancien secret et affirmé qu’il n’existe « aucun Dieu plus divin que toi-même ». Et puis, presque partout, cette illumination claire et subtile qui apportait splendeur à la vie et paix à la mort fut anéantie par l’éclat brutal de la technologie. Cependant, cette lumière est toujours présente, comme les étoiles à midi. L’homme doit la percevoir s’il veut transcender son angoisse d’une vie dénuée de sens car aucun « progrès », si grand soit-il, ne peut prendre sa place. Nous avons joué les apprentis sorciers, comme des singes avides et maintenant la peur s’est emparée de nous. […]
Dans le Rig Veda, un Monde en oscillation est conçu comme se développant à partir d’un centre, ce qui s’accorde avec la théorie du « Big Bang » acceptée depuis une dizaine d’années seulement par tous les astronomes. Dans un mythe hindou, la « Brume de feu », pareille à une mer de lait, est brassée par le Créateur, et de ce barattage sont sorties les formes des étoiles et des planètes en voie de solidification, ce qui est, en fait, la théorie des nébuleuses de l’astronomie moderne, la « Brume de feu » étant composée des atomes primitifs d’hydrogène dont on pense qu’ils sont à l’origine de toute matière.
« Rien n’existe que des atomes et du vide », écrivait Démocrite. Et c'est cette notion de « vide » qui sous-tend les doctrines orientales ; non pas le non-être ou l’absence, mais l’incréé qui a précédé toute création, la virtualité sans commencement de toutes choses.
« Avant le Ciel et la Terre
Existait quelque chose de nébuleux
Silencieux isolé
Immuable et solitaire
Éternel
Mère de Toutes Choses
J’ignore son nom
Je l’appelle Tao. »
« La nuit régnait, entourée d’une autre Nuit… Le naissant était recouvert par le Vide. Cette Chose unique… naquit par le pouvoir de la chaleur de son austérité… Quelle fut l’origine de cette création. Celui qui l’a ordonnée du plus haut des cieux, Celui-là le sait ou ne le sait pas. » Rig Vega
La perception mystique (qui ne mérite ce nom que si on limite la réalité à ce que notre intelligence et nos sens peuvent mesurer) est remarquablement comparable à elle-même à toutes les époques et en tous lieux, en Occident et en Orient et la science contemporaine ne l'ignore pas. Le physicien cherche à comprendre la réalité tandis que le mystique est entraîné à en prendre directement conscience.
Tous les phénomènes sont des processus, des connexions, tout évolue et cette évolution est visible : il suffit de s’ouvrir l’esprit par la méditation ou d’abattre les écrans qui l’occultent par le truchement des drogues ou des rêves, pour constater que rien n’a de limites précises, que, dans l’interpénétration sans fin de tout ce qui constitue l’univers, un flot moléculaire, une énergie cosmique vibrent dans la pierre et l’acier comme dans la chair.
La très ancienne intuition que toute matière, toute « réalité » » est énergie, que tous les phénomènes, y compris le temps et l’espace, ne sont que des cristallisations de l’esprit, est une idée dont peu de physiciens doutent depuis que la théorie de la relativité a suggéré pour la première fois l’identité de l’énergie et de la matière. Aujourd’hui, la plupart des scientifiques reconnaîtraient, avec les anciens Hindous, que rien n’existe, que rien n’est détruit, que tout ne fait que changer de forme, que la matière n’a pas originellement de substance mais n’est qu’un assemblage temporaire de l’énergie qui pénètre et anime l'électron. Et qu’est donc cette non-chose infinitésimale, dont le rapport à un grain de poussière est comparable à celui d’un grain de poussière à la terre entière ? P. 77 - 81
« Je suis partout et en tout : je suis le soleil et les étoiles. Je suis le temps et l’espace, je suis Lui. Puisque je suis partout, comment pourrais-je me déplacer ? Puisqu’il n’y a ni passé ni futur et que je suis l’existence éternelle, qu’est donc le temps ? » "Tibetan Yoga and Secret Doctrines", Evans-Wentz […]
« J’étais là ! », telle est assurément la réponse à cette question de Dieu car, de quelque façon que l’univers ait été créé, la plupart des atomes de ces assemblages temporaires que nous appelons nos corps, ont existé de tout temps. Ce que le Bouddha aperçu, ce fut son identité avec l’Univers ; ressentir l’existence de cette façon, c'est être le Bouddha. Même l’éclatante « lumière blanche » qui accompagne parfois l’expérience mystique (la lumière intérieure » dont parlent les chamans esquimaux) pourrait être considérée comme un souvenir originel de la Création. « L’homme est la substance du cosmos qui se contemple elle-même », a dit un astronome moderne.
