Interview filmé le 9 juin 2023 à l'appartement-atelier de l'artiste peintre Claudie Floutier à Besançon, France. Caméras Lionel Georges. Lire les Transcritions des vidéos.

J'ai rencontré mon amie Claudie Floutier en septembre 1979, dès mon entrée à l'École des Beaux Arts de Besançon, après avoir étudié durant une courte année, l'architecture à Strasbourg. J'avais en effet décidé de quitter les études d'architecture, qui semblaient demander trop de 'raison' et de contraintes, étant trop 'rationnelles' en quelque sorte. Or, lors du premier cours de Claudie, elle nous fit entrer (pénétrer) dans des Univers jusqu'alors inimaginés, merveilleux et lointains. En particulier : LA COULEUR ou LES COULEURS, pour lesquelles j'ai développé, depuis, une fascination et un amour immodéré. Mondes colorés, épicés, foisonnants, sensuels et merveilleux... que j'ai pu, par la suite, rencontrer de visu, lors de mes voyages en Egypte, au Mexique et au Guatemala. La révélation, dans les temples égyptiens ayant été alors, pour moi, si forte, que j'ai même décidé, à mon retour d'Égypte, de carrément quitter les Beaux Arts : car l'Art n'est ni dans les écoles, ni dans les musées, il est juste dans la Vie et dans ce qui l’accompagne : rituels, envoutements et surtout dans le SACRÉ ! 
Depuis son premier cours initiatique, nous sommes restés amis et nous échangeons très souvent au sujet de l'Art, de la Littérature ainsi que sur la situation du Monde en général. Son dernier coup de gueule, c'était la semaine dernière où passant par la Gare de Lyon à Paris, pour visiter sa fille Millie et garder ses petits-enfants, elle a vu de nouvelles boutiques de luxe parmi lesquelles, une vendant des capsules de café ! Quelle idée saugrenue et superfétatoire, alors que le Monde croule sous les déchets, de vendre de tels produits polluants et inutiles ! Qui a besoin de capsules de café ? What else ? 
Nous avions déjà filmé un premier entretien en septembre 2019 Art, sagesses & bribes de souvenirs communs, dans lequel nous parlions essentiellement de mon travail. Il m'a semblé important d'aller interviewer ou plutôt de laisser parler l'artiste Claudie, dans son appartement-atelier, son UNIVERS coloré et germinatif, afin qu'elle puisse nous présenter, nous faire connaitre, nous émerveiller avec une petite partie de ses œuvres et séries de travaux, sur papier pour la plupart, entassés dans des cartons de boites à chaussure, innombrables et prolifiques. Comme les séries des Trobeïrices, des Corona-virées, des portraits de Rembrandt etc., etc. Et également de nous raconter un peu sa vie, si riche en rencontres, ainsi que les pourquoi et les comment, sans volonté explicative de ses choix de vie de Femme et d'Artiste. 
Il y a, dans son travail, une volonté de faire, de bouleverser, de renverser la table, de témoigner des injustices du Monde mais surtout, il y a la force d'une présence et d'une attention à celui-ci et d'en soulever le voile de la cruauté, des injustices et des bouleversements de notre vie moderne. Pour en écharper, en extraire une beauté, souvent éphémère, parfois fragile, toujours simplissime, irrévérencieuse, galipettetesque et clownesque, selon sa volonté. Comme elle le dit elle-même, elle est : « Jean qui rit et Jean qui pleure. ». J'espère que ses belles paroles sauront tous vous émouvoir, bien au-delà de ce simple film documentaire, des convenances de l'Art, de ses mondanités normatives et de la bien pensance actuelle. Alors, « Longue vie à Claudie !» 

Selon les mots de l'artiste :
Lignée Cévenole par ma mère, Camarguaise par mon père…
 Je suis née à Meynes, près du Pont du Gard à l’ombre du quel je repars chaque été dans ma belle et très vieille maison de Fournés.
 Le reste de l’année j’habite à Besançon par choix…
 J’aime cette singulière ville, sa rivière, ses collines et toute cette nature qui me constitue… 
J’y fus professeur à l’école des Beaux-Arts, après avoir enseigné à l’École des Beaux-Arts de Metz… où je concourus de mauvaise grâce après une très difficile vie d’artiste à Paris… Où je fus élève aux Beaux-Arts, dans l’atelier de Lucien Couteau.
 Gagnant alors ma vie comme démonstratrice couleur chez Lefranc Bourgeois dont le siégé était à Puteaux, il me fut facile d’intégrer l’école des Beaux-Arts de Metz car dedaignée à cette époque  par le milieu artistique parisien…
 Mariée, divorcée, puis mère célibataire, très attachée à mon travail aux Beaux-Arts de Besançon, très attachée à ma fille Millie, j’ai continué dans mon lieu de vie, picorant des miettes de temps pour me retrouver et créer tout ce qui me passait par la tête sans le souci de la performance artistique… Moi, moi, rien que moi et mon petit univers enchanté… Ma fidèle et fictive compagne Trobeirice m’accompagne et m’entraine dans des aventures que je ne soupçonnais pas… tout à côté de la cuisine… d’où  monte une odeur de brûlé… 
Ainsi arrivée à cet âge où se cultive l’art d’être grand mère, je continue à défricher ce petit chemin qui va et vient, monte et sinue à travers les heures… et… qui me conduit… je ne sais pas où… 

Claudie Floutier, le 10 juin 2023