Aujourd’hui la science nous explique (ce que les Vedas ont enseigné à l’humanité pendant trois mille ans) que nous ne voyons pas l’univers tel qu’il est. Ce que nous voyons, c’est Maya, l’Illusion, la « lanterne magique » de la Nature, une hallucination collective de cette partie de notre conscience que nous partageons avec ceux de notre espèce et qui donne une base commune, une continuité à l’expérience de la vie. Selon les bouddhistes (mais non les hindouistes), ce monde perçu par les sens, cette réalité relative mais non absolue, ce rêve, existe aussi, a aussi un sens ; mais il ne représente qu’un aspect de la vérité, comme la vision cosmique de cette chèvre près de la porte bancale, qui regarde la boue à travers les rideaux de pluie. P. 82
VERS LE NORD
« Le moine : Qu’arrive-t'il quand les feuilles tombent, quand les arbres sont dénudés? Unmon : Le vent d’or, révélé ! » Hegikan Roku, Les Annales de la Falaise bleue P. 86
12 OCTOBRE
À cause de la présence de hauts sommets à l’est, ce village restera dans l’obscurité jusqu’au milieu de la matinée mais la pente supérieure de la montagne en face est déjà en plein soleil lorsque GS et moi entamons la descente longue et glissante qui, à travers les terrasses et les fourrés de bambous, nous conduira au bord de la Pema, un torrent qui gronde dans l’ombre froide du ravin. Un remarquable pont de bois aux parapets ciselés de fleurs porte, à chaque extrémité, en guise de dhauliyas, ou « gardiens », une paire de poteaux grossièrement sculptés représentant un couple de divinités locales mâle et femelle de l’ancienne religion ; les Indiens de la côte nord-ouest du Pacifique dressent également ce genre de figure aux entrées. Les statues femelles ouvrent largement leur vulve en manière d’accueil au royaume des dieux de la montagne ; sans piper, nous passons le pont et reprenons notre ascension. P. 97
13 OCTOBRE
Avec leurs visages ravinés incrustés de pâte blanche, ils ont l’air de spectres penchés sur les pierres du foyer et la marmite noircie : peut-être vont-ils se lever tout à l’heure et, dans un silence de mort, exécuter la lente danse des sennin, les sages perdus dans les montagnes de l’ancienne Asie, Chine ou Japon, qui ne prêchaient aucune doctrine mais dont la pureté même de leur illumination, faisait des rédempteurs. [...]
En tout cas, qu'il soit pèlerin ou moine diabolique, saint ou sorcier (son Sherpa Tuken), il semble doué de ce que les Tibétains appellent la 'folle sagesse' : il est libre*. P. 101
* CRÉDO : en référence à cette phrase : Je crois être de plus en plus profondément libre et anarchiste !
14 OCTOBRE
Les rêves de la nuit dernière augmentent mon angoisse. « Le rêve… dans lequel l’esprit et les phénomènes semblaient ne faire qu’un, était porteur d’un enseignement : ne l’as-tu pas compris ? » Je n’ai pas tout à fait assimilé l’idée que l’univers de l’homme, les rêves de l’homme, sont l’un et l’autre des états de rêve, mais Milarepa m'a aidé de bien d’autres façons. Lorsque, après plusieurs années d’absence, il revient dans son village (il naquit à environ quatre-vingts kilomètres au nord de Katmandou du côté tibétain de la frontière actuelle), Milarepa découvre le corps décomposé de sa mère qui n’est plus qu’un tas de poussière et de loques dans sa hutte écroulée ; bouleversé de chagrin et d’horreur, il se rappelle le conseil de son gourou, le lama Marpa, d'étreindre ce qu’il trouve le plus répugnant ou le plus effrayant afin de mieux comprendre que tous les éléments de l'Univers étant indissolublement liés, sont par conséquent sacrés. Il se fait donc un oreiller des restes de celle qui avait été la Blanche Guirlande de Nyang, y pose la tête et reste ainsi couché pendant huit jours dans un samadhi profond et lucide. Cette discipline tantrique destinée à surmonter la notion d’horreur et consistant souvent à s’asseoir sur un cadavre ou à passer la nuit dans un cimetière, porte le nom de chöd. Puisque la confiance en la vie doit aboutir finalement à se réconcilier avec la mort, je me livre à un modeste chöd personnel en me forçant à regarder dans le vide toutes les fois que je le peux. Dans les semaines à venir notre route sera nécessairement de plus en plus dangereuse et si je m’exerce déjà, je serai peut-être moins impressionné par les corniches plus vertigineuses de la haute montagne. Cela m’aide d’accrocher mon attention à de menus détails : un cristal de quartz rose, une fougère-cannelle et ses spores, un sympathique tas de crottin. Lorsqu’on est attentif au présent on éprouve un grand plaisir à prendre conscience des petites choses ; je pense à l’impression de confort que m’ont donnée, hier, le bouillon clair et les biscuits rassis apportés par Dawa dans ma tente suintante. P. 109
Sur le sentier, l’ombre de ma tête tondue est monacale et le choc de mon bâton résonne dans le silence montagnard : je me sens inspiré par Milarepa qui, selon un de ces disciples, marchait « libre, comme lion échappé dans les massifs enneigés ».
Dans un tournant du ravin, le chef des Tarakots, qui porte des bandes molletières mais aucune charge, tend le bras vers l’autre côté de la rivière et les pentes parsemées de rochers. « Na ! crie-t-il. Na ! » Puis il repart. Une silhouette claire bondit à travers une gorge, vivement suivie par six autres ; les bêtes grimpent le long d’un versant à pic jusqu’à une brume de verdure entre le roc et la neige. Je les regarde monter et puis, à la limite supérieure, elles sont englouties au milieu des nuages venus du sud qui ont déferlé jusque-là. Ce superbe animal gris-bleu argent est le bharal, sorte de mouflon bleu de l’Himalaya, en tibétain na, que nous sommes venus voir de si loin. P. 112
16 OCTOBRE
La vacuité et le silence de ces montagnes blanches provoquent rapidement des états de conscience analogues à ceux oui se produisent au moment de la méditation où le vide se fait dans l’esprit et sans doute, l’altitude y est-elle pour quelque chose, car mon regard perçoit le Monde comme fixe ou fluctuant selon son gré. La terre frémit, les montagnes miroitent, comme si toutes les molécules se trouvaient libérées : le ciel bleu résonne. C’est peut-être la musique des sphères que j’entends, ce que les hindouistes appellent le souffle du Créateur et les astrophysiciens le « soupir » du soleil. […]
Nen, c’est l'attention, la conscience accordée au présent avec une qualité de vigilance vibrante car, chaque instant pourrait être le dernier de notre vie. Le Mental, c’est l’Esprit universel dont les esprits individuels composent les éléments, à la manière des vagues de la mer : les vagues ne proviennent pas de l’eau, elles sont l’eau sous des formes passagères qui ne sont pas identiques et cependant ne diffèrent pas de l’ensemble. P. 122 - 123
18 OCTOBRE
Dans le bouddhisme chinois ou japonais, seuls quelques Bodhisattvas et le Bouddha historique Sakyamuni, sont couramment représentés ; la secte Ch’an ou Zen en particulier a supprimé presque toute iconographie, en accord avec son caractère dépouillé, clair et simple ; dans ses efforts pour éviter toute bigoterie, encourager la libre pensée et le doute, le Zen utilise largement la contradiction, l’humour, l’irrévérence, approuvant le moine qui avait brûlé le Bouddha de bois de l’autel pour se réchauffer.* P. 137* Lire l'anecdote de Tan-hsia dans Le livre du thé, Page 64, Notes de Besançon 2023
20 OCTOBRE
En apprenant que nous ne serions que deux, le Roshi s’était déclaré satisfait : cela lui paraissait une condition indispensable d’un pèlerinage authentique. Il me conseilla de réciter le sutra de Kannon pendant que je marcherais dans la montagne et il me proposa un koan (un paradoxe Zen non susceptible d'être résolu par l’intellect mais apte à provoquer une dissolution soudaine de la pensée logique, ouvrant ainsi la voie à une perception directe du cœur de l’existence) :
« Tous les pics sont couverts de neige - pourquoi, celui-ci est-il nu ? »
[…]
Aoum… Ma-ni… Pas-Mai… Houng !
Une grosse sauterelle cuivrée me dispute le passage, luisante comme de l’ambre au soleil ; elle est si énorme et son éclat si magique que je me demande si elle n’est pas quelque vieux najorpa habile dans l'art de changer de forme. Mais avant que ce « parfait » puisse se manifester, la sauterelle bondit imprudemment dans le vide afin de commencer une nouvelle existence à plusieurs dizaines de mètres en contrebas. Il me plaît d’y voir le signe que je dois faire confiance à la vie et, remerciant l’insecte, je repars gaillardement. P. 150
23 OCTOBRE
Même à mes yeux peu avertis, les fresques anciennes qui décorent leurs murs, particulièrement les mandatas du plafond, paraissent complexes et bien dessinées car, autrefois, la culture de cette région était plus vivace qu'aujourd’hui. Les couleurs dominantes sont les ocres rouges, les bleus et les blancs mais le jaune et le vert sont également employés pour certaines représentation de Bouddha. P. 166
Tcho-Wa, qui veut dire « Rive du Lac », est-il possible que cela ait été celui du village englouti ? À part le monastère il n’y a aucune habitation au bord de l’eau vert-bleu sur laquelle aucun bateau n’a jamais vogué ; sa couleur si translucide doit refléter le sable blanc des profondeurs. Aucun animal aquatique, aucune algue même, ne vit dans cette étendue cernée de rochers. Sa pureté est vraiment parfaite, pareille au miroir toujours clair du symbolisme bouddhique qui, « bien qu’il présente une succession infinie d’images, est uniforme, incolore, toujours identique à lui-même et cependant nullement séparé des images qu’il révèle*. » P 167
* NOTE 21. « La réflexion n'est ni à I'intérieur, ni à l’extérieur du miroir et ainsi "les choses sont libérées de leur état de choses, de leur isolation, sans être privées de leur forme ; elles sont délivrées de leur matérialité sans être anéanties".» The Tantric Mysticism of Tibet, John Blofeld, P. 352
28 OCTOBRE
Le tantrisme embrassait l’existence dans sa totalité, avait conscience de l’Univers entier situé au cœur de la personne humaine. Toutes les pensées, tous les actes, y compris l’énergie sexuelle, étaient canalisés en vue du développement spirituel, avec, comme but, la transcendance de tous les contraires ; dans la communion du vin, de la fête et du sexe, l’illusion d’une identité séparée pouvait s’évanouir tant qu’une perspective de détachement était conservée. Toutes les choses, tous les actes étaient équivalents, imbriqués, des plus « basses » fonctions physiques jusqu’aux plus hautes aspirations spirituelles, au point que la consommation de chair de cadavre et d’ordure humaine était recommandée pour contribuer à l’ultime compréhension de l’existence. Le tantrisme pourrait ainsi être interprété comme la mise en pratique de la plus ancienne intuition religieuse de l’humanité, à savoir que le corps, l’esprit et la nature ne font qu’un. Mais la décadence affaiblit toutes les sectes tantriques, en particulier l’Ancienne secte ou Nyingma, et au XVIe siècle, une réforme fut amorcée par la nouvelle secte Gelug-pa et ses chefs, les dalaï-lamas. A cette même époque, en Inde (où le bouddhisme avait depuis longtemps été remplacé par l’islamisme), Mogol Akbar faisait écarteler les tantriques par des éléphants. P 188
Au dépôt supérieur il n’y a rien que la neige et le silence, le vent et le bleu. Je me repose au soleil enveloppé dans le doux linceul du vide blanc ; ma présence dans une telle vacuité semble être remarquée : il n’y a personne cependant. P. 192
30 OCTOBRELes sherpas redescendent aussitôt : ils semblent oppressés eux aussi par un tel désert. Resté seul je suis saisi par ce vide septentrional, cette absence de vent, de nuages, d’empreintes de bêtes ou d’oiseaux, ce néant où seuls existent les croissants de cristal reliant les pics, les immenses rocs sonores qui, libérés des serres de la glace et de la neige, projettent une implacable présence dans le bleu. Sous cette prime lumière, les ombres des rochers se découpent nettement sur la neige ; dans la tension entre la lumière et l’ombre réside la puissance de l’univers. Cette immobilité à laquelle tout retourne est la réalité ; l’âme et la raison n’ont pas plus de signification ici qu’une rafale de neige ; ce caractère transitoire et insignifiant m’exalte et me terrifie à la fois, comme la découverte soudaine, au cours d’une méditation, de ma propre transparence. Les montagnes enneigées, plus que la mer ou le ciel, réfléchissent comme un miroir notre être véritable, absolument calme absolument limpide, un vide, une vacuité sans son ni vie portant en elle tout ce qui est son et vie. Cependant, tant que je resterai un Je conscient mais à l'écart de ce vide, une brume de neige subsistera sur le miroir. P. 196
Dans des rêves récents j’ai deux fois vu une lumière si vive, si intense, qu’elle m’a « éveillé » mais elle s’est ensuite éteinte. Où était la réalité ? Dans la veille ou dans le rêve ? Le dernier idéogramme japonais écrit et le dernier mot prononcé dans cette vie par le vénérable maître de Soen Roshi voulait dire : « Rêve*. » P. 199
* Comme d'ailleurs le merveilleux dernier film d'Akira Kurosawa, Rêves, réalisé en 1990.
LA MONTAGNE DE CRISTAL
« Les jours et les mois sont les voyageurs de l’éternité. De même les années qui passent… J'ai moi-même été longtemps tenté par le vent qui entraîne les nuages, pénétré d'un immense désir d'errance… J’ai marché à travers brumes et nuées, respiré l'air raréfié des hautes altitudes, glissé sur la neige et la glace jusqu’à ce qu'enfin, à travers ce qui semblait être une arche de nuages jusqu’aux chemins mêmes du soleil et de la lune, j’atteigne enfin le sommet, hors d’haleine et presque mort de froid. Bientôt le soleil se coucha et la lune apparut, scintillante, dans le ciel. » La route étroite vers le Grand Nord, Basho P. 204
1 NOVEMBRE
« Le pouvoir d’une telle montagne est grand et pourtant si subtil que, sans y être contraints, les gens sont attirés vers elle, de près et de loin, comme par la force d’un aimant invisible ; et ils supportent en silence épreuves et privations dans leur besoin inexplicable de s’approcher du centre de cette puissance sacrée et de la vénérer… Leur piété n’a rien à faire avec ce qui impressionne l’homme moderne, l’altitude, par exemple, ou d’autres caractères scientifiques, non plus qu’avec le désir de "conquérir" cette montagne… » P. 206, Lama Angarika, The Way the White Clouds
6 NOVEMBRE
Parfois je contemple le ciel et les montagnes, parfois je m’assieds pour méditer, m’efforçant de faire le vide dans mon esprit, de parvenir à cet état où tout est « calme, libre et immortel... Toutes les choses éternellement telles qu’elles étaient, à leur propre place… un infini apparaissait derrière chacune*. », (Cela n’est pas d’un bouddhiste mais d’un Anglais du XVIIe siècle.) Et bientôt tout ce que l’on entend, ce que l’on voit et ressent prend une imminence, une immanence, comme si l’attention de l’Univers entier se trouvait éveillée, un Univers dont on est le centre, un Univers autre que Soi et qui, cependant, n’en diffère pas, même scientifiquement parlant : l'homme comme les montagnes, est composé d’hydrogène, d’oxygène, de calcium, de phosphore, de potasse et d’autres éléments. « Tu ne jouis jamais du Monde tant que la Mer ne coule pas dans tes veines, que tu n'es pas vêtu des cieux, couronné des étoiles et tant que tu ne te perçois pas comme l’unique héritier de l’univers entier et plus encore car, chacun des hommes qui y vit en est l’unique héritier comme toi. » "Centuries of Meditation", Thomas Traherne, P. 231
Les montagnes n’ont pas de « signification », elles signifient, elles sont. Le soleil est rond. Je résonne de vie, les montagnes résonnent et quand je puis l’entendre, nous partageons cette résonance. Je comprends tout cela, non par le truchement de mon esprit mais par celui de mon cœur, conscient de l’inanité qu'il y a à tenter de percevoir ce qui ne peut être exprimé, sachant que ces mots ne seront plus que des mots quand, un jour, je les relirai. P. 233
10 NOVEMBRE
Tout autour de moi, roc, pics enneigés, grands oiseaux, rivières noires, quels mots peuvent décrire tant de splendeur sonore ? Mais de nouveau quelque chose surgit dans cette résonance, quelque chose d’à peine supportable, une terreur suspendue comme dans la glace adamantine qui fait éclater les pierres. L’entendement chavire ; le soleil luit comme une arme. Et puis, le ravin noir serpente et se tord, la Montagne de Cristal se dresse comme un château d’épouvante, l’Univers entier retentit d’horreur. Ma tête est le crâne dans lequel le sorcier boit le sang et si je me retournais, mes yeux discerneraient le cœur même du chaos, la mutilation, la blessure sanguinolente, la douleur que l’on devine dans l’œil de ce lézard.
Et puis la folie s’évanouit, laissant derrière elle un écho. Le lézard est toujours là, se confondant avec son rocher, les flancs palpitant dans la chaleur de l’astre qui tiédit nos deux peaux ; l’éternité n’est pas lointaine, elle est ici près de nous. P. 248
11 NOVEMBRE
Le vautour-griffon de l’Himalaya, fauve et brun, atteint presque la taille du grand gypaète ; ses élégantes évolutions sur le fond des montagnes inspirent les Tibétains qui, comme les Aryens disparus des Vedas, adorent le vent et le firmament. Le bleu et le blanc sont les couleurs du dieu du ciel bon, considéré comme l’incarnation de l’espace et de la lumière et les créatures des hautes atmosphères deviennent des symboles bon : le vautour, le garuda mythique et le dragon. Pour le Tibétain bouddhiste, les drapeaux de prières et les cloches que le vent fait tinter lui confient leurs aspirations spirituelles ; les cerfs-volants rouges qui dansent les jours de fête au-dessus de la vieille cité brune de Katmandou, sont également d’origine tibétaine. Il existe d’ailleurs une coutume appelée « funérailles aériennes » où le corps du défunt est placé sur un escarpement isolé comme celui-ci, afin que les bêtes sauvages le déchirent et le dévorent ; quand il ne
reste plus que les os, ceux-ci sont brisés et broyés en une poudre fine, mélangés à de la pâte et de nouveau offerts aux oiseaux de passage. Ainsi, tout retourne aux éléments, la mort redevient vie. P. 252
RETOUR
« Ne sois pas frappé de stupeur devant le vrai dragon. » Fukanzazenji, Dogen Zenji, P. 281
25 NOVEMBRE
Le doux Jésus de l’Evangile contemporain donne l’espoir du Ciel au larron repentant sur sa croix : « Aujourd’hui tu es avec moi au Paradis. » Mais comme le fait remarquer Soen Roshi, le mot aujourd'hui ne figure pas dans les versions plus anciennes non plus qu’aucune allusion à l’avenir. Dans la traduction russe, par exemple, le sens est : « Ici maintenant. » Jésus déclare donc : « Tu es maintenant au Paradis », ce qui est tellement plus vital ! Nul espoir n’existe, sinon en ce moment présent, dans les conditions de notre propre vie déterminée par l’enchaînement du karma. « Aujourd’hui » est un aspect du nirvana, nullement différent du samsara mais cependant plutôt une alchimie subtile par laquelle la fange noire devient la fleur blanche et pure du lotus.
« Bien sûr que j’aime cette vie ! Elle est merveilleuse ! D’autant plus que je n’ai pas le choix ! »
C’est cela, peut-être, que Tukten a compris : que le voyage au Dompo, pas après pas, jour après jour, est le Joyau au cœur du Lotus, le Tao, la Voie, le Chemin mais pas plus que les petits événements quotidiens de la vie familiale. L’enseignement que nous a fourni le lama Tupjuk tandis que le léopard des neiges nous épiait derrière les rochers et que la Montagne de Cristal voguait haut dans le ciel, ne représentait pas, comme je l’ai cru ce jour-là, la sagesse éclairée d’un seul homme, mais l’expression magnifique de ce qu’il y a de divin dans l’humanité. P. 324
26 NOVEMBRE
C’est le dernier village bouddhiste que nous traverserons et la religion y est déjà moribonde : les murs à prières sont vétustes et personne n’y ajoute plus de pierres depuis longtemps. Car nous vivons l’époque de la Kali Yuga, l’âge sombre où toutes les grandes croyances s'éteignent peu à peu parmi les hommes. P. 329
29 NOVEMBRE
Tukten m’a prodigué bien des enseignements ; il est le maître que j’espérais trouver : je me le répétais comme une sorte de plaisanterie, mais je me demande, maintenant, si ce n’est pas vrai. « Quand tu seras prêt, disent les bouddhistes, le maître apparaîtra. » Il m’observait, il me souriait comme s’il m’attendait ; si j’avais été prêt il aurait pu me conduire assez loin sur le chemin « pour voir le léopard des neiges ». P. 340
« La mort est fin de la vie, mais la finalité de la vie n’est autre que la vie elle-même. Exister, c’est vivre pour vivre. Et vivre est bien plus que survivre ; vivre, c’est jouir de ce que nous pouvons ou voulons jouir. L’extrême jouissance du coït représente la rencontre fusionnelle temporaire où Éros et Cosmos se confondent. […] Ainsi, ce qui se passe dans nos corps est une hécatombe permanente, une hécatombe qui permet une régénération d’ensemble. La vie est capable d’utiliser la mort contre la mort. » La vie et la mort, Edgar Morin, L'Humanologue,17.01.2022
« Fils de paysan, je veux vivre et mourir pour prouver que dans ma catégorie, il y a aussi des hommes de génie et d'énergie. » Le Facteur Cheval. Ce palais grandiose et féerique a été bâti par un seul homme à mains nues : Ferdinand Cheval, un facteur sans connaissance de l’architecture qui collectait des pierres sur son chemin. Au total : 33 années de travail qui ont abouti à un joyau de l'art naïf. France Culture
– ÉMISSION RADIO : L'ASTROPHYSICIEN AURÉLIEN BARRAU AU MICRO DE MATHIEU VIDARD, FRANCE INTER, MAI 2022
Le message écologique : « Ce qui est important, c'est que se diffracte ce message, cette parole et cette pensée." Est-ce que vous êtes usés par les médias ? "Je crois que, de toute façon, Il y a une espèce de résilience du système, qui a une capacité d'ingérence de message de façon pour le retourner en un outil de divertissement et ça c'est vrai, quel que soit la personnalité qui s’exprime*. »
* C'est tellement vrai des œuvres et des messages de tous les artiste et ce, aujourd'hui, globalement et dans le monde entier…
- « L'ennui c'est qu'il n'y a pas de bonne solution à cette situation qui est fondamentalement désespérée donc, je crois qu'il faut une lutte fractale qui se diffuse à tous les étages, de toutes les manières et ne surtout pas choisir, en réalité. »
- Le mot d'environnement que vous semblez particulièrement exécrer ? :- « Oui, c'est très étrange ce mot, c'est tout de même ramener tout ce qui n'est pas nous à ce qui est autour de nous. C'est un petit peu, je dirai, faire de la Nature (qui est aussi un mot très problématique d'ailleurs), une espère de grand Disney Land pour notre présence. Même le mot écologie est problématique car c'est déjà penser l'homme dans une opposition à cet environnement dans lequel il est sensé évoluer. Rien que cette classification linguistique du réel est extraordinairement problématique (rèf P. Descola) montrant que cette binarisation entre nature et culture mais on pourrait dire aussi entre homme et femme, entre haut et bas etc. est une construction sociale qui s'est avérée très puissante dans la métaphysique occidentale mais dont on voit aujourd'hui qu'elle est extraordinairement néfaste, parce qu'elle nous fait croire que nous jouissons d'une sorte de statu transcendant, nous les humains, par rapport au reste du vivant. Ce qui est biologiquement faux, poétiquement triste et philosophiquement abject. […]
On parle beaucoup de 'sauver le climat', mais 'sauver le climat', on s'en fiche un peu. Moi, le climat, ça m'intéresse pas. Ce qui compte, c'est la vie ! Or, quand on regarde un peu les conditions nécessaires pour l'existence et la pérennité de la vie sur terre, on voit que le climat, ce n'est qu'un problème parmi d'autres puisque, en réalité l'effondrement est multifactoriel. De même, pour 'la biodiversité', ce n'est pas un (simple) impact sur la biodiversité (qui serait externe à nous) dont il s'agit, mais sur la vie elle-même car la biodiversité, c'est la vie." […]
Que faire quand on est devant deux silences qui sont antagonistes : L'état actuel du monde, fut-il défendu par des brillants polytechniciens en costume-cravate, est un état ultra-violent. Nous sommes en train, non seulement d'éradiquer la vie sur Terre mais aussi de laisser mourir un enfant de faim toutes les cinq secondes et de faire mourir 1,5 million de personnes en Europe et sur le pourtour méditerranéen à cause de la pollution. Donc, le monde que l'occident contemporain façonne, est ultra-violent ! Si contrer cette violence, demande une certaine brutalité… mais, qu'il en soit ainsi ! Moi, ce que je souhaite, c'est le triomphe de la Vie. Le triomphe de la vie, parfois passe par l'affrontement ! Je ne le désire pas, mais je le constate. »
« Certains des éléments peints relèvent d’une technique particulière où interviennent des "jetés" de gouttelettes de peinture liquide, en secouant le pinceau au-dessus du tableau étendu à terre. J’associe ces projections à d’autres moyens – couches successives, applications de feuilles de papier, lancés de sable, égratignures aux dents de fourchettes – pour obtenir des nappes finement ouvragées. Celles-ci donnent une impression de matière fourmillante, vivante et scintillante, évoquant toutes espèces de textures indéterminées, voire des galaxies ou des nébuleuses. J'ai donné à ces peintures le nom de 'Texturologies'.» Sérénité profuse, Jean Dubuffet
L'Univers ne pense pas, l'Univers n'a pas de finalité ; il EST tout simplement.
Pour moi, l'Art est vraiment consubstantiel à la Vie.
Notre société est décadente et sordide mais moi, je ne le suis pas, je suis un ascète, purement et simplement.
Ma peinture est cannibale ; elle se nourrit à profusion, férocement, irrémédiablement, interminablement, d'images érotiques de sexes, de seins, de bouches, de transes sexuelles, d'extases et d'orgasmes féminins.
Les artistes sont là (peut-être), pour transmuter alchimiquement la merde de la société en Art.
– ARTICLE : LES SIMULATIONS DE REBONDISSEMENT REMETTENT EN QUESTION LE BIG BANG : L'INFLATION CONTRE L'UNIVERS CYCLIQUE, NAUTILUS, CHARLIE WOOD, 5.08.2020
Des simulations informatiques détaillées ont montré qu'une contraction cosmique peut générer des caractéristiques de l'univers que nous observons aujourd'hui.
RÉDUIRE LE POINT DE VUE
Dans le modèle de rebondissement, le rayon de Hubble microscopique garantit la régularité et la planéité. Et alors que l'inflation transforme de nombreuses imperfections initiales en parcelles géantes du multivers, la contraction lente les fait disparaître. Nous nous retrouvons avec un cosmos sans début ni fin, sans singularité au moment du Big Bang et sans multivers.
Les simulations du Big Bounce remettent en question le Big Bang
Des simulations informatiques détaillées ont révélé qu'une contraction cosmique peut générer des caractéristiques de l'univers que nous observons aujourd'hui.
Dans un univers cyclique, les périodes d'expansion alternent avec des périodes de contraction. L'univers n'a ni début ni fin.DE N'IMPORTE QUEL COSMOS AU NÔTRE
L'un des défis pour les cosmologies de l'inflation et du rebond est de montrer que leurs champs d'énergie respectifs créent le bon univers, quelle que soit la façon dont ils démarrent. "Notre philosophie est qu'il ne devrait pas y avoir de philosophie", a déclaré Ljjas. "Vous savez que ça marche quand vous n'avez pas à vous demander dans quelles conditions ça marche.
L'Art, les rituels, les prières et même les rêves sont des moments très importants pour notre psyché car ils nous permettent, lorsqu'on les vit ou les pratique de manière consciente et spirituelle, d'entrer en vrai contact avec nos morts.
– LIVRE : L'ÉVEIL DE L'INTELLIGENCE, J. KRISHNAMURTI
Nous n’allons pas approfondir la question de l'amour pour le moment. Mais quand vous avez ce sentiment d’observation réelle, de la vision réelle, alors cette vision entraîne avec elle l’extraordinaire élimination du temps et de l’espace qui se produit là où il y a amour. Et vous ne pouvez pas avoir d’amour sans reconnaître la beauté. Vous pouvez parler de beauté, vous pouvez écrire, dessiner mais si vous êtes sans amour, rien n’est beau. Être sans amour signifie que vous n’êtes pas entièrement sensitif. Et parce que vous n’êtes pas sensitif, vous dégénérez. Ce pays est en état de dégénérescence. N’allez pas dire : « Les autres pays ne sont-ils pas dans le même état ? » - ils le sont évidemment - mais vous, vous êtes en état de dégénérescence même si techniquement vous êtes un ingénieur de premier ordre, un excellent homme de loi, un technicien remarquable sachant faire fonctionner des ordinateurs ; mais vous êtes en état de dégénérescence parce que vous n’êtes pas sensible au processus de la vie. L'art de voir, P. 285
Mais nous sommes sans intensité et sans urgence et nous ne le sommes pas parce que nous n’avons pas d’énergie. Pour regarder n’importe quoi, un oiseau, un corbeau perché sur une branche lissant ses plumes, pour regarder cela avec tout votre être, tous vos yeux, vos oreilles, vos nerfs, votre esprit et votre cœur, pour regarder tout cela d’une façon complète, il vous faut de l’énergie ; non pas cette énergie triviale issue d’un esprit dissipé qui a lutté, qui se torture, chargé de fardeaux innombrables. Et cette existence torturée, cet épouvantable fardeau est le sort de quatre-vingt-dix-neuf pour cent des esprits humains ; par conséquent, ils ne disposent d’aucune énergie, l’énergie étant la passion. Sans passion, vous ne pouvez découvrir aucune vérité. La liberté, P. 291
Krishnamurti répond en quelque sorte, dans ce passage, à une question que je me pose souvent : à savoir pourquoi le public ne répond t’il pas du tout à l'énergie irradiante de mon travail ? Je crois bien que la réponse est décrite ci-dessus. C’est à dire, qu’ils sont tout simplement dans un état de 'dégénérescence' et en manque total d’énergie, peu importe ce qu’ils sont et qui ils sont socialement et culturellement parlant… Et n’oublions pas également le dédain envers le processus organique de la vie et l’énergie vitale de la nature dans sa totalité… Ni la passion non plus !
PORNS, ORGASMS, SEX & DEATH (tribute to kali)
PORNO, ORGASMES, SEXE & MORT (hommage to kali)
Dionysos : Image archétypale de la vie indestructible.
Une société qui ne laisse plus aucune place aux artistes qui y vivent, est une société profondément malade, soumise uniquement aux lois de l'argent, désespérée en même temps que profondément fondamentalement et sidéralement désespérante.
« Je ne veux parler que de cinéma, pourquoi parler d’autre chose ? Avec le cinéma on parle de tout, on arrive à tout. »
« La télévision fabrique de l'oubli. Le cinéma fabrique des souvenirs. »
« Le cinéma est quelque chose entre l'art et la vie. »
« Il faut fermer les yeux au lieu de les ouvrir. » Prénom Carmen
« Ce n'est pas nous qui sommes sales, c'est le Monde ! » Maruschka Detmers, Prénom Carmen, Jean-Luc Godard
KARMA-KALI, EROTIC DREAMS & PARADOXES
KARMA-KALI, RÊVES ÉROTIQUES & PARADOXES
KARMA-KALI, SEXUAL DREAMS & PARADOXES
« Tara is supposed to hold the second position next to Buddha which is similar to that of Durga of the Hindu pantheon. She is a tantric meditation deity whose practice is used by practitioners of Tibetan branch of Vajrayana Buddhism to develop certain inner qualities. »
Désacralisation d'œuvres d'art possédant un pouvoir magique, par les Peules autochtones, dans les musées français : « Plusieurs membres de la communauté Bidjan ont fait le déplacement au Musée du Quai Branly à Paris cet après-midi pour désacraliser, dans une langue secrète, le djidji ayokwe, tambour parleur confisqué par les colons français au début du 20e siècle. »
L'Occident, de part et avec sa logique rationnelle implacable semble arriver à son niveau paroxystique, au solstice de sa bêtise ! Il m'ennuie énormément. Personnellement, je préfère et de loin les mystiques du Moyen-âge ou les Sâdhus hindous.
Ne dites plus "art pariétal" au singulier : contrairement à ce que l'on a longtemps cru, il existait une multitude de styles artistiques dès la Préhistoire. « Ces images ne sont pas que des œuvres d'art, elles son des œuvres d'art pour nous mais elles sont des œuvres utiles, des œuvres qui transmettent des messages, qui transmettent des mythes, qui transmettent des récits. » Patrick Paillet, préhistorien, France Culture, 19.11.2022
– AUTRES LIVRES LUS EN 2021 ET 2022
Cette liste n'est pas exhaustive et je n'ai pas pris le temps d'en citer des extraits, non parce que je n'y ai rien trouvé d'intéressant mais, tout simplement, par manque de temps.
Et le miroir brûla. Portrait conté de Marguerite Porete, Charlotte Jousseaume (à lire plus haut ce que j'ai écrit auparavant sur le très beau livre de Marguerite Porete)
L'Heureuse feinte, Sade
L'homme joie, Christian Bobin
Mémo sur la nouvelle classe écologique, Bruno Latour
Esprit zen esprit neuf, Shunryu Suzuki
Les eaux tranquilles, Tourgueniev
Terre d'ébène & Pêcheurs de perles, Abert Londres
Récits d'une vie fugitive: Mémoires d'un lettré pauvre, Chen Fou
Jean-Pierre Sergent, Besançon, décembre 2022